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Kevin Fiala en NHL: «Les millions me laissent froid»

A 24 ans, l’attaquant suisse du Minnesota Wild Kevin Fiala a tout pour devenir une star en NHL. Il évoque sa progression, sa saison de rêve, le contrat de 6 ou 7 millions qui l’attend. Et évoque son expérience du coronavirus.

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Cyrill Matter

Kevin Fiala, vous venez de passer un mois en Suisse. Cela vous a plu?
Kevin Fiala: Je ne pourrais pas passer tout l’été à Zuzwil (SG). Il y a tout de même trop peu d’animation dans mon village. Mais y vivre un bon moment, oui. Nous avons fait une randonnée au Säntis, c’était beau, ainsi que du wakeboard sur le lac de Zurich. Et j’ai recommencé à jouer au golf.

Vous venez de vivre une saison étrange. Avec des pré-play-off en plein été venant après une longue pause à la suite de l’interruption de mars. Comment était-ce?
Les basketteurs ont arrêté en premier. Nous étions sûrs que la NHL suivrait. Cela n’a pas tardé. Le lendemain, en arrivant au stade, on nous a dit: «Vous pouvez faire demi-tour!» De là à penser que nous allions être immobilisés pendant des mois… Je m’attendais à quelques semaines, au pire. J’ai été un peu naïf.

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Irrésistible, le hockeyeur va entrer dans le club des millionnaires de la NHL. Cyrill Matter

Votre organisation ne vous a-t-elle pas donné un plan à suivre?
Pas très précis. Avec Jessica, ma copine, nous sommes encore restés à Minneapolis deux ou trois semaines, alors que d’autres étaient déjà partis depuis longtemps. Ensuite, nous nous sommes envolés pour la Suède pour ma préparation aux play-off. J’étais convaincu que la saison irait à son terme. Je me suis parfaitement préparé.

Sans savoir quand la NHL reprendrait?
J’ai vécu au jour le jour, en m’entraînant très dur avec mon coach personnel de physique et de patinage, Andreas Larsson. J’ai passé treize semaines à Göteborg. L’incertitude a rendu le séjour difficile.

Ne vous êtes-vous jamais posé la question du sens des choses?
Si, bien sûr. Mais la question n’était pas tant de savoir pourquoi mais pour quand.

La Suède s’est abstenue de confiner ses habitants. N’avez-vous pas eu peur d’y contracter le virus?
Pas vraiment. Nous avons procédé à notre propre confinement, en ne prenant aucun risque, en ne mangeant jamais au restaurant. Nous avons rencontré des joueurs suédois de NHL, William Lagesson d’Edmonton, Anton Blidh des Bruins et John Klingberg des Dallas Stars. Comme eux, nous avons entretenu peu de contacts avec des tierces personnes.

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«Quand tout me souriait, j’avais tendance à me reposer un peu. Aujourd’hui, j’en rajoute une couche. Même si je viens de marquer deux buts.» Cyrill Matter

Quand êtes-vous rentrés aux Etats-Unis?
Le 26 juin. Nous avons subi une quarantaine de deux semaines. Nous avons fait venir nos repas tous les jours. Sortir avec notre chien un court instant représentait notre plus grand sentiment de liberté. Nous regardions souvent la télé. Nous avons vu les cinq saisons de Prison Break, parfois jusque tard dans la nuit.

La NHL édictait-elle de strictes règles d’entraînement en mode coronavirus?
Très strictes. Chaque jour, nous allions au vestiaire masqués. Chacun subissait un test, on nous prenait la température, tous les jours nous devions noter dans une appli notre état et d’éventuels symptômes. Ce n’est qu’ensuite qu’on nous autorisait à entrer sur la glace, où on nous prenait encore une fois la température. Chacun avait sa gourde à boire étiquetée à son nom. Après l’entraînement, nous recevions à manger dans un sac, que nous ramenions à la maison. En théorie, nous étions libres de nos mouvements, mais on nous a bien expliqué tout ce qui pouvait arriver: «Si vous attrapez le covid, vous serez mis en quarantaine, vous perdrez la forme et peut-être votre place. Vous serez exclu.» Il y avait bel et bien un semblant de pression exercé sur nous.

Les qualifications pour les play-off se sont jouées à Edmonton. Vous vous êtes retrouvé dans cette «bulle». Décrivez-nous cela!
Douze équipes étaient logées dans deux hôtels. Les six meilleures franchises dans l’hôtel directement relié à l’arène. Nous dans l’autre. Nous nous rendions à pied au stade, dans un couloir flanqué de grilles pour nous isoler. Devant le stade, nous nous asseyions sur des bancs d’un terrain de basket. Avec notre équipement et nos masques, par 30°C. Ce fut étrange et un peu désagréable au début. Mais au moins, nous étions dehors et j’aime être au grand air.

Six équipes dans un même hôtel? Vous deviez croiser vos adversaires dans les couloirs?
Tout le temps. Nous affrontions Vancouver. Souvent, on descendait et on montait dans le même ascenseur. Avant et après les matchs. Il a fallu s’y habituer. Le côté positif fut que j’y ai rencontré mes compatriotes de Nashville Roman Josi et Yannick Weber. Les retrouvailles furent sympas, mais l’expérience en tant que telle ne fut pas fabuleuse, même si nous n’avons été privés de contacts avec nos amis, nos femmes et nos familles que pendant deux semaines. Les équipes qui sont allées au terme des play-off ont vécu entre elles pendant plus de deux mois.

En aviez-vous assez de l’isolement?
Non, je l’aurais supporté plus longtemps. Nous avons joué au tennis de table, regardé les matchs à la TV. On pouvait même s’asseoir dans les gradins et suivre les matchs au stade. C’était drôle. Le soir, nous avions tout le restaurant pour nous pendant deux heures. Une autre équipe nous relayait ensuite. Les matchs sans spectateurs ne manquaient- ils pas singulièrement d’émotions? Un public réactif a fait cruellement défaut, notamment les exclamations lorsqu’un puck part. Il a fallu nous motiver mutuellement encore davantage. Les matchs gardaient cependant leur enjeu.

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«En arrivant à Minneapolis, je me suis dit: «Sois toi-même, ne copie personne.» C’est ainsi que je joue bien.» Cyrill Matter

Vous imaginez-vous recommencer la prochaine saison sans spectateurs?
Il n’y a toujours pas de signaux clairs de la part de la NHL. J’espère que nous n’aurons pas à recommencer ainsi. Quelque chose manquerait cruellement au spectacle.

Votre équipe a été éliminée par Vancouver. A titre personnel, vous avez connu une excellente saison, avec 54 points en seulement 64 matchs. Déjà sous Bruce Boudreau, les choses n’allaient pas trop mal pour vous. Après son limogeage, vous avez encore progressé avec Dean Evason. Quelle en est la raison?
Il y a eu un déclic. Dans les huit premiers matchs, je n’avais comptabilisé qu’un assist. Puis cela a commencé à marcher. J’ai apprécié la confiance de mes entraîneurs. Les choses ont définitivement évolué dans le bon sens avec Dean Evason, qui fut mon coach chez les Milwaukee Admirals, il y a cinq ans. Je sais comment il fonctionne, et vice versa. Il me laisse jouer le hockey qui me convient. Ceci explique cela.

Est-il un mentor pour les jeunes? Ne se soucie-t-il pas des grands noms?
Il se moque de votre âge ou de savoir qui vous êtes. Si tu es bon, tu joues. C’est rare en Amérique. Les jeunes joueurs doivent souvent s’armer de patience avant d’obtenir plus de temps de jeu. Evason veut simplement de la performance, jour après jour.

Des piliers comme Zach Parise ou Mikko Koivu vous ont-ils aidé ou ont-ils plutôt joué des coudes?
Quand je suis arrivé à Minneapolis en provenance de Nashville, en 2019, l’équipe avait perdu quelques matchs de suite et était en méforme. La situation a été difficile pour tous. Pour un nouveau venu comme moi surtout. Cette saison, tout s’est mieux passé. Zach, Mikko et les autres m’ont beaucoup aidé à m’installer. Je leur en suis très reconnaissant.

Le succès a-t-il changé votre statut dans le vestiaire?
Je suis devenu un brin plus confiant en moi. J’étais plein d’ondes positives et j’ai tenté de transmettre ce bon sentiment. Il m’importait d’apporter ma personnalité. Quand je suis arrivé à Minneapolis, je me suis dit: «Sois toimême, n’essaie pas de copier qui que ce soit.» C’est ainsi que je joue bien. Il m’a fallu du temps pour connaître tout le monde, pour me sentir à l’aise. Au plus tard à Noël je me suis senti super bien. J’ai alors su comment tout le monde fonctionnait.

Un contrat de l’ordre de 6 ou 7 millions de dollars par saison vous attend. Or il paraît que l’argent vous laisse froid. Vraiment?
Tout à fait. Je n’y pense pas un instant. Je me concentre sur mon boulot. Pour le reste, j’ai un agent, Craig Oster.


Par Christian Bürge publié le 30 octobre 2020 - 10:54, modifié 18 janvier 2021 - 21:15