Dans un monde de communication ultra-calibrée, certaines fortes têtes font exploser les codes. Et nous devrions nous en réjouir, même si les gens qui ne pensent pas comme nous, ça nous dérange. Jeudi dernier, Lara Gut-Behrami a ainsi pulvérisé dans un nuage de flocons l’exercice de l’interview du champion après son podium lors du «19h30» de Philippe Revaz.
Je l’avoue, j’ai été frustré. Cette immense championne venait d’atteindre le graal, sa première médaille d’or aux Championnats du monde. Et là, elle nous dit qu’il y a plus important dans la vie, que ce n’est pas forcément «le» grand jour dans une carrière, que les blessures, c’est bel et bien cela qui fait que la vie d’un sportif change. Le tout sur un ton glacial face à un confrère désemparé devant tant de détachement.
Pourtant, nous avions tous envie d’être fiers et heureux avec elle. Nous nous sentions un peu patriotes et surtout enthousiasmés par cette personnalité que nous suivons tous depuis si longtemps, dont on a appris les bosses et les creux de la carrière et dont on se réjouissait du grand sacre. Lara Gut-Behrami fait partie du patrimoine national. Pourquoi alors refu- sait-elle aux Suisses de partager un bonheur qui se devait d’être intense?
La Tessinoise n’a en fait que témoigné de la puissante machine psychologique mise en œuvre par un sportif pour gagner. Michael Jordan fan- tasmait des complots ourdis contre lui par ses adversaires pour se donner la rage de les battre. Roger Federer s’imagine souvent au centre d’un triangle entre physique, technique et mental pour trouver son meilleur jeu. Tous les athlètes de haut niveau ont 1000 techniques de ce type pour se motiver.
Ce fameux jeudi à Cortina d’Ampezzo, Lara Gut-Behrami a utilisé sa nouvelle approche pour donner le meilleur d’elle-même: elle a choisi de prendre du plaisir et d’atteindre son meilleur niveau de ski. Il se trouve que, ce jour-là, il y avait un peu plus d’attention, des télés, une compétition organisée au plus haut niveau... Qu’importe, c’était la bonne option: elle l’a enfin décrochée, cette fichue médaille d’or! Un succès qu’elle doit à une nouvelle étape de sa carrière où elle se consacre à son sport et à sa famille d’abord et où elle a continué à ne pas jouer le jeu des médias et des réseaux sociaux. Elle a simplement choisi de tracer sa propre marque dans la neige. Et personne ne peut dicter à une grande athlète ce qu’elle doit ressentir ou exprimer au moment d’une victoire.
Après réflexion, c’est une évidence: il faut la remercier pour cette puissante leçon de vie. Lara, vous êtes un sacré anti-modèle, une «badass», une figure libre. Bref, une femme inspirante de 2021.
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