Elle est seule face caméra, assise sur un banc de bois, vêtue simplement d’un pull marinière et d’un jean. Dans une vidéo diffusée par la BBC en fin de journée, vendredi 22 mars, Catherine Elizabeth Middleton, 42 ans, amaigrie et pâle, le cheveu lâché, s’est adressée aux Britanniques et au monde entier depuis les jardins fleuris du château de Windsor. Kate n’a pas annoncé son retour tant attendu pour Pâques. Après des mois de convalescence et de spéculations, dans un sobre et poignant monologue, écrit d’une traite par ses soins et enregistré le mercredi, elle a stupéfait la planète en révélant souffrir d’un cancer découvert après sa lourde opération à l’abdomen. L’intervention pratiquée le 16 janvier dans un hôpital privé londonien s’est déroulée avec succès. Dans un premier temps, les officiels avaient écarté la présence d’un cancer comme raison de l’opération. Mais des analyses effectuées postérieurement ont révélé la présence du mal.
Chimiothérapie préventive dès février
L’allocution est une première dans la monarchie sur le sujet délicat et intime de la santé. Elle a eu l’effet d’un électrochoc, stoppant aussitôt les commérages, les insinuations et les railleries imbéciles. En apportant un début d’explication, Kate a repris le contrôle du narratif. Selon les médias britanniques, elle aurait décidé d’intervenir quinze jours auparavant. Depuis des semaines, la vérité mise à mal, en partie par sa faute, a laissé s’installer le doute et les théories complotistes outrancières. La duchesse de Cambridge se serait décidée à parler une fois ses enfants en congé, inquiète qu’ils soient tourmentés par les questions de leurs camarades d’école. A en croire les rumeurs, Kate aurait été dans le coma et serait même morte, remplacée au pied levé par Heidi Agan, son célèbre sosie. Dans cette période d’extrême tension, rien ne lui aura été épargné.
En s’exprimant, elle a révélé une femme fragilisée mais très combative. Kate, le dos au mur, est apparue en mère responsable, priorisant le bien-être de ses enfants face à la maladie et à ses enjeux. C’est une épreuve terrible qu’elle affronte avec le soutien sans faille de William, futur roi, et de leurs trois jeunes enfants, George, 10 ans, Charlotte, 8 ans, et Louis, 5 ans. Elle a tenu à leur expliquer les choses et à les rassurer loin de l’agitation des caméras et des micros. Ce nouveau coup du sort s’ajoute à l’annonce de la maladie de Charles III. «Une sorte de cancer», selon le communiqué émanant de Buckingham Palace publié le 5 février.
Depuis le début de l’année, la famille royale vit donc une situation inédite. Le souverain et sa belle-fille, opérés à quelques jours d’intervalle, luttent contre un cancer dont on ne connaît pas la nature exacte. Avec la disparition de la reine Elisabeth II, les rouages impeccablement huilés de la communication monarchique se sont quelque peu grippés.
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Si l’on sait toujours naviguer par beau temps en organisant parades et événements rassembleurs, on peine à gérer l’imprévu. La vieille conception des monarques cultivant le secret est désormais incompatible avec l’exigence de l’époque dominée par une injonction, parfois extrême, de transparence. En prenant la parole, Kate fait bouger les lignes. Depuis le début de l’année, quand la fatigue guette, on ose le faire savoir. Ainsi a-t-on appris que la reine Camilla, 76 ans, se serait épuisée à la tâche en mettant les bouchées doubles. Le prince William est apparu à plusieurs reprises le visage cerné par de trop courtes nuits, inquiet pour la santé de sa femme dont il gardait le lourd secret. Son désistement soudain et inexpliqué à l’hommage donné en l’honneur de son parrain, le roi Constantin de Grèce, a donné l’alerte. On invoqua une «raison personnelle» alors que Kate n’avait plus été aperçue en public depuis Noël. On imagina une raison grave; on envisagea même le pire. On sait désormais que la princesse, dans le plus grand secret, avait commencé à se soumettre dès février à une chimiothérapie préventive afin de réduire le risque et la propagation de son cancer.
Fuites à la London Clinic
Face au drame qui se joue en vase clos, William a pris la décision de se retirer de la vie publique afin de rester auprès d’elle. Il fait passer les siens avant son devoir, geste rare dans une famille très à cheval sur les traditions et prompte au sacrifice. Dans ce contexte extraordinaire, la monarchie cherche désormais à savoir où mettre le curseur. Le roi a fait preuve d’une certaine transparence alors que sa belle-fille et ses conseillers, à force de louvoyer, se sont égarés. En ne précisant pas l’exacte nature de son mal, ni l’opération qu’elle a eu à subir, Kate a éprouvé les limites de l’exercice. Il lui fallait réagir de manière inédite en raison d’un risque avéré de fuite. Une enquête interne aurait été ouverte à la London Clinic après une faille détectée dans le système de sécurité. Elle aurait permis à des employés indélicats l’accès illégal au dossier médical de Kate.
Peu avant, la duchesse avait été brocardée pour avoir, le jour de la Fête des mères, diffusé une image maladroitement retouchée, la montrant en compagnie de ses enfants. Les agences ont fini par retirer le cliché entaché du soupçon de manipulation. Loin de rassurer l’opinion, la photo a mis le feu aux poudres. Kate, face à d’autres préoccupations, avait même dû s’excuser pour sa maladresse dans l’utilisation du logiciel Photoshop.
Les excuses de Blake Lively après les moqueries
Qu’arrivait-il à cette figure «zéro défaut», personnalité la plus populaire de la famille royale et atout charme des Windsor? A force de la voir défiler, lisse et impeccable, on l’imaginait invincible. Personne, jusque-là, ne s’était soucié de savoir ce qu’elle pensait ni même ce qu’elle ressentait. Mieux, elle n’avait encore quasiment jamais pris la parole. Kate a toujours assumé sans faille sa mission en incarnant, excellente comédienne, un personnage glamour, souriant, rayonnant. Une superstar «chosifiée», une femme symbole sans aspérités.
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Sa maladie et son speech de deux minutes l’humanisent et la révèlent dans un registre nouveau. On se souvient qu’elle participa, en octobre 2015, à son tout premier dîner d’Etat à Buckingham en l’honneur de Xi Jinping. Le président chinois fut placé au côté d’une Kate éblouissante dans sa robe rouge aux couleurs du drapeau de l’hôte du palais. Un champ chromatique destiné à attirer l’attention sur elle. Quatre ans après son entrée officielle dans la famille, elle était parfaite. La reine Elisabeth II, grande ordonnatrice de ces banquets XXL, était à la manœuvre. Mais le temps est venu de passer à autre chose. Il faut montrer qui est la femme, simple mortelle, derrière l’icône alors que la triste réalité la rattrape.
Cette fois, la jeune femme parle au cœur des gens et, chose rare, à la première personne. L’exercice lui a permis de redresser la barre et de faire taire les rieurs. L’actrice américaine Blake Lively a été la première à s’excuser publiquement, se disant mortifiée de l’avoir moquée sur Instagram. Comme au temps de la princesse Diana, la chasse était ouverte, sans honte ni limites. En 2024, les réseaux sociaux charriant des torrents de boue ont remplacé les paparazzis mais les mots font aussi mal que les photos volées. La rumeur assassine et ses propagateurs – dont l’animateur américain Stephen Colbert – ont eu l’extrême mauvais goût de faire surgir la figure de Rose Hanbury, maîtresse présumée de William, au moment où Kate se battait pour sa santé.
Dans l’imaginaire collectif, surtout depuis l’avènement de la très populaire série Netflix «The Crown», la monarchie serait peuplée d’oisifs inutiles, de parvenus machiavéliques, vivant à l’abri du besoin derrière les murs épais de leurs châteaux. Des gens importants sans existence réelle. En prenant la parole à hauteur d’homme, en se montrant accessible, Kate a tendu un miroir à ceux qui la regardent et qui sont, comme elle, des pères et des mères de famille, vivent, travaillent et souffrent. «Bien sûr, cela a été un choc énorme, dit-elle, William et moi avons fait tout notre possible pour que la situation soit gérée en privé, dans l’intérêt de notre jeune famille. Comme vous pouvez l’imaginer, cela a pris du temps. Il m’a fallu me remettre de cette opération chirurgicale majeure, et pouvoir ensuite commencer mon traitement. Mais, plus important encore, il nous a fallu du temps pour tout expliquer à George, Charlotte et Louis d’une manière adéquate, et pour les rassurer sur le fait que tout ira bien.» Prenant le public à témoin, elle ajoute: «Comme je leur ai dit, je vais bien et je deviens plus forte chaque jour en me concentrant sur les choses qui m’aideront à guérir; dans mon esprit, mon corps et mon âme.»
Ces mots résonnent avec force chez les Windsor. On le sait, les séquelles psychologiques causées par la mort de Diana et le lourd silence entourant sa disparition ont traumatisé ses fils livrés à eux-mêmes. Ces douleurs muettes, dévastatrices, fruit de l’adage «never explain, never complain» («ne jamais expliquer, ne jamais se plaindre»), sont d’un autre temps. Le prince Harry en a fait le noyau de son autobiographie, «Le suppléant». Après deux ans de silence et de brouille, lui et Meghan, dans un message à caractère privé, ont formulé des vœux de guérison: «Nous souhaitons santé et guérison à Kate et à sa famille et espérons qu’ils pourront le faire en privé et en paix.» Un geste qui pourrait annoncer l’amorce d’une réconciliation.
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Du temps, de l’intimité et du respect
Guérir en paix? C’est peu ou prou ce que l’intéressée réclame. Soit sa part d’intimité et, habile sous-entendu, de respect. «Nous espérons, ajoute-t-elle, que vous comprendrez qu’en tant que famille nous avons maintenant besoin de temps, d’espace et d’intimité jusqu’à la fin de mon traitement. Mon travail m’a toujours apporté un profond sentiment de joie et j’ai hâte d’être de retour quand je le pourrai, mais pour l’instant, je dois me concentrer pleinement sur mon rétablissement.» En clair: lâchez-moi la tiare et les baskets.
Kate a conclu en s’adressant aux dizaines de milliers d’anonymes – quelque 7540 nouveaux cas diagnostiqués chaque semaine dans l’ensemble du Royaume-Uni – qui, comme elle, souffrent d’un cancer. «En ce moment, conclut-elle, je pense aussi à tous ceux dont la vie a été affectée par cette maladie, sous quelque forme que ce soit; ne perdez pas la foi ni l’espoir. Vous n’êtes pas seuls.» Celle qui fut surnommée Waity Katie, Katie la Patience, attendant que William daigne, après sept ans, lui demander sa main, s’est toujours distinguée par son extrême volonté. Il lui en faudra pour franchir cet obstacle. Elle reviendra, nouvelle princesse des cœurs, plus populaire, plus forte et plus déterminée que jamais.