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De l’avantage des ruptures

Tout le monde se sépare: d’un conjoint, d’un ami, d’un lieu de vie. Et si ces étapes, souvent douloureuses, étaient autant d’occasions de grandir?

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Rupture avec un conjoint, éloignement d’un ami, changement de travail ou simple déménagement... De ces situations banales ou dramatiques, on retient souvent la peine qu’elles nous ont causée. Dans son dernier livre, la thérapeute Anne-Laure Buffet estime pourtant que les séparations sont inévitables, nécessaires et même bénéfiques. Elles devraient nous permettre de mieux nous connaître et d’évoluer en tant que personne. Alors, comment rompre en adulte mature et averti?

Toutes les séparations ont en commun de nous mettre dans un état de tension. Tension entre un passé que nous abandonnons et un futur totalement inconnu. Nous devrions y être habitués, puisque, selon Anne- Laure Buffet, nous grandissons dans «un système intrinsèquement séparatif». Malgré tout, nous rechignons à nous séparer. Même si nous nous rendons compte du malaise lié à une situation ou à une personne, même si nous avons conscience que cela ne peut plus durer, difficile de passer à l’acte. «Ce qui nous retient principalement, c’est la peur de ne pas y arriver et la peur de faire un mauvais choix. Ce n’est donc pas la séparation – la rupture – en tant que telle mais bien l’après qui devient une nouvelle contrainte.»

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«Ces séparations qui nous font grandir», d’Anne-Laure Buffet, Ed. Eyrolles.

Il n’y a pas d’autre choix que d’identifier les peurs liées à ce futur effrayant. La première d’entre elles: la solitude. Au moment d’envisager une séparation, «il faut envisager puis décider d’être seul, c’est-à-dire non seulement sans l’autre, mais aussi seul avec soi-même, sans pouvoir se fuir». Et, à l’heure où la société considère la solitude comme une tare, le contexte n’aide pas à assumer les conséquences d’une rupture... Mais, pour la thérapeute, la peur de la solitude en cache une autre, plus profonde: la peur de la mort. «La mort contient l’absence, la perte, la solitude, l’abandon, l’éloignement, le silence, tout ce qui nous renvoie à nous-mêmes en tant qu’existants incomplets, indésirables ou infantiles. L’idée de séparation peut conduire à la même angoisse.»

Les séparations nous ramènent donc à nous-mêmes avec tous nos manques et nos défauts. Pour que ce face-à-face ne tourne pas au cauchemar, nommer les peurs que cela nous inspire est une première étape. Ensuite, il faut accepter. «Nous nous confrontons, avec la séparation, à ce que nous avons de plus humain et de plus fragile, de plus incertain également. Nous devons accepter que nos liens ne soient pas immuables, que demain puisse être différent d’aujourd’hui, que ce que nous connaissions se transforme et que ce que nous aimions ne soit plus aimable.» Ce n’est qu’à ce prix que nous pouvons renoncer à cette part de notre personne que nous connaissons et contrôlons et nous rapprocher de ce que nous ignorons de nous-mêmes. «Chaque séparation nous rapproche de nous profondément. Il demeure en nous une part d’inconnu à découvrir et à aimer. C’est ainsi que nous nous construisons, lentement.»

Par Noriane Rapin publié le 23 juillet 2020 - 18:41, modifié 18 janvier 2021 - 21:12