Prédateur crépusculaire, rendu soluble dans le paysage par sa robe tachetée et la fluidité de ses mouvements, le léopard (ou panthère, c’est kif-kif) est un expert de l’attaque éclair: grimpeur émérite, il peut tomber sur sa proie du haut de l’arbre où il a passé la journée à dormir, peut-être en l’attendant, ou alors déployer ses talents de sauteur, 6 mètres en longueur et 3 mètres en hauteur sans élan, pour bondir sur elle et lui mordre ou tordre le cou après s’en être approché en rampant. Tout, sauf s’épuiser à courir. Ce qui fait de ce félin un flemmard, mais surtout une arme furtive. Tellement furtive que, à l’heure actuelle, nul ne peut avancer de statistique fiable sur le niveau réel des populations.
L’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) le considère comme vulnérable et deux études récentes laissent penser qu’elle n’a pas tort: la première note une baisse de 44% de la population de léopards dans le Soutpansberg, région d’Afrique du Sud où le félin était le plus présent, et prédit que, à ce rythme, ils en auront disparu en 2020. L’autre a calculé que les panthères, dont il existe neuf sous-espèces, avaient perdu 75% de leur territoire historique dans le monde, passant de 35 millions de km2 à 8,5 millions.
Un mangeur d’hommes
Dans les 19 000 km2 du Parc Kruger, où le photographe Julien Regamey organise des safaris – photographiques bien sûr – depuis trois ans, on en a recensé mille. Et le Vaudois connaît nombre d’entre eux personnellement. «Les motifs de leur pelage sont aussi uniques que nos empreintes digitales. Et puis chacun d’eux a ses habitudes, son arbre, son caillou, ses heures…»
Indéniablement mangeur d’hommes, foi de Jim Corbett, officier britannique né en Inde qui a tué une douzaine de léopards responsables de quelque 1500 morts d’hommes, femmes et enfants entre 1906 et 1941, le léopard ne manque pas d’ennemis. Faire figure de roi des animaux dans certaines cultures africaines lui a notamment valu de finir en toque sur la tête de Mobutu Sese Seko, symbole de la ruse et de la puissance du «léopard de Kinshasa». Et il n’est pas à l’abri non plus de ses «frères» animaux. Julien Regamey a vu une lionne, 170 kg de muscles maladroits, réussir à se hisser dans la fourche d’un arbre pour voler l’antilope tuée par une panthère d’à peine 60 kilos.
Doté d’une extraordinaire faculté d’adaptation, le léopard a l’aire de répartition la plus étendue parmi les félins. Comme l’affirme Julien Regamey, «aucune barrière ne l’arrête». Mais la Terre n’étant pas extensible, les conflits territoriaux avec les humains sont de plus en plus nombreux. Et devinez qui sera mangé…
Contact: www.julien-regamey.ch