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Dossier «Barbie»

La Barbiemania vue par deux politiciennes suisses

Un mois après sa sortie dans les cinémas, personne n’a pu échapper à la déferlante «Barbie». Si le film réalisé par l'Américaine Greta Gerwig cartonne au box-office, le long-métrage n'est pas exempt de critiques. Barbie est-elle une icône féministe? Opportunisme commercial ou vrai film à caractère politique? Eléments de réponses avec Nuria Gorrite et Léonore Porchet.

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Léonore Porchet et Nuria Gorrite s'expriment sur le phénomène Barbie

Nuria Gorrite et Léonore Porchet s'expriment sur le phénomène Barbie

Portraits: Nora Rupp, mise en beauté: Francis Ases; Courtesy of the Schlesinger Library/Harvard Radcliffe Institute via JWA

«Barbie n’est pas une égérie politique. C’est un produit qui doit générer du profit»

Nuria Gorrite, 53 ans, conseillère d’Etat vaudoise

- Vous souvenez-vous de votre première Barbie?
- Nuria Gorrite: Elle avait un maillot de bain rouge, sans doute une sauveteuse en mer. On se rappelle surtout sa première Barbie, les suivantes sont interchangeables. C’est là toute la stratégie commerciale de Mattel, qui a inventé le «prêt-à-jeter» en 1959 déjà, pour inciter à changer de Barbie dès qu’une nouvelle sort sur le marché. Auparavant, les petites filles ne possédaient qu’une poupée qui les assignait à un rôle: la maternité. Il fallait la bercer, la materner, la nourrir, etc. Avec Barbie, les petites filles ont pu se projeter dans d’autres histoires.

- Votre réaction quand vous avez appris qu’un film sur Barbie était en préparation?
- Je n’ai pas été étonnée. L’idée d’un film est complètement en cohérence avec les plans de l’entreprise américaine qui sont de coller à l’air du temps. Je connais bien la question car j’ai été conservatrice du Musée Alexis Forel à Morges, qui détient notamment une collection de poupées. En 1997, nous avions réalisé une exposition intitulée «Poupée chic pour effet choc» qui revenait sur les dix premières années de la poupée Barbie. Et déjà les bases de Mattel étaient posées. Et cela continue aujourd’hui.

Nuria Gorrite interviewée sur le film Barbie

Nuria Gorrite: «J’ai été agréablement surprise par le film, que j’ai trouvé drôle et intelligent. Cela permet d’ouvrir la discussion à des cercles qui n’ont pas forcément lu Virginie Despentes ou écouté le podcast «Les couilles sur la table» de Victoire Tuaillon.»

Nora Rupp, mise en beauté Francis Ases

- Qu’avez-vous pensé du film?
- Comme on dit en vaudois, j’ai été déçue en bien! (Rires.) Cela reste une manière de diffuser largement des propos clairement d’affirmation féministe et de lutte contre le patriarcat, même si cela reste un peu cliché. Je pense que certains publics passent peut-être à côté du deuxième degré permanent qui ne parle pas forcément à tous. Le long métrage tire un peu en longueur mais j’ai apprécié sa posture. On s’attend à ce que le monde de Barbie soit stéréotypé. Or le film démontre que c’est notre réalité qui l’est.

- Barbie, icône féministe?
- Non. Barbie n’est pas une égérie politique, c’est un produit qui doit générer du profit. Elle n’a jamais été précurseure, elle suit les tendances. Mattel n’est pas une entreprise qui lutte pour le droit des femmes. Elle veut vendre et s’empare de tendances déjà implémentées dans la société. Cela dit, si le film permet de discuter de la place de la femme et de s’affranchir des modèles patriarcaux, hors des cercles déjà sensibles à ces questions, c’est un bon compromis.


 

«Je trouve génial qu’on débatte du patriarcat grâce à Barbie»

Léonore Porchet, 34 ans, conseillère nationale (Les Vert-e-s/VD)
Léonore Porchet interviewée sur le film Barbie

Léonore Porchet: «On peut reprocher beaucoup de choses au film, mais il soulève des questions intéressantes. Cela permet le débat, tout le monde parle de Barbie!»

Nora Rupp, mise en beauté Francis Ases

- Vous souvenez-vous de votre première Barbie?
- Léonore Porchet: 
Non, mais j’en ai eu beaucoup! En revanche, je me souviens d’avoir reçu le camping-car Barbie, l’occasion de pouvoir raconter des histoires extraordinaires. Je prenais infiniment soin de mes Barbie. Je les ai toutes transmises à ma petite sœur, qui, elle, les a toutes détruites! (Rires.)

- Que représentait-elle?
- Un jouet rien qu’à moi. Avec mon petit frère, on jouait ensemble aux Lego. Mais Barbie, c’était un truc de filles. Elles étaient chez mon papa que je voyais toutes les deux semaines. Je me réjouissais de les retrouver et de continuer mes histoires. Puis, forcément, à l’adolescence, on se rend compte qu’on n’aura jamais ce corps de Barbie. M’aurait-on menti?

- Pourquoi être allée voir le film?
- J’étais très curieuse, surtout après tout le battage marketing orchestré par Mattel et les débats enflammés sur les réseaux sociaux qui ont suivi. J’avais envie de voir de quoi il en retournait. Aux Etats-Unis notamment, le débat est très polarisé avec, d’un côté, les milieux conservateurs et masculinistes qui alertent du danger que le film pourrait représenter pour les enfants et, de l’autre, les pro-Barbie arguant que le film allait changer la face du monde. Sans surprise, je me situe entre les deux. 

- Qu’avez-vous pensé du film?
- C’est une sorte de «féminisme pour les nuls», mais c’est très bien malgré quelques longueurs. Enfin un film pour les femmes! Il existe une quantité de films pour les garçons, les «Top Gun», les Marvel avec ces héros qui emballent et sauvent des nanas. C’est chouette de voir autre chose. Vous qui êtes une féministe, le film l’est-il suffisamment à vos yeux? Disons que c’est une excellente porte d’entrée. Tout le monde en parle. Que des personnes débattent du patriarcat grâce à Barbie, je trouve ça génial.

- Barbie, nouvelle icône féministe?
- Non, je ne pense pas. C’est une des lectures possibles mais le film est financé en partie par Mattel… Il s’agit d’une vision consumériste du féminisme qui ne me correspond pas du tout. Même s’il s’en défend, le film promeut une vision assez stéréotypée de la Barbie qui doit rester jolie à tout prix.
 

Par Alessia Barbezat publié le 30 août 2023 - 10:30