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Rencontre

La chanteuse Sonia Grimm: Du désespoir à l’élan d’une nouvelle vie

Après avoir vécu sous la coupe d’un pervers narcissique, la chanteuse Sonia Grimm a songé à mettre fin à ses jours. Un travail introspectif lui a permis de se libérer de l’emprise et d’anciennes blessures. Désormais, elle vit auprès de Steve Alban Tineo. Ils signent un ouvrage sur les relations toxiques. Rencontre à cœur ouvert.

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Sonia Grimm

Sonia Grimm, 47 ans, et Steve Alban Tineo, 45 ans, chez eux, à Genève. «Notre terrasse en Vieille-Ville est un petit havre de paix qui nous permet de nous couper du monde tout en étant proches de tout», dit la chanteuse. ​​​​​​Son amoureux, lui, est négociateur de crise, gestionnaire de conflit et préparateur mental.

Blaise Kormann

Au sixième étage d’un immeuble du centre de Genève, Sonia Grimm, 47 ans, assise sur un tabouret de bar dans le coin cuisine d’un appartement coquet, évoque sa nouvelle vie. Son compagnon, Steve Alban Tineo, 45 ans, à peine rentré des courses, prépare le repas de midi. Au menu: salade verte, avocat, et œuf dur en entrée, puis viande grillée au barbecue sur la terrasse plein ciel ensoleillée et dessert de son cru. La mangue qu’il épluche en vue d’une crème onctueuse au fond de laquelle il va glisser un carré de chocolat a laissé une trace orange sur sa chemise blanche. «Décidément, je ne sais rien faire», glisse-t-il sur un ton badin. A ses côtés, Sonia, chanteuse, auteure-compositrice et conférencière, serait-elle enfin devenue la princesse de ses spectacles pour enfants? Avant d’en arriver là, gaieté affichée et sourires complices, le chemin a été long et douloureux.

Sonia Grimm

«On adore s’amuser tous les deux. Dès que l’occasion se présente, nous circulons à trottinette. Cela nous procure une joie toute simple, avoue Sonia Grimm. Avec Steve, cela facilite nos déplacements en ville et les transforme en un moment de tendre complicité.»

Blaise Kormann

En novembre 2017, Sonia Grimm avait fendu l’armure en nous racontant son calvaire: la pression, les menaces, le viol, les coups. Un enfer conjugal sous l’emprise d’un homme qualifié de pervers narcissique et condamné depuis. «Mon interview dans «L’illustré» a été ma première prise de parole publique. Elle a provoqué la sortie de mon livre «Insoumise – Autopsie d’un amour destructeur.» Par la suite, j’ai reçu des centaines de témoignages de femmes, de quelques hommes aussi. Ils vivaient dans la peur de représailles et me demandaient d’être leur porte-parole. En 2019, j’ai décidé de créer l’association Parle-moi.»

Malgré les vertus libératrices de son témoignage, tout n’était pas réglé. Délivrée physiquement de sa relation, elle allait découvrir qu’elle portait une souffrance ancienne et profonde, invisible aux autres. Ni elle ni personne n’avait réussi à déterminer la source du problème et à en comprendre les mécanismes. «A cette époque, dit-elle, je confondais le manque et l’amour. Pour moi, c’était la même vibration. Je n’identifiais pas la faille.» A chaque nouvelle étape amoureuse, apparemment heureuse, elle reproduisait le schéma victime-bourreau. «Comme deux aimants qui s’attirent.»

Sonia Grimm a connu l’emprise, la violence et le viol conjugal. Un cauchemar auquel elle a mis fin dans un sursaut salvateur en se rendant à la police après des menaces de mort un soir d’été. «Mes deux enfants étaient absents. Il est monté dans notre chambre armé d’un couteau d’environ 25 centimètres. Je tremblais de tout mon corps. Il avait pris l’habitude de débarquer en pleine nuit et de me réveiller. Il était jaloux pour une histoire de SMS sans fondement.»

Le temps a passé et elle a rencontré un autre homme. Alors qu’elle croyait s’être engagée dans une relation stable, Sonia Grimm a connu la tromperie. Pour tenter d’y voir plus clair, elle a décidé d’entamer un travail introspectif avant qu’il ne soit trop tard. «J’éludais le problème. J’étais à fond dans mon travail. Puis je me suis donné pour mission d’aider les autres. En étant constamment occupée, j’évitais de penser à moi. En réalité, j’étais à deux doigts de me suicider», avoue-t-elle alors que passe une détresse indicible dans son regard. Steve Alban Tineo enchaîne: «J’avais dû me mettre dans la tête qu’un jour, peut-être, j’allais recevoir un coup de téléphone m’annonçant qu’elle venait de prendre des médicaments…»

Sonia Grimm

Il est 11 heures et, de retour des courses, Steve Alban Tineo prépare le repas de midi. «Nous cuisinons ensemble ou l’un pour l’autre, à tour de rôle», souligne Sonia.

Blaise Kormann

Mais qu’est-ce qui la torturait? La réponse, elle l’a couchée sur le papier: «Mon mental est un monstre qui me ronge. Il n’attaque que moi. Personne ne le voit.» Elle allait devoir apprendre à le raisonner, à lâcher prise et à laisser s’exprimer sa voix intérieure afin de faire remonter ses émotions. «Des colères anciennes liées à mon enfance rejaillissaient. Que ce soit en famille ou avec mes amis, je me sentais illégitime, quoi que je fasse. Et personne n’avait jamais prêté attention à ma nature hypersensible.» Parmi d’autres enfants, elle avait été systématiquement jalousée et rabaissée. «Ma mère, de nature optimiste, minimisait en me disant: «Ce n’est pas grave, ma chérie, on avance, on n’y pense plus.» Cette façon d’évacuer les tourments et d’ignorer leur source pour donner du courage à sa fille menait Sonia dans une impasse. «J’avais fini par devenir ce que l’on attendait de moi dans le seul but d’être aimée et non pas d’être celle que j’étais vraiment.»

En grandissant, Sonia Grimm avait construit une fausse image d’elle-même. «Je n’avais aucune estime de moi. J’étais dominée, écrasée et je pensais que c’était normal parce que j’étais persuadée que c’était ma place. Il y avait en moi quelque chose de brisé. Comme je voulais plaire, je n’osais pas dire non à mes bourreaux. En fait, je n’osais dire non à personne… A l’adolescence, j’avais succombé au chantage dans mes premières relations intimes. Mon petit ami me disait: «Si tu ne me fais pas ci ou ça, je le ferai faire par quelqu’un d’autre.» Ce chantage était déjà une forme de contrainte que je n’avais pas su identifier comme un viol. Tant que l’on n’a pas compris la source du problème, on reproduit le même schéma. Moi, je m’enfermais dans la dépendance.»

Steve, son compagnon, ajoute: «Au début, lorsque j’ai contacté Sonia sur le réseau LinkedIn, c’était dans un but purement caritatif. J’avais lu un de ses textes que j’avais trouvé remarquable et je lui avais écrit: «Chère Madame, je connais très bien ces domaines, est-ce que je pourrais partager un café avec vous?» Très vite, j’ai compris qu’il y avait chez elle de petites blessures qui remontaient à l’enfance, récurrentes…» Chemin faisant, Sonia et Steve se sont rapprochés.

Sonia Grimm

«Steve est aussi batteur. Ici, nous répétons à la maison les chansons de notre spectacle «Par le MOI». La musique est une de nos passions communes.»

Blaise Kormann

Avant de s’engager, il a préféré mettre de la distance avec bienveillance: «On ne s’embrassera pas avant que tu aies réglé tes problèmes et moi les miens», lui a-t-il suggéré. Ce «cuisinier et prince charmant» est un homme avisé. Négociateur de crise, gestionnaire de conflit et préparateur mental, il a vite compris ce qu’elle-même n’avait pas réussi à déchiffrer et connaissait aussi ses propres failles. Comme pour parer le soupçon d’une énième relation dominant-dominé, il ajoute: «Je ne suis ni son psy ni son gourou. C’est elle qui a fait le travail. Je lui ai donné des clés et quelques outils, des lectures notamment, des vidéos. J’ai aussi connu une enfance qui a provoqué de nombreuses cassures en moi, je comprends ce que représente le fardeau d’une blessure psychologique.» Avec le recul, il fait ce constat: «Quand nous nous sommes rencontrés, elle voulait faire de moi le bourreau. Son subconscient avait entamé un travail de sape.» Sonia Grimm renchérit: «J’étais prête à refaire les mêmes erreurs. Il m’a fallu neuf mois pour éprouver une libération. Au bout de trois mois, et pour la première fois, j’ai ressenti qu’il y avait quelqu’un à l’intérieur de moi. Steve, lui aussi, avait ses blessures. Nous nous sommes soignés mutuellement. Nous vivons un échange de cœur à cœur, sans ego.»

Steve Alban Tineo ajoute: «J’ai dit à Sonia: «Nous sommes un couple mais deux individualités. Avant toute chose, fais ce que tu penses être bon pour toi.» Elle enchaîne, catégorique: «J’ai décidé d’arrêter mes spectacles pour enfants. Je ne ressens plus le besoin d’être dans la lumière. Aujourd’hui, je me suis reconstruite et j’ai envie d’être heureuse. C’est pour moi une façon de clore un chapitre de ma vie. A l’avenir, je resterai dans la coulisse.»

Pour l’instant, elle est encore sur scène, en couple cette fois. «Notre spectacle est basé sur «Par le MOI» (ndlr: Ed. WuWei Inspiration), le livre que nous avons coécrit pendant la pandémie. Cet ouvrage philosophique et spirituel est à la fois théorique et pratique.» La méthode s’intitule KYF pour «know yourself first» ou «connais-toi toi-même en premier». Selon Sonia et Steve, «elle permet d’apprendre à canaliser les pensées afin de mettre fin aux souffrances et de sortir des relations toxiques». Au début du livre, elle lui rend hommage: «Merci de m’avoir guidée afin que je parvienne à me libérer. Merci pour ta patience, pour ta tolérance, chaque fois que mon mental s’est rebellé. Merci de m’aimer telle que je suis sans me juger.»

Sonia Grimm

«Nous aimons promener notre chien Scooby, c’est l’occasion de partager un café en terrasse, comme ici à La Clémence, passage obligé au Bourg-de-Four. Ce café historique est animé toute l’année.»

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Leur postulat de départ est clair: «Rien de ce qui est exprimé dans ce livre n’est LA vérité. Ce n’est que la transmission de nos expériences vécues.» Steve ajoute: «Il faut toujours se méfier des apparences dans les relations dysfonctionnelles. J’ai eu à m’occuper d’un cas dans lequel la femme était toxique et manipulatrice, mais elle était dans le déni.» Jusqu’à présent, rien ne semblait le prédestiner à être sous les feux de la rampe. A la fin du spectacle contre la violence et le harcèlement – dont il existe une version pour enfants et une autre pour adultes (www.sonia-grimm.com) –, un petit garçon a demandé à Steve: «Mais vous, vous n’avez peur de rien?» Il lui a rétorqué: «Ma plus grande peur, c’est d’être sur scène.» Et Sonia de conclure: «A deux, on «challenge» nos peurs. Elles sont mentales avant tout.»

Par Didier Dana publié le 2 décembre 2021 - 08:35