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Le jour où l'entrepreneur Patrick Delarive a failli crasher son avion

Un jour, l’entrepreneur Patrick Delarive qui a appris à piloter pour vaincre sa peur de voler a failli se crasher aux commandes d’un PC-12.

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Julie de Tribolet

«Mon père m’avait demandé la veille: «Et l’avion, tout va bien?» «Fantastique, je maîtrise», lui avais-je répondu un peu vite. Le lendemain, je pilotais un Pilatus PC-12 entre Aix-en-Provence et Lausanne, un vol d’une heure où je devais monter à 10 000 mètres d’altitude. Je transportais ce jour-là cinq passagers et partais sans crainte. Pourtant, quand j’ai commencé à me rapprocher des Alpes, il a bien fallu se rendre à l’évidence. Ce serait plus compliqué que prévu: je devrais finalement me poser à Genève et voler aux instruments à cause du mauvais temps. Au-dessus du lac Léman, la météo devient de plus en plus compliquée et je suis vite en pleins nuages, sans visibilité.

Quand j’arrive sur le lac, je me souviens de la raison pour laquelle je me suis formé au pilotage. J’avais peur de l’avion et il s’agissait pour moi d’un moyen de dompter ce handicap. On fait beaucoup de choses dans la vie pour des raisons thérapeutiques: on se lance dans des relations, des projets pour combler une faille originelle. Jeune, j’ai connu tellement d’échecs que, durant tout mon parcours, j’ai planifié et travaillé pour que tout fonctionne.

Je n’avais pas de bons résultats scolaires? Peu importe, je me suis donné pour devenir le plus jeune cadre dans une grande banque internationale puis un entrepreneur respecté. Dans la vie amicale et privée, c’est pareil. Je travaille dur pour que mes relations soient apaisées et respectueuses.

Je ne pense pas forcément à tout cela quand j’ai les commandes de l’avion en mains. Mais je suis constitué de tout cela. Il faut aborder la vie et les affaires comme un vol. Se préparer et avoir un plan B et même un plan C, si les choses tournent mal. Surtout faire preuve d’humilité parce que les éléments et les forces extérieures peuvent s’avérer incontrôlables.

Patrick Delarive

Son actualité: Patrick Delarive publie ce mois son premier roman, L’extraordinaire vie mort du père d’Arno Morel (Ed. Slatkine), un thriller haletant qui se déroule dans plusieurs pays. L’auteur pourra-t-il bientôt dire: «J’étais entrepreneur mais je suis désormais écrivain»? Il a en tout cas d’autres idées de romans.

DR

Je suis en phase d’approche. La tour de contrôle de Genève me donne des instructions, mais je commets des erreurs. Du givrage se colle sur les ailes, nous sommes secoués par de fortes turbulences. A la radio, le contrôleur me donne maintenant des ordres: «Réduisez votre vitesse! Réduisez encore!» Je diminue la puissance pour m’intercaler entre deux avions de ligne qui vont aussi se poser. Mais j’oublie de remettre les gaz. Le pilote automatique lâche et, dans le manche, une force de 80 kg tire l’avion vers l’avant, je suis en train de décrocher. Je ne comprends plus rien, je perds tous mes repères. Et là s’ouvre une séquence de trois secondes mais qui me paraît durer une éternité. Pour la première fois de ma vie, je baisse les bras, je renonce, je m’abandonne, je m’en remets au destin. C’est fini.

Le contrôleur hurle dans mon casque. Je sors de ma torpeur pour lui dire que j’ai perdu le contrôle. «Stabilisez votre avion, je vous prends en charge.» Mots magiques. Il me ramène au sol.»

Par Stéphane Benoit-Godet publié le 18 février 2022 - 15:37