«Il y a un truc à double tranchant dans les métiers passions. On prend beaucoup sur soi et… c’est épuisant. La radio est une merveilleuse école, spécialement en matinale, parce que le public est fidèle, mais à deux reprises déjà, j’en suis sortie au bout du fart…
Je savais que le canton du Jura proposait des résidences artistiques. En lançant ma deuxième matinale sur Couleur 3, je me suis dit que, en fin de mandat, passer quelques mois à Paris, la ville du théâtre, me ferait du bien. Aussi improbable que cela puisse paraître, je rêvais de me reposer à Paris. J’ai sollicité cette résidence dans cet esprit-là. Je savais qu’à Paris je redécouvrirais le sens du mot soirée, que je me nourrirais de spectacles (et j’en ai vu plein!), que j’aurais surtout le temps de réfléchir à la suite.
Moi, je fonctionne à l’envie. Et je bouillonne, depuis longtemps. D’où ce truc cyclique qui m’arrive tous les trois ou quatre ans. Après m’être donnée à fond, j’arrête tout et je pars sur autre chose, enrichie de tous mes bagages.
Le Jura m’a permis de séjourner à Paris du 1er janvier au 31 mars 2022, mais, avant de partir, j’ai rencontré plein de gens, dont Frédéric Recrosio, qui m’ont encouragée à écrire un seule en scène. Le projet a mûri et suscité de l’intérêt, ce qui fait qu’en arrivant à Paris j’avais pratiquement déjà une date de première dans un théâtre pour un spectacle… qui n’était pas écrit.
Aujourd’hui, j’attaque la version III. Et je retourne régulièrement à Paris, parce que j’aime l’idée que ce spectacle, biofictionnel, soit écrit là-bas. Pour l’instant, mon texte est encore trop long. Il faut que je le purge, que je digère des choses. Sans ce séjour à Paris, j’aurais pu finir à l’hôpital psychiatrique. Je devais m’éloigner. J’ai eu l’impression d’arriver là-bas au bon moment. Paris m’inspire.
Traverser la crise de la trentaine en tant que femme, un an après «#MeToo», en travaillant en matinale à la RTS, en plein covid, donc seule ou presque, c’est chaud. Et puis il y a ce truc de carrière, qui m’interroge. Quand on a un rêve et qu’on fait tout pour le réaliser, est-ce qu’on rate sa vie si l’on n’y parvient pas? Moi, j’ai peur de rater ma vie. C’est le cœur de mon spectacle.
A 29 ans, j’étais angoissée à l’idée de vieillir. Pas simple d’être femme et carriériste. J’ai pris la crise de la trentaine en pleine poire. Pour les filles de ma génération, il y a cette injonction qui fait qu’à 30 ans on doit être développée personnellement, avoir trouvé la paix intérieure, réussir sa carrière, être belle, épanouie et aussi désireuse d’avoir des enfants. C’est hyper-chelou. Je me suis pris tout ça dans la tronche!
A 31 ans, je ne vois plus les choses de la même manière. J’accomplis ma métamorphose. Je ne fais pratiquement plus d’insomnie, je ne sens plus ma hernie discale, mon acné a disparu. Je suis bien dans ma peau, libre et indépendante. Positive. C’est trop bien, la trentaine! Je connais mes envies, mais je sais aussi ce que ça implique comme travail pour les réaliser. Rien ne va tomber du ciel. Alors je bosse!
Qui sait, peut-être qu’un jour, fatiguée, je retournerai dans mes Franches-Montagnes que j’adore pour y retaper une vieille ferme. Je ferai des enfants à 45 ans et ce sera trop super.»
Où l’écouter à la radio?
Laura Chaignat participera aux Dicodeurs, sur RTS La Première, du 30 mai au 3 juin. Elle est aussi sur Couleur 3 tous les vendredis matin, de 6 heures à 9 heures. La première du spectacle qu’elle écrit à Paris est prévue en mars 2023.