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Le Valaisan qui a amené la mer à la montagne

Alaïa Bay, c’est la première piscine pour surfeurs d’Europe continentale. Et elle se trouve en plein cœur du Valais. Adam Bonvin, un jeune entrepreneur du cru, inaugure le 1er mai ce projet estimé à plus de 20 millions de francs. Visite guidée.

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Alaïa Bay

Adam Bonvin, le jeune fondateur d’Alaïa Bay, teste les vagues de son centre de surf qui ouvrira ses portes aux premiers abonnés le 1er mai à Sion.

Julie de Tribolet

Les yeux fermés, on se croirait au bord de la mer à écouter le bruit des vagues qui se brisent en écume sur le rivage. Une fois les yeux ouverts, il y a bien des champions de surf qui virevoltent, mais ils effectuent leurs figures dans une piscine bleu azur. Normalement, il faudrait des jumelles pour les voir, mais, ici, ils sont très proches. En arrière-plan, l’océan a laissé la place aux Alpes valaisannes. On aperçoit aussi Valère et Tourbillon, les deux châteaux emblématiques de la capitale. Bienvenue à Alaïa Bay, le nouveau spot de surf qui, à quelques jours de son ouverture, prévue le 1er mai, est sur toutes les bouches. «Surfer en Valais, c’est possible?» Oui, au Domaine des Iles, à Sion.

C’est le pari audacieux qu’Adam Bonvin a fait au nom de son adoration pour ce sport de glisse. «Soit je partais vivre où il y avait des vagues, soit je les ramenais ici», commence le jeune homme de 25 ans qui est à l’origine de cette aventure inédite. Le kif pour les Suisses frustrés d’attendre l’été pour profiter d’un séjour à Biarritz ou à Hossegor. «Rien que dans le pays, on est 40 000 à surfer», affirme celui qui mise aussi sur la relève et les sportifs étrangers en mal de vagues. «Vous verrez, on va influencer les générations futures et créer des vocations!» Dès qu’ils mesurent plus de 1 m 20, les petits riders peuvent empoigner une planche au shop et apprendre les bases techniques. Comptez quand même au minimum 114 francs le cours d’une heure et demie. «Et si dans dix ans un enfant de chez nous rejoignait le tour mondial? Imaginez un champion ou une championne de surf qui aurait débuté dans notre région!» sourit le Valaisan – Jurassien du côté de sa mère – qui ne manque pas d’ambition.

Alaïa Bay

Alaïa Bay en chiffres: 1 terrain de foot de superficie (pour le bassin), 4 piscines olympiques pour le volume, 600 vagues par heure, 200 planches de surf à la location, 1300 combinaisons de surf, 100 000 visiteurs attendus en un an d’exploitation. 

Julie de Tribolet

Son regard s’illumine. Car au-delà du projet entrepreneurial, que l’on détaillera plus tard, Adam Bonvin a réalisé avec ce bassin un de ses rêves. «J’ai toujours eu un penchant pour l’eau plutôt que pour la neige. A 11 ans, je soûlais mes parents pour aller en camp de surf. Adolescent, j’ai influencé toute ma famille pour qu’on parte en vacances à Bali», raconte-t-il. Dorénavant, les sessions de surf, c’est lui qui les organise et, bonus, dans son canton paternel. «On ne choisit pas sa passion», dit-il en fixant les sommets des montagnes tout en enfilant sa longue combinaison. Il mesure 1 m 96.

Alaïa Bay

Quand il a 11 ans, Adam Bonvin découvre le surf et il ne veut plus lâcher sa planche. Quatorze ans plus tard, il réalise un pari fou: amener les vagues dans son canton alpin. 

Julie de Tribolet

En cette fin de mars, alors qu’il s’apprête à nous faire une petite démonstration en compagnie de trois coachs, la température extérieure affiche 23°C. L’eau est à 12. «Aujourd’hui, la marée est trop basse. Les gars, vous n’aurez pas de bonnes conditions pour surfer!» taquine l’un des adeptes de la pratique qui reste sur le deck. A Alaïa Bay, contrairement à la plage, les vagues sont toujours parfaites puisqu’elles sont programmées depuis un moniteur. Baptisées Waikiki, Malibu et d’autres lieux de référence, il en existe 20 sortes, allant jusqu’à 2 mètres de haut. «On crée des sets de vagues, c’est idéal pour progresser rapidement. Ici, tu as accès à une bonne vague toutes les trois minutes, alors que dans l’océan, c’est plutôt chaque quart d’heure», précise encore Adam Bonvin. Il estime qu’en une heure de cours intensif on progresse comme lors d’un surf trip de quelques jours. «On ne remplacera jamais les océans, mais on propose des entraînements réguliers.»

Une offre qui a séduit de nombreux fans de la pratique, qui ont déjà épuisé les commandes des premiers abonnements. Les grands noms du surf se sont aussi précipités pour tester cette expérience hors du commun. Quelques jours plus tôt, Ezekiel Lau, champion hawaïen, est venu jusqu’à Sion. «Il a fait quarante heures d’avion et a foncé chez nous avant d’aller skier! Sa copine, excellente surfeuse, a réalisé son premier barrel dans notre piscine.» Un barrel, c’est une vague en forme de tube, un tonneau, où la sportive a pu entrer et évoluer.

Quelques détails encore sur cette piscine qui ondule. Quarante personnes au maximum peuvent attendre le take-off en fonction de leur niveau. Séparée en deux par le dispositif breveté de la société espagnole Wavegarden Cove, elle permet de choisir son côté de vagues pour les goofy (pied droit devant) et les regular (pied gauche devant): frontside (face à la vague) ou backside (dos à la vague). Le déferlement est formé par une technologie composée de 46 moteurs qui poussent l’eau latéralement.

Alaïa Bay

Carlos Lopes, surfeur et «shaper» portugais, s’est installé dans la région pour participer à l’aventure. Il s’occupe de la Factory, l’atelier de fabrication personnalisée de planches de surf d’Alaïa Bay. 

Julie de Tribolet

Trop énergivore, ce projet? C’est le reproche qu’entend souvent Adam Bonvin. «Certains nous comparent aux pistes de ski à Dubaï, mais ça n’a rien à voir», répond le fondateur d’Alaïa Bay. Il liste les aspects plus green de son entreprise, dont l’argument principal est que l’eau n’est jamais chauffée. «On a surfé en janvier dans le bassin à 5°C. Personne ne s’est plaint du froid, car on met à disposition du matériel adapté.»

Pour subvenir aux besoins énergétiques du restaurant et de la Factory, le lieu où Carlos Lopes, un shaper portugais, fabrique des planches pour les clients et les répare, ils ont installé des panneaux solaires. «Le moteur à vagues consomme autant qu’un télésiège à six places», se justifie-t-il encore, en précisant que le fournisseur de l’énergie 100% hydraulique est local.

Adam Bonvin ajoute qu'aucune opposition au permis de construire, ni de la ville, ni des Verts, ni du WWF, n’a entravé le déroulement des travaux. «Tous n’ont pas compris le but de ce nouveau lieu, mais personne ne nous a freinés. L’avantage, en Valais, c’est que les portes sont ouvertes et que tu peux dialoguer. On n’aurait jamais pu faire ce complexe d’action sport dans le canton de Vaud ou à Genève.»

Dans les colonnes du Nouvelliste, le président de Sion, Philippe Varone, voit en effet d’un bon œil l’inauguration du nouveau complexe, qui s’inscrit dans une volonté globale de «développer le tourisme quatre saisons et de diversifier les loisirs». Il constate surtout que «les consommateurs sont friands de nouvelles activités, voire d’en expérimenter plusieurs en une journée».

Snowboard, surf et skate, ce sont les trois S sacrés pour le jeune entrepreneur. A 25 ans, Adam impressionne déjà avec son pedigree. Il faut préciser que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre. Le sens du business, c’est de famille. Il est le fils de Stéphane Bonvin, le promoteur valaisan leader dans l’immobilier (classé parmi les 300 plus riches de Suisse en 2020 par le magazine Bilan) et président d’Alaïa SA. Soutenu par son père, à 20 ans, Adam planifiait déjà son premier projet avec deux potes, avant de reprendre seul le flambeau: Alaïa Chalet, à Lens. Un centre à 8,7 millions qui a ouvert ses portes en 2019, accueillant lors de sa première année d’exploitation 25 000 amateurs de skateboard, de snowboard, de ski, de BMX ou encore de trampoline.

Alaïa Bay

Adam Bonvin (à gauche) est prêt pour l’inauguration de la première piscine de surf d’Europe continentale. Avec son offre inédite, il compte séduire de nombreux adeptes de la discipline, qui seraient 40 000 en Suisse.

Julie de Tribolet

Avec cette oasis du surf – qui a nécessité plus de 20 millions de francs d’investissement –, Adam Bonvin vise plus haut, soit 100 000 visiteurs pour le premier anniversaire. Les défis, ça lui plaît. Après des études en production musicale à Londres, le jeune homme a su bien s’entourer pour réaliser ses plans visionnaires. Perfectionniste, il a supervisé toutes les étapes de la construction d’Alaïa Bay: «Jusqu’au choix des ampoules et de la machine à café», confie-t-il avec le sourire. Ses objectifs? Rendre incontournable le surf dans les Alpes et apporter un peu de cette culture qui prône le bien-être, l’entraide et l’ouverture d’esprit.

Adam Bonvin brasse encore mille idées dans sa tête. Une fois l’expérience créée, l’autodidacte précise qu’il pense déjà à d’autres projets pour développer la marque Alaïa. «Peut-être qu’un jour on pourrait même sponsoriser des athlètes», se projette-t-il, en précisant qu’il n’a jamais été un grand fan des vacances. A l’image de son fondateur, le complexe valaisan ne se repose jamais puisqu’il compte être ouvert sept jours sur sept, y compris en soirée.

Par Jade Albasini publié le 28 avril 2021 - 18:44