Lorsqu’elle repense à sa première visite à l’Alhambra en tant qu’étudiante, la chercheuse en architecture suisse Marie-Pierre Zufferey garde une certaine fascination. «Venant du milieu de la Suisse, pays de montagnes, on a un petit rêve d’Orient», confie-t-elle le sourire aux lèvres.
«Pas très loin, en Espagne, ce sont les portes vers l’architecture islamique, on pense à Cordoue, Grenade, Séville, les jardins, tout cette atmosphère qui fait rêver», poursuit la spécialiste en taille de pierre.
Alors, quand, bien des années plus tard, un jeune chercheur espagnol, Ignacio Ferrer, débarque à l’EPFL avec une thèse en cours sur les muqarnas, les deux passionnés décident de travailler ensemble. Leur but: percer le secret de fabrication de ces motifs ornementaux typiques de l’art islamique.
«Concernant l’Alhambra, il y a beaucoup de choses qu’on ignore et particulièrement la construction de ces muqarnas, qui sont assez complexes, explique Ignacio Ferrer.
Quand on a fait nos recherches sur les muqarnas occidentaux, on a vu qu’il y avait très peu de documentation, et la documentation qui nous reste est simplifiée.»
En alliant leurs deux savoir-faire, l’imagerie tridimensionnelle et la taille de pierre, les deux chercheurs ont pu reconstituer des chapiteaux uniques en leur genre et faire plusieurs découvertes.
Contrairement aux indications laissées dans les rares sources anciennes, il n’existe pas un mais deux profils pour tailler la pierre. Par ailleurs, les muqarnas de l’Alhambra sont composés de 16 pièces géométriques différentes et non sept, comme le laissaient penser les précédents travaux sur le sujet.
La beauté des décorations islamiques de l’Alhambra, les plus riches d’Occident, a toujours fasciné. Subjugués, les rois catholiques n’avaient pas voulu raser le palais lors de la reprise de Grenade en 1492 et, aujourd’hui, plus de 3 millions de personnes se pressent chaque année pour admirer ce chef-d'œuvre.
Et si les découvertes d’Ignacio Ferrer et Marie-Pierre Zufferey nous permettent aujourd’hui de mieux comprendre sa complexité, elles donnent aussi aux futures générations un mode d’emploi concret pour la conservation du palais inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1984.