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Pénurie d'énergie

Les grands groupes face au choc d'une éventuelle pénurie

En cas de black-out, comment serons-nous soignés, approvisionnés, transportés, payés et desservis? Les porte-paroles des sociétés dont nous dépendons quotidiennement répondent.

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Pénurie d'énergie

En cas de black-out, comment serons-nous soignés, approvisionnés, transportés, payés  et desservis?

keystone-sda.ch
Christian Rappaz, journaliste
Christian Rappaz

«UBS a la capacité de protéger ses infrastructures centrales»

- A combien s’élève la facture annuelle d’électricité d’UBS?
- Les chiffres de consommation d’électricité ne sont pas publiés et donc pas publics.

- Quel pourcentage d’électricité le groupe tire-t-il des énergies renouvelables?
- La banque s’est fixé pour objectif d’atteindre le «net zéro» au niveau mondial et vise d’y parvenir dans ses activités propres d’ici à 2025 et de réduire dans la foulée sa consommation d’énergie. La banque est d’ailleurs conforme à la norme RE100, c’est-à-dire qu’elle dispose dans l’ensemble du groupe, depuis 2020, d’une électricité 100% renouvelable. En Suisse, c’est même depuis 2007 qu’UBS ne s’approvisionne qu’avec de l’énergie électrique provenant exclusivement de sources renouvelables.

- La banque prend-elle au sérieux le risque de black-out?
- Tout à fait. La société a d’ailleurs mis en place un groupe de travail pour analyser où et comment la banque peut encore réduire sa consommation d’énergie. Au titre de mesures immédiates, elle a par exemple déjà baissé d’un degré la température moyenne dans ses bureaux. Dans la mesure du possible, nous entendons également éteindre l’éclairage de nos bâtiments à partir de 18 heures. Dans les bureaux où des collaborateurs travaillent plus tard, l’éclairage sera activé grâce à des détecteurs de mouvement. En outre, il est également demandé aux employés de veiller à ce que les écrans soient éteints le soir.

- En cas de black-out ou de pénurie d’énergie, la banque peut-elle assurer ses services à la clientèle en toute sécurité?
- En matière de plan d’urgence, UBS s’est depuis longtemps penchée sur la question et est bien préparée à de telles situations. Dans le cas d’une pénurie d’électricité, la banque a la capacité de protéger ses infrastructures centrales et ses processus bancaires au moyen de générateurs de secours afin de pouvoir assurer la continuité des opérations, dans l’intérêt de ses clients et du public. Nous ne pouvons bien sûr pas fournir de détails sur notre politique de sécurité. 

>> Lire aussi: Crise de l’énergie: et si c’était une chance? (éditorial)


«La Poste fournira les prestations de base le plus longtemps possible»

- A combien s’élève la facture annuelle d’électricité de La Poste?
- L’électricité est achetée par La Poste sur le marché libre. Par conséquent, vous comprendrez que nous ne pouvons pas vous communiquer les chiffres.

- Quel pourcentage d’électricité La Poste tire-t-elle des énergies renouvelables?
- La Poste tire son électricité à 100% d’énergies renouvelables suisses. Elle est engagée dans les installations photovoltaïques depuis 2011. Celles-ci injectent chaque année environ 10,6 GWh dans le réseau public. La Poste vise le carbone neutre pour 2030.

- Prenez-vous les menaces de coupures très au sérieux?
- Absolument. Un éventuel black-out figure depuis longtemps sur la liste des risques et un groupe de travail a été créé à cet effet. Celui-ci travaille à l’élaboration de scénarios possibles en préparant diverses mesures pouvant maintenir nos prestations et le service universel aussi longtemps que possible en cas de coupures de courant ou de pénurie d’énergie. Cela étant, de nombreux facteurs ne sont pas encore clairs. Par exemple le nombre de colis et de lettres à transporter à ce moment-là, si le trafic ferroviaire et les télécommunications seront restreints. Impossible de le savoir avant d’être confronté à la situation.

- Les offices de poste sont-ils équipés pour supporter des coupures de plusieurs heures, voire de vingt-quatre heures?
- Nous examinons différentes mesures afin de conserver autant que possible les prestations, mais aussi les dispositifs de sécurité en cas de pénurie d’électricité (contingentement). Nous partons du principe qu’avec la planification et la préparation correspondantes, en fonction de l’étendue du contingentement, nous pourrons continuer à fournir une grande partie des prestations de base. Cela dit, nous sommes directement dépendants d’autres infrastructures critiques telles que les réseaux informatiques, l’internet, la téléphonie, dont la disponibilité conditionne la fourniture des prestations. Maintenir la protection des personnes, des biens matériels et protéger les accès aux bâtiments font également partie de concepts de sécurité en préparation.

>> Lire aussi: Approvisionnement en gaz: «La Suisse s’est comportée comme un enfant gâté»


«Le credo de Migros est de contribuer à garantir l’approvisionnement du pays»

- A combien s’élève la facture annuelle d’électricité de Migros?
- Nous ne communiquons pas ces chiffres. Ce qu’on peut dire, c’est que nous sommes touchés par l’explosion des prix de l’électricité tant du côté de l’achat sur le marché libre qu’en qualité de locataires d’immeubles. Nous sommes confrontés à des offres plusieurs fois plus élevées qu’il y a quelques années.

- Est-ce à dire que les consommateurs participeront à la facture?
- Jusqu’à présent, nous avons pu absorber la plupart des hausses du prix de l’énergie sans les répercuter sur les prix de vente. Nous voulons épargner nos clients le plus longtemps possible. Nos prix n’ont d’ailleurs augmenté que plusieurs mois après le début de leur flambée. Mais si ces augmentations s’inscrivent dans le temps, il faudra s’attendre à des hausses de prix. La problématique sera la même pour l’ensemble du secteur et tous les niveaux de la chaîne de valeur, pas seulement Migros.

- Quel pourcentage d’électricité Migros tire-t-elle des énergies renouvelables?
- Des installations fonctionnant avec différentes variantes d’énergie sont utilisées dans tout l’univers Migros. Entendez Denner, Migrolino, Migros Bank et Digitec/Galaxus compris. Nous considérons la situation actuelle comme une motivation pour accélérer encore notre stratégie de développement durable. Nous avons été le premier détaillant de Suisse à avoir mis en œuvre nos magasins à énergie positive. En fait, tous nos magasins sont déjà climatiquement neutres dans leur fonctionnement.

- Migros prend-elle les menaces de black-out ou de coupures très au sérieux?
- Nous avons mis en place un système de gestion de crise professionnel et éprouvé. Différents scénarios font l’objet d’exercices et de préparatifs réguliers et une éventuelle pénurie d’électricité en fait bien entendu partie. Le credo de Migros est toujours de contribuer à garantir l’approvisionnement du pays.

- Celui-ci sera-t-il garanti dans tous les cas?
- S’il y a moins de gaz et d’électricité, nous devons réduire les temps de production et décider ce qui doit être produit en priorité, et ce qui doit être fabriqué en moindre quantité, voire plus du tout. Prenons par exemple notre grande boulangerie Jowa. Au lieu de produire de nombreuses sortes de pain, nous n’en produirons peut-être que cinq. Comme les machines ont moins besoin d’être nettoyées et réglées, nous pourrions fournir suffisamment de pain en termes de quantité, comme si nous n’avions pas de restrictions. L’assortiment de pâtisseries pourrait par exemple être fortement limité, car il n’est pas vital. Ces considérations peuvent être appliquées à toutes les gammes de produits.


>> Lire aussi: Pénurie: «Un bon black-out ferait du bien»

«A la Coop, le maître mot est économie»

- A combien s’élève la facture annuelle d’électricité de Coop?
- Nous ne communiquons en principe pas publiquement de tels chiffres.

- Quel pourcentage d’électricité Coop tire-t-elle des énergies renouvelables?
- Depuis 2010, toute l’électricité que nous utilisons provient de centrales hydrauliques, ce qui nous a permis de réduire nos rejets de CO2 de plus de moitié concernant notre consommation électrique. A cette heure, environ 70% de notre consommation énergétique provient de sources renouvelables, part que nous souhaitons augmenter de 10% d’ici à 2023. D’autre part, nous continuerons également à réduire notre consommation d’énergie et à développer les installations photovoltaïques sur nos points de vente, nos sites de production et nos centrales de distribution.

- Coop prend-elle les menaces de black-out ou de coupures très au sérieux?
- Le maintien de notre mission d’approvisionnement est pour nous une priorité absolue. Coop dispose d’un plan d’urgence en cas de panne de courant et son personnel est formé. Nous renonçons cependant à communiquer des mesures détaillées, car celles-ci varient selon les scénarios et ne peuvent pas être généralisées. Tous les scénarios sont pris en compte et nous développons des plans d’urgence appropriés.

- Envisagez-vous des mesures d’anticipation?
- Bien sûr. Via des mesures d’économie d’énergie volontaires que nous appliquons depuis le mois de septembre. A savoir: toutes les enseignes lumineuses et les éclairages intérieurs des points de vente sont immédiatement éteints à la fermeture du magasin. Cela concerne les supermarchés Coop et des formats spécialisés comme Jumbo, Interdiscount et Fust, ainsi que des formats spéciaux comme Coop to go, Sapori ou Karma et des shops Pronto. Les éclairages des parkings extérieurs sont également éteints après la fermeture des magasins. Ce n’est pas tout. Dans toute la Suisse, tous les bureaux, bâtiments administratifs, centres logistiques et entrepôts de l’ensemble du groupe renoncent aux enseignes lumineuses. La température dans les bureaux, les magasins, la logistique ainsi que les entrepôts est réduite de deux degrés et il n’y aura pas d’éclairage extérieur à Noël. Enfin, nous élaborons un guide pour économiser l’énergie au quotidien pour tous nos collaborateurs. 


«Selon la situation, l’offre des CFF pourrait être fortement réduite»

- Quels sont les chiffres de consommation énergétique des CFF et leurs coûts?
- Pour transporter environ 15% du total des voyageurs et 37% des marchandises, le chemin de fer utilise seulement 5% de la consommation d’énergie des transports terrestres en Suisse. Actuellement, nos centrales produisent moins d’énergie en raison de la sécheresse et du faible niveau des lacs de retenue. Afin de garantir au mieux cette production même en cas de pénurie, nous avons décidé de garder les lacs de retenue à un niveau aussi élevé que possible. Les CFF doivent également s’approvisionner en énergie de remplacement sur le marché, où les prix sont en forte hausse. Cette situation a déjà eu des répercussions négatives sur le résultat du premier semestre et affectera le résultat annuel.

- Comment les CFF envisagent-ils d’améliorer ce ratio?
- Nos trains sont déjà alimentés à 90% en courant électrique d’origine hydraulique et à 10% de l'énergie nucléaire. D’ici à 2025, tout le courant de traction proviendra de sources renouvelables. D’ici à 2030, 30 GWh de courant domestique et jusqu’à 120 GWh de courant ferroviaire seront issus du photovoltaïque. A la même date, les CFF espèrent avoir amélioré leur efficacité énergétique de 30% par rapport à 2010, ce qui correspond à une économie de 850 gigawattheures (GWh) par an, soit la consommation annuelle d’environ 200 000 ménages.

- Comment les CFF se préparent-ils à faire face à une pénurie d’énergie?
- Un groupe de travail se consacre pleinement à cette thématique. Les risques liés à une pénurie d’électricité et de gaz sont étudiés de manière approfondie et systématique entre notre groupe de travail et les institutions et offices fédéraux compétents. Nous sommes au stade de l’élaboration de concepts appropriés et à la vérification de leur viabilité.

- Quels pourraient être les effets d’une pénurie d’électricité pour la clientèle des CFF?
- Pour rester performants, les transports publics dépendent d’une alimentation électrique sûre et fiable. Une pénurie d’électricité aurait des conséquences sur l’exploitation d’un système caractérisé par sa forte technicité. La circulation des trains CFF requiert en effet deux types de courant: du courant de traction pour l’alimentation de la ligne de contact (à 16,7 Hz) et du courant domestique pour la technique ferroviaire (à 50 Hz). En raison de la haute efficacité énergétique de l’entreprise, le potentiel d’économie est faible. Si d’autres mesures d’économie d’énergie devaient être prises, la clientèle serait directement touchée. En cas de limitation du courant imposée par la Confédération, l’offre ferroviaire devrait être fortement réduite, alors qu’une coupure de réseau touchant les CFF entraînerait une interruption de l’exploitation ferroviaire.

>> Lire aussi: Comment faire face aux coupures de courant? Notre guide de survie


«Au tarif 2021, notre facture d’électricité au CHUV atteint 11 millions de francs»

- A combien s’élève la facture annuelle d’électricité du CHUV?
- La consommation annuelle d’énergie thermique du CHUV sur la cité hospitalière est proche de 43 GWh (gigawattheures, soit 43 millions de kilowattheures) tandis que la consommation d’énergie électrique atteint 41 GWh. Cela équivaut environ à la consommation annuelle d’électricité de 11 000 à 15 000 ménages vaudois de trois ou quatre personnes, ce qui représente une facture annuelle d’environ 11 millions de francs pour la consommation électrique au tarif 2021. La cité hospitalière est le plus gros consommateur d’énergie de l’Etat de Vaud.

- Quel pourcentage d’électricité le CHUV tire-t-il des énergies renouvelables?
- En 2020, la production d’électricité solaire du CHUV a atteint plus de 650 MWh (mégawattheures, soit 650 000 kilowattheures). Les installations solaires du bâtiment de recherche AGORA sur la cité hospitalière ont produit 110,94 MWh durant l’année 2021. Par ailleurs, les installations solaires des bâtiments PLEXUS et UCP de Bussigny – la plateforme logistique commune au CHUV et aux HUG – ont produit 540,04 MWh durant l’année 2020.

- Le CHUV est-il équipé pour assurer tous ses services en cas de coupures prolongées?
- Pour la partie technique, des centrales de secours par groupes électrogènes peuvent assurer si besoin l’alimentation électrique des bâtiments abritant les services de soins somatiques et des mesures sont mises en place pour réduire le plus possible l’impact d’une éventuelle coupure d’électricité sur l’accueil des patients et la qualité des soins. Les plateaux techniques et les services critiques (urgences, soins intensifs, blocs opératoires, unités d’hospitalisation somatiques) peuvent être soutenus par des groupes électrogènes et des alimentations sans coupure (batteries) si besoin. Des essais renforcés sont régulièrement menés sur l’ensemble des infrastructures secourues par les groupes électrogènes. 

Par Christian Rappaz publié le 8 octobre 2022 - 08:58