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Kucholl et Veillon sont enfin de retour!

Alors que les deux Vincent ont annoncé trois nouveaux rendez-vous pour la rentrée, dont «120 Minutes» le 1er septembre sur la RTS, L'illustré a retrouvé une interview croisée faite en 2013, au tout début de leur parcours incroyable. 

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Blaise Kormann

La veille, tout un théâtre s’est levé en une vague et est resté longtemps debout pour les saluer, l’un (Veillon) en conférencier, l’autre (Kucholl) virevoltant dans une dizaine de personnages extrêmes qu’on s’amuse ensuite à singer au bureau: Sé-le-tox-dela-Riponne, Gilles-Surchat-le-chômeurde-Reconvilier, Berclaz, Chollet.

Lors de leur tournée d’une centaine de dates (dont les 70 en vente ont affiché complet en quelques heures), ils ont déjà joué une trentaine de fois, typhons de rires à l’appui, soutenus par leurs chroniques sur Couleur 3.

Eux? Ça va. Devenir les vecteurs d’un phénomène social et culturel, ça secoue quand même un peu.


Comment allez-vous?
V. K. et V. V.: Bien. On est soulagés.

Vous aviez la frousse?
V. K.: Ah oui, les derniers jours avant le début, c’était l’enfer. Il y avait tellement de pression sur nous, tellement d’attente. Nous n’avions pas le droit de nous planter. C’était violent. Je te jure, je n’étais pas bien.
V. V.: Nous l’avons senti à travers des articles de presse. Je me souviens de phrases dans les quotidiens romands, du style «L’heure de vérité». On nous attendait au tournant.


V. K.: Je me souviens d’un mercredi, en mai, deux jours avant la première. Je savais qu’un article allait paraître. Je me suis réveillé à 6 heures, j’avais soif. J’ai jeté un oeil sur le Net pour le lire. Je ne me suis pas rendormi. J’ai eu mal au dos, j’ai vraiment somatisé.

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  Blaise Kormann

Le trac?
V. K.: Pas le trac, l’angoisse. Le trac, je l’ai eu une fois: c’est traumatisant, on a peur de ne pas trouver les mots. Mais, là, j’étais angoissé. Nous avions 20 000 billets vendus, 60 dates complètes. Tu te rends compte, si ça s’était mal passé? Nous aurions traîné un boulet pendant une année.
V. V.: C’est exactement ça: le fait que le spectacle était virtuellement vivant alors que personne n’avait rien vu. C’était un pari, comme si nous avions misé au tapis, all-in, et que nous regardions nos cartes. Sans être sûrs d’avoir le brelan.

Et alors, quel retour avez-vous?
V. K.: C’est génial, cela donne des émotions. A la fin du spectacle, la salle s’allume et on voit les gens, on les entend dire merci. L’autre soir, nous avons eu notre cinquième standing ovation. J’étais au bord des larmes.

Quel est votre rapport avec les gens?
V. V.: Il est fort, étonnant. Il est aussi induit par nos chroniques quotidiennes à la radio. Tous les matins, on se réveille ensemble. Quand les gens arrivent dans la salle, ils ont l’impression de nous connaître.
V. K.: Nous sommes leurs copains. Cette proximité est aussi amenée par le fait que n’importe qui pourrait faire cette chronique. Il y a 2000 balles de matos, c’est rien. Il suffit de deux potes, trois appareils et des idées. Il n’y a aucun déballage de frime ou de pognon, c’est tout simple. Et le fait que ce soit quotidien montre que nous ne sommes pas des tire-au-cul en train d’exploiter un filon.
V. V.: C’est génial, nous nous remettons tous les matins en danger. Nous sommes dans le feu et les gens nous alimentent d’encouragements, de pressions. Le feu devient ainsi toujours plus beau, plus fort, mais plus dangereux!

On a une supercote de sympathie au Jura et en Valais

Qu’est-ce qui change, avec le succès?
V. V.: Le seul truc, c’est qu’on nous parle beaucoup de notre travail. J’adore aller à la montagne avec des potes qui n’en ont rien à faire.
V. K.: Oui, nous sommes tout le temps en train de bosser, parfois seize heures par jour. Il faut juste trouver du temps pour se nourrir, lire les journaux, rester dans la réalité. Je me réjouis de lever le pied cet été.

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  Blaise Kormann

Vincent Veillon, vous jouez le rôle de l’auguste, un peu naïf, très suisse, rassurant. Je me suis laissé dire que les filles adorent cela…
V. K.: Les filles kiffent plus Vincent que moi, alors qu’il est nettement moins beau.
V. V.: (Il rit.) Ce personnage est né à la radio. Il est celui qui mène l’interview, qui met l’autre en lumière. Cela correspond assez à ma personnalité. Après, dans le spectacle, il n’est pas tout à fait le même. Je me dis qu’il s’agit de son frère ou de son cousin. Pour moi, qui ai moins d’expérience que Vincent, il est hyperintéressant de commencer par travailler la sobriété.

Et entre vous?
V. V.: Cela marche parce que nous nous sommes compris. Nous aurions très bien pu nous arrêter vite. Il y a les ego, le terrain de jeu. Je ne sais pas comment, c’est une formule chimique, cela fonctionne. Avec évidemment des prises de tête tous les deux mois. C’est une des clés classiques du couple: il faut tout se dire, ne rien laisser pourrir dans les coins.

Avez-vous blessé des gens?
V. K.: Aucun. On a, par exemple, eu plein de messages de sympathie d’habitants de Reconvilier, même du maire! Au Jura, les trois dates de Delémont ont été pleines en vingt minutes. Mille billets vendus pour 11 000 habitants! Le Valais et le Jura sont les endroits où les places sont parties le plus vite. Nous y avons une supercote, alors que nous sommes assez vaches avec eux, «la cave du pays», etc. Ils kiffent ça. Parce que nous le faisons avec amour, je pense.

Qui est le plus travailleur des deux?
V. K.: Nous sommes pareils, je crois.
V. V.: C’est le départ de notre relation.
V. K.: L’intensité de travail, l’exigence.
V. V.: Avant de nous apprécier, nous avons commencé par bosser! La première fois, c’était en 2009, Chollet à Sydney! Nous avons filmé huit épisodes de deux minutes en une journée, en les montant le soir.
V. K.: Il portait le sac à dos pour que je puisse me changer et c’était le robinet continu à conneries…

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  Blaise Kormann

Le thème de votre spectacle, c’est la Suisse. Qui est le plus Helvète des deux?
V. K.: Je ne me sens ni Suisse ni pas Suisse. Je me sens Lausannois, puis Vaudois, puis Suisse, puis Européen. Mon identité, je m’en fiche un peu. J’aime regarder le lac, le Cervin, être à Zurich, à Paris, à New York. Mon rapport à l’identité n’est pas clair. Je ne suis pas du tout chauvin.
V. V.: Je ne suis pas fier d’être Suisse, puisque je n’y suis pour rien. Mais quand j’atterris à Cointrin, je trouve cool de retrouver les montagnes.
V. K.: Cela fait quinze ans que j’habite dans le même appart lausannois, alors qu’avant je bougeais beaucoup. J’ai une jolie vue sur le lac, dans un immeuble 1900. Je ne vais pas lâcher ça.
V. V.: Avant d’être Suisse, je suis des Plans-sur-Bex. C’est là que j’ai grandi, que je me sens chez moi. Après, cela devient vite délicat, cela peut faire patriotique. L’autre jour, je suis allé marcher là-bas, comme quand j’étais petit. C’est drôle de faire ces piqûres de rappel, de temps en temps.
V. K.: Moi, je n’ai pas ça. Je viens d’aller à Donneloye (VD), où j’ai vécu de 0 à 4 ans. J’étais content de voir la maison, mais je ne me dis pas que j’ai des racines.

Pensiez-vous que la Suisse avait un tel potentiel comique?
V. K.: Il existe un trend que j’observe avec les livres dont je m’occupe (ndlr: Kucholl a publié une collection d’ouvrages sur la Suisse): les gens s’intéressent à leur pays. Nous sortons d’une période de méfiance vis-à-vis de tout ce qui pourrait contenir le moindre patriotisme. Or, sans virer nationaliste, on peut accepter d’où l’on vient et en parler. En rire. Mes bouquins avec Mix & Remix, personne ne pensait que cela allait marcher avec des titres aussi ch… Or, nous en avons vendu 450 000!
V. V.: L’enjeu, c’est de parler de notre pays sans donner de leçons. Notre regard sur la Suisse, on s’en fiche un peu. Un pote à moi est venu, plutôt un gars terrien, que la politique n’intéresse pas. Il m’a dit avoir beaucoup appris sur les institutions.

Allez-vous voter?
V. K.: Toujours.
V. V.: Evidemment. Depuis que j’ai 18 ans, j’y suis obligé. Mon père me mettait les enveloppes sous le nez: «Tu votes!»

Qui a eu l’idée de ce thème?
V. K.: Vincent a eu l’idée d’une joint-venture entre 120 secondes et mes bouquins.
V. V: Il fallait juste dire: «Regarde, tout est là!» Puis se référer à du réel. Se renseigner, donner des chiffres.

Et votre côté culotté, Vincent Kucholl, comme de faire la bise à Freysinger et aux politiciens?
V. K.: Mais nous avons demandé leur accord. Ce n’est pas de la caméra cachée. Plein de gens pensent, par exemple, que Voiblet a été surpris. Non, nous avons fait trois prises. La scène la plus dure, ce fut quand je distribue des flyers en ville. Là, je suis supermal à l’aise.

Vous, mal à l’aise?
V. K.: Oui, je suis nul en théâtre de rue. Je déteste aller embêter les gens.
V. V.: Un jour, nous avons tourné à Londres. Il devait juste demander l’adresse du plus proche bordel à un guard, qui de toute façon n’allait jamais bouger. On l’a refaite quinze fois, il n’osait pas. Vincent a un côté très artisan minutieux.

Qu’observez-vous sur scène?
V. K.: Des trucs géniaux. A un moment, je dis qu’il me reste juste assez pour payer le leasing et les pensions alimentaires des exfemmes. Cela ne fait rire qu’une ou deux personnes, mais très fort. J’adore. Ces quelques gars se disent que tout le monde a des ex-femmes. Ils sont mes happy few…

Quels sont vos projets?
V. K.: Nous nous réjouissons d’aller à Savièse, à Delémont, à Vallorbe.
V. V.: Nous allons faire notre tournée du cirque Knie à nous. On nous parle de la France, mais on ne réfléchit pas du tout à nous exporter.
V. K.: On nous parle de stratégie, mais que dalle! Nous ne pensions pas que la chronique radio cartonnerait ainsi. Nous imaginions que cela pourrait intéresser quelques personnes, jamais que cela ferait 40 000 clics par épisode. J’ai un souvenir, c’était le 23 décembre 2002. Ce jour-là, une journaliste a écrit une critique d’une demi-page dans Le Temps, sur notre trio des Ouahs. Je me suis dit que je n’aurais peut-être plus jamais ça, que c’était trop beau.

Vivez-vous un truc unique?
V. V.: Nous ne ferons pas toujours des choses ensemble. Nous en aurons marre, un jour. L’important, c’est de profiter de tout. Nous ne calculons pas. Il faut surtout ne jamais être convaincu de ce qu’on fait.


VINCENT ET VINCENT

Vincent Veillon (27 ans) a suivi l’ECAL et maîtrise les instruments vidéo. Vincent Kucholl (37 ans) est licencié en sciences politiques et possède une longue expérience de la scène.

Ils sont actifs dans le théâtre d’impro Avracavabrac et se sont connus à la RTS, créant la capsule vidéo «120 secondes» en 2011. Ensemble, ils cartonnent! «Nous nous ressemblons pas mal», disent-ils.




Par Marc David publié le 23 août 2018 - 14:23, modifié 18 janvier 2021 - 21:00