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Le champion miraculé William Besse se confie sur sa greffe du foie

Une maladie du foie a valu à l’ex-champion de ski valaisan une lente descente aux enfers. Mais, depuis sa greffe, ce vainqueur du Lauberhorn, désormais militant pour le don d’organes, a retrouvé la pêche. 

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William Besse avec un chaton

La chatte de la maisonnée venait d’avoir une portée lors de la visite de «L’illustré» à Bruson (VS). William Besse, de retour de son hospitalisation à Genève, profitait de jouer avec un des chatons.

Sedrik Nemeth

Le 22 janvier 1994, il devenait le deuxième Valaisan, après Roland Collombin, à gagner le Lauberhorn. William Besse entrait à jamais dans le panthéon national du ski alpin. Cette saison-là, à 26 ans, il était l’un des cinq meilleurs descendeurs du monde et le meilleur Suisse. 

Presque trente ans plus tard, le Bagnard à la moustache en fer à cheval a fêté ses 55 ans, le 10 mars, comme s’il s’élançait de nouveau d’un portillon de départ: le portillon d’une nouvelle vie, grâce à une greffe de foie pratiquée aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) le 13 décembre dernier. Une bénédiction après des années de déclin physique et moral.

Le Suisse William Besse se dirige vers la victoire lors de la descente du Lauberhorn, le 22 janvier 1994.

Le 22 janvier 1994, William signait à Wengen la plus prestigieuse de ses quatre victoires en Coupe du monde.

STR/Keystone

Au printemps de l’année passée, William Besse avait réapparu dans les médias à l’occasion de la votation sur le consentement présumé concernant le don d’organes. Visage émacié, teint jaunâtre, l’ancien champion était méconnaissable. Il faisait campagne en faveur du oui, sachant que son exemple marquerait les esprits. Et puis le cas d’un cousin greffé du cœur dans les années 1980 et qui avait enfin pu réaliser ses rêves, notamment d’alpinisme, l’avait beaucoup marqué.

Un banal check-up et...


De son côté, cela faisait déjà des années que son foie se dégradait, malgré une bonne hygiène de vie. Cette maladie des voies biliaires, William Besse l’avait apprise en 2008, lors d’un banal check-up des 40 ans: «A l’époque, les médecins m’ont tout de suite dit que seule une greffe de foie complète pourrait me sauver quand la maladie se serait déclarée et aurait progressé, car il était déjà trop tard pour la solution intermédiaire, plus récente, du greffon d’un morceau de foie d’un donneur vivant.»

Les années passent et le scénario annoncé et redouté se vérifie dès 2016. Ce professionnel de la construction et de la rénovation de chalets doit alors composer avec une fatigue chronique de plus en plus invalidante et des épisodes infectieux à l’abdomen qui le conduisent plusieurs fois à l’hôpital.

William Besse

Ce spécialiste de la rénovation de chalets est aussi un sculpteur à la tronçonneuse. Mais il ne pourra s’y remettre que dans quelques mois: son nouveau foie exige de la prudence.

Sedrik Nemeth

Mais le casse-cou, qui a aussi terminé deux fois sur le podium de la dantesque Streif à Kitzbühel, n’est pas du genre à geindre: «J’ai eu beaucoup de chance dans mon malheur, car je n’ai pas eu de grosses douleurs, seulement des problèmes de transit et de fatigue. Ces dernières années, je n’arrivais pas à travailler une journée entière. C’était ça, le plus difficile à accepter: ne plus pouvoir faire tout ce que je faisais avant, alors que je n’avais même pas 50 ans. Et l’été passé, c’est devenu catastrophique: je voulais par exemple faire un petit tour à vélo, mais je renonçais avant même de m’être assis sur la selle, tellement cela me semblait au-dessus de mes forces. Et je rentrais chez moi, le moral à zéro.»

La greffe… enfin!


Pourtant, depuis 2021, William Besse avait des raisons d’espérer: les résultats alarmants des analyses l’avaient fait intégrer la liste d’attente des centaines de receveurs d’organes. Pour la famille Besse, ce fut une année et demie à guetter le fameux coup de fil qui pouvait survenir à tout moment. «On s’endormait souvent en se disant que ce serait peut-être pour cette nuit. Et quand ça s’est enfin produit, c’était quand même une sacrée tension», se rappelle son épouse, Floriane.

Cette échéance téléphonique à la fois espérée et redoutée a eu donc lieu 13 décembre dernier: «On a potentiellement un donneur compatible pour toi, m’ont-ils annoncé à Genève, se souvient William Besse. Le processus était lancé: tous les receveurs des différents organes du donneur doivent se rendre immédiatement dans les différents hôpitaux prévus. En moyenne, un sur cinq retourne chez lui, car tous les organes ne répondent pas forcément aux critères médicaux. Pour moi, cette première convocation a été la bonne et je n’ai pas éprouvé la moindre appréhension. Le professeur Philippe Compagnon m’avait informé dans les moindres détails, avec des schémas. Cette transparence m’avait donné une confiance totale depuis que j’avais été mis sur la liste d’attente. Et tous les professionnels du service ont été formidables.»

Le risque de se sentir trop bien


L’opération se déroule sans complication. Une nouvelle vie commence en douceur pour William Besse: «Je me suis aperçu rapidement que j’avais de nouveau plus d’énergie. Mais j’ai quand même eu, deux ou trois jours après l’opération, une énorme bouffée d’émotion. J’en ai pris plein les dents en réalisant à la fois la chance que j’avais et les années difficiles que j’avais traversées. Je suis désormais immunisé contre le cliché qui consiste à trouver tout à fait normal d’avoir la santé. Même un vainqueur du Lauberhorn peut se retrouver aux portes de la mort et dépendre totalement de la solidarité d’autrui et des progrès de la médecine. Et maintenant, je me surprends à imaginer faire une petite course en peaux de phoque!»

Là, Floriane Besse lève les yeux au ciel: «Il va falloir le surveiller un peu. Car il y a un risque de hernie s’il en fait trop les premiers mois. Et je sens déjà que William a envie de rattraper ces années en partie gâchées. C’est affolant comme il se rétablit vite!»

William Besse avec sa famille

Megane, Alison et Floriane Besse (de g. à dr.) peuvent revivre sans être en permanence sur le qui-vive en raison de la santé de leur père et mari.

Sedrik Nemeth

Mais son mari la rassure: «J’ai bien conscience de l’exploit que représente une opération pareille, avec ces raccordements de veines effectués avec une précision folle. Ils contrôlent par échographie que les flux sanguins se déroulent normalement. C’est absolument fabuleux, tout ce savoir-faire. Je n’ai donc pas du tout envie de saboter ces prouesses en faisant des bêtises.»

Et puis il y a aussi le respect dû à cet être inconnu et à sa famille qui ont rendu tout cela possible. Quand il évoque ce disparu qui lui permet d’entamer une nouvelle vie, le cosaque de Bruson est débordé par les émotions.

«Et on ignore trop souvent qu’un donneur sauve la vie de plusieurs personnes, rappelle-t-il, les yeux embués. Sans oublier la joie de leurs familles. C’est un des plus beaux actes de générosité possible. Si je témoigne de nouveau dans les médias après cette greffe réussie, c’est justement pour faire progresser la cause du don d’organes, pas pour me mettre en avant et entretenir ma petite gloriole passée. Il y a encore en moyenne, en Suisse, une centaine de receveurs potentiels qui décèdent chaque année faute d’organes disponibles. On peut et on doit faire beaucoup mieux, notamment en rendant les prélèvements d’organes plus simples et plus rapides.»

médicaments pour le foie

Une greffe d’organe implique un risque de rejet. Le receveur doit donc faire baisser ses défenses immunitaires avec des médicaments pour éviter ce scénario catastrophe.

Sedrik Nemeth

Car la nouvelle loi n’entrera en vigueur qu’en 2025. Et, surtout, elle ne résoudra pas tous les écueils inhérents à des situations forcément tragiques et donc délicates à gérer pour le corps médical, souvent obligé de développer des trésors de diplomatie. La famille d’un défunt peut par exemple être inatteignable durant de longues heures ou bien celle-ci peut refuser, selon les cas, que le corps médical transfère temporairement le corps à l’hôpital pour effectuer les prélèvements. Il reste et restera donc capital, pour toute personne adepte de cette solidarité post mortem, de se munir en ligne d’une carte de donneur (www.swisstransplant.org) et de la garder dans son portefeuille. Mieux encore: il est désormais possible de créer son dossier électronique du patient (DEP) et d’intégrer une photographie de cette carte, ce qui permet au corps médical d’accéder immédiatement à ce document crucial. Il est enfin tout aussi capital d’informer solennellement, et plutôt deux fois qu’une, ses proches de sa volonté de léguer ses organes en cas de décès.

La famille Besse peut respirer

Floriane et William Besse, et leurs filles Alison et Megane, vivent maintenant avec un énorme poids en moins, après des années en état de qui-vive permanent. Voir leur mari et père retrouver du poids et des couleurs restera comme leur plus beau cadeau de Noël. La fille cadette, Megane, 20 ans, se destine d’ailleurs à la médecine et l’aventure de son père n’est sans doute pas pour rien dans cette vocation. Elle a d’ailleurs fait son travail de maturité sur la thématique du don d’organes. De son côté, Alison, 22 ans, qui étudie la communication à Neuchâtel, est tentée par le journalisme et ne cache pas son soulagement d’assister à cette «résurrection paternelle». «Mais avec ma mère et ma sœur, on va devoir former un trio de gardes du corps pour le dissuader de trop vouloir en faire.» 

Par Philippe Clot publié le 31 mars 2023 - 09:13