Un véritable phénomène culturel consiste à porter son pull-over sans l’enfiler. S’il traîne par terre, on peut s’imaginer que son propriétaire n’est pas très porté sur l’ordre; en revanche, ceux qui le portent noué autour des épaules font partie de l’élite. Avant, il fallait vraiment un cas de force majeure pour que les étudiants en économie et les joueurs de tennis amateurs daignent l’enfiler. C’est ce même type de personnes qui remontent le col de leur chemise. Ils font la fête sur des bateaux, ils se retrouvent pour jouer au golf et ils s’appellent Amélie ou Constantin.
Mais ce style qui a longtemps été moqué culmine à présent en une tentative intemporelle de copier les élites sportives des années 1990. Les looks arborés fièrement par Tiger Woods à l’époque sont désormais monnaie courante: on se ceinture le pantalon à pinces et on y rentre son polo. Ou on sort en minijupe plissée bien sage. Comme Martina Hingis à l’époque, affichons notre jeunesse et notre succès! Même si ces looks sont un peu datés.
Intéressant: derrière cette façade conservatrice se cache en fait un caractère non conformiste. Dans un monde imprévisible comme le nôtre, la complaisance tapageuse d’un golfeur semble presque sarcastique. Et comme il est parfois impossible de savoir si un look est extrêmement branché ou totalement démodé, ce retour fulgurant des jolies jupes de tennis portées avec des chaussettes ne signifie pas que nous revenons en arrière. Nous avons besoin d’une constante. De discipline. D’un petit côté bourgeois modéré avec une pointe d’ironie. Ici, la nostalgie sert de costume immaculé. Et quand les choses se gâtent, une seule chose à faire: relever son col de chemise.