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Les grands-mères, ces passeuses d’histoires

Les grands-mères occupent une place à part dans nos cœurs. Elles tissent en effet des liens affectifs intergénérationnels et savent transmettre un précieux savoir-vivre. De George Sand à Manette, grand-mère d’Emmanuel Macron, quelques exemples de femmes qui sont souvent plus progressistes que leurs petits-enfants.

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"Marie-Aurore de Saxe (1748-1821) en Diane". Pastel anonyme. Paris, musée de la Vie romantique.

Anonyme

«Vous perdez votre meilleure amie.» Les biographes attribuent cette phrase à Marie-Aurore de Saxe. Celle-ci l’aurait adressée, en guise de dernier souffle, à sa petite-fille, la romancière George Sand. Légende ou réalité? Qu’importe, au fond. Souvent imaginés par l’entourage du mourant ou soigneusement préparés des années à l’avance, les «ultima verba» sont surtout chargés de symbole. Ceux de Marie-Aurore de Saxe rappellent la place importante qu’occupent dans nos cœurs les grands-mères.

Dans «Histoire de ma vie», George Sand revient sur la relation fusionnelle qui l’unissait à son aïeule paternelle. Celle qui s’appelle encore Amantine Aurore Lucile Dupin a 4 ans lorsqu’elle s’installe dans la demeure familiale à Nohant, après la mort accidentelle de son père. Très vite, sa grand-mère lui témoigne une vive tendresse. Disposant des moyens nécessaires pour l’élever et lui donner une éducation, elle devient sa tutrice. C’est elle qui, la première, lui donnera le goût de l’écriture, de la danse, du dessin, mais aussi et surtout de l’indépendance. A 68 ans, George Sand transmettra à son tour cet enseignement en inventant, pour amuser et instruire ses petites-filles, des récits fantastiques. Dans «Contes d’une grand-mère» (Ed. Flammarion), on retrouve les valeurs chères à la femme de lettres. Sans surprise, le travail y est célébré comme un outil privilégié d’émancipation.

George Sand est décédée le 8 juin 1876. Cent ans plus tard, le 21 décembre 1977, naissait Emmanuel Macron. La personnalité du président français a elle aussi été marquée par l’influence d’une grand-mère adorée, Germaine Noguès, surnommée Manette. Disparue en 2013 à l’âge de 96 ans dans les bras de son petit-fils, cette ancienne professeure de lettres et d’histoire-géographie a été l’une de ses plus fortes inspirations, son «guide spirituel» même. Au point que son idylle avec son épouse Brigitte aurait pu tourner court à ses débuts. «Si Germaine ne m’avait pas acceptée, je n’aurais pas fait long feu», affirme la première dame dans «Tant qu’on est tous les deux» (Ed. Flammarion) de la journaliste Gaël Tchakaloff.

D’origine modeste, les parents de Manette ne savaient ni lire ni écrire. A force de travail, celle-ci parviendra à s’extraire de sa condition et deviendra une brillante enseignante. Plus tard, elle comblera la soif d’apprendre de son petit-fils en lui faisant lire à voix haute Molière, Georges Duhamel ou encore Mauriac. Résultat, à l’école, le petit Emmanuel aura l’intelligence flamboyante et précoce. «Très tôt, elle a créé avec Emmanuel un lien intellectuel et affectif très fort, détaille Gaël Tchakaloff. C’est elle qui l’a initié à la littérature. Avant de devenir président de la République, il l’appelait régulièrement pour lui donner des nouvelles, parfois «en pleine nuit.»

De façon intéressante, Manette et Marie-Aurore de Saxe n’étaient pas des mamies gâteaux. Leur amour était exigeant. «Manette ne lui passait rien, elle ne connaissait que le travail», assure Brigitte Macron. Ce regard intransigeant a également porté George Sand et l’a approuvée, émancipée. Ce point est important, rappelle Vittoria Cesari Lusso. «Dans Parents et grands-parents: rivaux ou alliés?» (Ed. Favre), elle prône l’implication éducative. «Il est impossible de garder ses petits-enfants régulièrement et d’abdiquer sur ce plan, assure-t-elle dans les colonnes du «Temps». Si vous voyez vos petits-enfants une fois par année, par exemple durant les vacances d’été, alors peut-être, oui, vous pouvez uniquement les couvrir de caresses et de cadeaux. Mais dès que vous devenez un référent régulier, vous avez un devoir […] de poser un cadre et des limites. Et puis, sur le plan philosophique, je trouverais assez peu moral que les grands-parents renoncent à ce rôle par confort.»

A cet égard, les grands-mères sont souvent présentées comme les gardiennes des traditions. C’est oublier qu’elles sont parfois plus progressistes que leurs petits-enfants. La conscience féministe de l’actrice et réalisatrice suisse Janine Piguet s’est par exemple éveillée grâce à sa grand-mère Elfriede. «C’est elle qui m’a fait prendre conscience que les femmes sont programmées, dès la petite enfance, à s’occuper des autres et jamais d’elles-mêmes. C’était une épouse dévouée. Mais à la mort de son mari, elle s’est dit qu’elle n’avait plus envie de s’occuper d’un homme. Par la suite, elle m’a toujours rappelé l’importance de ne pas entrer avec soumission dans l’existence adulte.» Lorsque Janine Piguet lui confiera être amoureuse d’une femme, sa grand-mère applaudira son choix. Simone de Beauvoir n’était pas loin… «Pour elle, l’hétérosexualité n’était pas le seul mode d’organisation sociale. Dans les années 1980, elle sauvera d’ailleurs du suicide un jeune homosexuel, renié par sa famille.» Elfriede est décédée en avril 2020. Janine Piguet, aujourd’hui en couple avec un homme féministe, a consacré un court métrage à cette femme exceptionnelle qui lui a appris à vivre.

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Par Amanda Castillo publié le 5 mai 2022 - 08:45