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Le portrait

L’acrobate romand aux semelles de vent

Du 31 juillet au 18 août, à Crans-Montana, le Genevois Raphaël Perrenoud est l’un des invités de la Barcode Circus Company, vedette québécoise de cette édition de Cirque au Sommet. Rencontre avec un artiste sans frontières.

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Spécialiste des acrobaties au sol et virtuose du flic-flac. Blaise Kormann

Il est revenu en Suisse dans un train de nuit, le moyen de transport qu’il privilégie chaque fois que c’est possible. Depuis l’été dernier, l’acrobate Raphaël Perrenoud a posé son sac dans un petit village de Slovénie. Mais c’est à Genève, où il est né en 1985, que tout a commencé. «Nous habitions à côté du parc des Eaux-Vives et j’y voyais souvent des jeunes faire des jongleries et des acrobaties. J’avais 17 ans – un peu tard pour commencer! – quand je me suis dit que je voulais moi aussi apprendre à faire un flic-flac…»

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Né à Genève en 1985, Raphaël Perrenoud a aujourd’hui posé ses valises en Slovénie. Blaise Kormann

Il lui faudra trois mois pour maîtriser cette spectaculaire figure de renversement et à peine deux fois plus pour réussir son premier saut périlleux en suivant les cours du Théâtre-Cirqule, à Thônex (GE). «Avec son véritable chapiteau, c’est vraiment un lieu magique, avec une ambiance bien particulière, une sorte de communauté.» Et c’est ainsi qu’il a attrapé le virus.

Mongolie et Rosny-sous-Bois

Le temps d’achever ses études au collège et Raphaël s’en va passer deux mois en Mongolie – en train, déjà – pour cultiver sa nouvelle passion. De retour à Genève, il poursuit son entraînement de circassien et s’essaie neuf jours, neuf jours seulement, à étudier les mathématiques sur un banc de l’université avant de changer radicalement d’orientation, direction la France et l’Ecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois. Il y passera deux ans à apprendre ce qui est aujourd’hui sa spécialité, l’acrobatie au sol, mais aussi le trampoline et la roue Cyr, ce grand agrès de 2 mètres de diamètre dont il est également un virtuose.

A 23 ans, il estime avoir passé suffisamment de temps dans les écoles et s’en va dès lors mener la vie dont il rêvait, celle d’un saltimbanque. Quant à la nature de son don pour les pirouettes, il explique à sa manière simple et sincère: «Pour moi, l’acrobatie n’allait pas de soi, mais j’ai beaucoup, beaucoup travaillé… J’étais peut-être plus doué en jonglerie, mais ça ne m’intéressait pas.» Pour le fort en maths, la principale difficulté a sans doute été de réussir à «laisser tomber l’intellect». «Pendant mon stage en Mongolie, je posais beaucoup de questions et mon prof me disait toujours: «Ne pense pas trop!»

Tour du monde

La suite de son parcours ressemble à un tour du monde passant, au gré des rencontres, des remplacements, des stages qu’il suit ou qu’il donne, par la Corée du Sud, le Mexique, l’Egypte, les Pays-Bas, l’Italie, la Russie, l’Ukraine, l’Inde, l’Argentine, la France, l’Angleterre, le Québec... plus de 65 pays, dit sa biographie. Il s’est produit sur des scènes célèbres, comme la Scala de Milan (dans l’opéra «Pagliacci»), ou mobiles, comme le chapiteau du Circus Monti, sous lequel il a participé en 2011 à 280 représentations à travers la Suisse alémanique.

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Des entraînements quotidiens et une bonne hygiène de vie pour rester au plus haut niveau. Blaise Kormann

Le visage lumineux, le regard vif avec ses yeux verts, on le sent curieux de tout, nourri d’échanges et d’amitiés au long cours. «J’aime le contraste entre le moment où l’on monte un chapiteau sous la pluie, dans la boue, et puis le spectacle… Je n’ai encore jamais joué dans un cirque traditionnel comme le Knie, ou dans les «Cabarets» (les spectacles de variétés), comme on les appelle en Allemagne, mais j’ai envie de tout essayer. Mon grand rêve, ce serait d’être engagé dans un cirque stable, fixe, comme on en trouve en Russie.»

Par sa taille et ses trains légendaires, le grand pays le fascine presque autant que l’Ukraine, «mon pays préféré». Pour exercer le russe qu’il a appris tout seul, Raphaël a lu «Les Frères Karamazov» et puis «Le Maître et Marguerite» («que j’ai adoré») dans leur langue originale.

Le modèle Daniele Finzi Pasca

Parmi tous les artistes lui ayant donné le goût du spectacle, il cite James Thierrée et le souvenir de son spectacle «La Veillée des abysses»; il évoque aussi sa rencontre avec le metteur en scène de la prochaine Fête des vignerons, Daniele Finzi Pasca. «C’est quelqu’un de simple et de modeste, avec une compagnie dans laquelle on sent un bon esprit. J’aimerais bien être comme lui quand je serai vieux.»

Pour un acrobate, se maintenir en forme implique naturellement une bonne hygiène de vie, explique ce végétarien grand amateur de thé, qui a traversé l’Inde en train pour aller visiter les jardins de Darjeeling.

Même si les conséquences d’un accident sont généralement moins graves pour un artiste travaillant au sol que pour un trapéziste, Raphaël n’est jamais à l’abri de quelques douleurs dorsales. Lui qui se verrait, pourquoi pas, devenir un jour ostéopathe («j’ai un bon feeling dans les doigts») a récemment fait l’acquisition d’un livre d’anatomie. «Et j’hallucine d’avoir fait dix-sept ans d’acrobatie avec aussi peu de connaissances de mon corps et de mes muscles!»

Grande famille

Son art mélange des figures de cirque traditionnel et des éléments de capoeira et de breakdance. C’est ainsi que cet été à Crans-Montana, avec Ugo Dario, acrobate et sauteur à la bascule, le comédien-humoriste Karim Slama et le musicien Jérémie Pellaz, il prêtera ses talents à la Barcode Circus Company, quatre artistes (deux Américains, une Française et une Québécoise) qui collaborent depuis bientôt 10 ans avec les plus grandes compagnies québécoises. «C’est formidable de travailler avec des vieux potes», résume Raphaël, qui, dans la grande famille du cirque, compte des amis dans le monde entier. «Nous ne sommes jamais vraiment en concurrence parce que personne ne fait exactement la même chose.»

Après quatre jours en Suisse, Raphaël Perrenoud, qui vit sans téléphone pour ne pas y perdre son temps, reprendra un train pour l’Ukraine et puis un autre pour la Belgique, avant son retour en Valais en juillet, pour cette nouvelle aventure de Cirque au Sommet.

>> Spectacle du 31 juillet au 18 août, Crans-Montana (VS).
Infos: www.cirqueausommet.ch


Par Jean-blaise Besencon publié le 7 juin 2019 - 11:20, modifié 18 janvier 2021 - 21:05