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Reportage

Le beau voyage de la reine du sprint Mujinga Kambundji

De l’or, des records et encore de l’or. Avec ses titres de championne d’Europe et du monde, Mujinga Kambundji a occupé la saison dernière le trône de reine du sprint. La Bernoise, sacrée sportive de l’année, s’est offert des vacances au Népal et explique pourquoi elle s’engage dans l’humanitaire.

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Mujinga Kambundji devant la World Peace Pagoda.

Mujinga Kambundji devant la World Peace Pagoda. Le sanctuaire bouddhiste se dresse à Lumbini, le lieu de naissance de Bouddha, dans le sud du Népal.

Remo Naegeli

«Je cours», répond Mujinga Kambundji quand Dammar Bishurakarma lui demande quel est son métier. Le riziculteur écarquille les yeux, incrédule. Alors la touriste suisse prend son smartphone et lui montre la vidéo d’un de ses sprints sur 100 mètres. Toujours interloqué, l’homme évoque un de ses amis qui court lui aussi, mais comme sherpa, d’un 8000 à l’autre. «Ce ne serait pas un métier pour moi, admet la plus rapide des Suissesses en rigolant. Je serais vite hors d’haleine.»

Il fait 32°C et une humidité tropicale. Dans une rizière voisine, un bœuf tire une charrue de bois. Mujinga Kambundji, 30 ans, est dans la porcherie de Dammar Bishurakarma, 35 ans. Ambassadrice de la Croix-Rouge suisse (CRS), la Bernoise s’est rendue dans le très pauvre Etat himalayen pour inspecter divers projets de l’ONG. Au village agricole de Dhanauri, situé dans les plaines du sud, les autochtones ont mis à profit les dons venus de Suisse pour construire un captage d’eau, un château d’eau d’une capacité de 100 000 litres et des canalisations. Désormais, 750 familles, de cinq personnes en moyenne, ont accès à l’eau courante. La famille Bishurakarma a elle aussi son eau potable au robinet. «Et auparavant, d’où vous venait l’eau?» demande Mujinga à Durga, l’épouse de Dammar. «J’allais la chercher à la rivière, à une demi-heure à pied. Mais souvent, elle n’était pas propre.» Grâce à l’eau propre, les cas de dysenterie – souvent mortelle – ne surviennent pratiquement plus. «Notre vie s’est bien améliorée», sourit la paysanne.

Mujinga Kambundji à Dhanauri, aidant un paysan à nourrir ses porcs

A Dhanauri, la Bernoise aide le paysan Dammar Bishurakarma à nourrir ses porcs. Elle a l’habitude de la ferme de sa grand-mère dans la campagne bernoise.

Remo Naegeli

A peine la voiture a-t-elle démarré vers un autre projet soutenu par la CRS que, en dépit des innombrables nids-de-poule, Mujinga s’endort profondément. La fatigue de sa saison sportive, qui vient tout juste de s’achever, s’est emparée d’elle. «Je suis heureuse d’avoir ces cinq semaines de vacances, avoue-t-elle à l’arrêt suivant. Ç’a été une saison éprouvante, la meilleure de ma carrière.»

Le voyage se poursuit parmi les rizières et le long des bananeraies. «Je ne suis pas très extravertie. Pas timide, non, mais plutôt réservée», admet Mujinga Kambundji. Cette grande voyageuse aime apprendre à connaître des gens et de nouvelles cultures. Elle n’est encore jamais allée au Congo, terre natale de son père, Safuka, 69 ans. «Peut-être réussirons-nous enfin à y aller l’an prochain.» Quand elle dit «nous», elle entend avec ses parents et ses trois sœurs.

Durga Bishurakarma arrose sa plantation de piments.

Durga Bishurakarma arrose sa plantation de piments. A l’arrière-plan, le château d’eau construit grâce aux dons helvétiques.

Remo Naegeli

«Je suis fière d’elle»

Arrêt suivant: la maternité du village de Baisa soutenue par la CRS. Au terme de la visite, la sprinteuse explique de nouveau quel est son métier, notamment à l’aide d’une vidéo d’entraînement: flexion des jambes avec une barre d’haltères sur la nuque. «Combien ça pèse?» demande une infirmière. «Cent cinquante-huit kilos.» «Combien de médailles d’or as-tu remportées?» «Je ne sais plus.» Les soignantes entonnent une chanson népalaise, Mujinga danse avec elles, une infirmière filme, elle postera la vidéo sur TikTok. Une de ses collègues explique qu’en népalais il y a un mot qui ressemble au prénom de la Bernoise: «murchunga», qui signifie guimbarde (l’instrument de musique). Tout le monde rit. Ce soir, elle enverra des images de cette journée enrichissante sur le groupe WhatsApp de la famille.

Retour à Katmandou, la capitale, après deux journées d’inspection de projets. Entre-temps, sa maman, Ruth, 60 ans, est arrivée. Elle a quelques jours de congé. «Pour avoir enfin des vacances avec Mujinga. Je suis fière d’elle et de ses trois sœurs.» Les deux femmes vont parcourir le pays pendant dix jours.

Six entraînements par semaine

On est à la mi-décembre. Deux bons mois se sont écoulés depuis le séjour au Népal. Dès le milieu du mois d’octobre, pour Mujinga, le train-train quotidien a repris. Six entraînements par semaine en tunnel et dans une salle de musculation du Wankdorf, à Berne, et du Letzigrund, à Zurich. Mujinga peaufine essentiellement sa technique dans la seconde partie du 100 mètres. «En ce moment, j’augmente la puissance de mon moteur, je ne cours pas encore à pleine vitesse.» Ce mois-ci, elle part pour le camp d’entraînement de Tenerife, en avril pour un autre en Turquie. Elle entend bien être encore plus rapide aux Championnats du monde en août et aux JO 2024. 

Mujinga Kambundji et des infirmières

A l’aide de vidéos, l’ambassadrice de la Croix-Rouge suisse explique son métier aux infirmières de la maternité de Baisa.

Remo Naegeli
Thomas Kutschera
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Par Thomas Kutschera publié le 12 février 2023 - 08:58