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Les nuits décalées de Romaine Morard

La productrice de «La matinale» sur La Première vit la nuit pour son métier. Prendre l’antenne à 6 heures chaque matin pour deux heures d’émission requiert une discipline militaire.

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Romaine Morard

Romaine Morard, journaliste productrice de La Matinale sur RTS La Première.

Laurent BLEUZE

«Chaque matin de la semaine, je me réveille à 2h38; 2h30, c'est trop tôt et à 2h41, je suis en retard. C’est ainsi. Je ne prépare jamais mes affaires la veille. Mes amis me disent toujours de le faire, que ce serait tellement mieux pour moi, etc. Mais je ne changerai pas. Donc chaque matin, je choisis mes vêtements et je tâtonne dans l’appartement pour ne réveiller personne. Je prends un taxi à 3h15, car je n’ai pas de voiture et aussi parce que chaque minute compte. Les taximen sont devenus mes copains. A cette heure-là, je retrouve souvent les mêmes. Ils sont, comme moi, des «gente della notte», comme dans la chanson de Jovanotti. Il y a une solidarité entre les gens qui travaillent la nuit.

La tentation serait d’aller à la radio en pyjama mais, heureusement, je suis filmée! Je prends l’antenne à 6 heures, mais j’arrive bien avant pour bosser. La matinale, c’est lire les journaux que Valérie Droux, chargée de la revue de presse, étale par terre. Que dit le Blick, la NZZ, Le Temps? Cela va nourrir mes interviews.

Parfois, je réveille mes interlocuteurs en pleine nuit pour les inviter. Quand Notre-Dame a brûlé, j’ai envoyé un SMS à 3h30 à Mgr Morerod qui, par chance, faisait une insomnie. Il était là 7h30. Juste avant de prendre l’antenne, je m’isole, je mets une veste, du mascara, et puis je chante à boulet sur de la musique italienne. Cela me fait la voix et me «met dedans». Après, c’est parti...

C’est grisant de réveiller les gens chaque matin. Mais cela oblige. Les auditeurs s’en fichent que ton gamin avait cette nuit-là une otite et que tu n’as pas du tout dormi. Si au dernier moment tu te sens malade, tu n’as pas le choix: personne ne peut te remplacer. Quand les auditeurs allument la radio à 6 heures, tu dois être présente à 100% pendant deux heures avec un ton enjoué et l’envie de faire bien. Ce n’est pas romanesque, c’est militaire.

Il y a cet immense décalage entre les matinaliers et le reste de la rédaction. Une fois le micro bouclé, je suis comme groggy, alors que les autres collègues arrivent super frais et sentent encore la douche. Une bonne part du contenu se prépare la veille en équipe. Rien n’est possible sans cette phase préalable. Dès que j’arrête l’émission, je prépare le lendemain. Nous avons notre première séance de rédaction à 10 heures. Je finis à 11h30 et je me mets au lit à midi.

Ce qui pose plein de questions comme: quand faut-il manger? Il est difficile de savoir ce qui est bon quand notre rythme biologique est si perturbé. Je me réveille ensuite en milieu d’après-midi et je vais chercher mes enfants à l’école. C’est rare pour une femme qui travaille à 100%. Jai même le temps de faire les devoirs avec eux.

Je continue d’échanger avec les rubriques puis nous avons une séance téléphonique à 19 heures. C'est le moment où la vie de famille bat son plein. Il ne faut pas se mentir, parfois, la fatigue me pèse. Mes enfants s’adaptent. Maintenant, ils essaient de ne ne pas demander quatre fois un verre d’eau avant de s’endormir! Je me couche à 20h30 et... ainsi de suite! Et le vendredi, il ne faut pas rêver: impossible de faire la fête! Je fais ce que j'aime avec des gens que j'aime. J'ai beaucoup de responsabilité et en même temps de la liberté. La radio, j'adore. Etre à l’antenne chaque jour, c’est carrément grisant. Sinon, je n’accepterais pas tout ça.»

Par Stéphane Benoit-Godet publié le 3 février 2021 - 09:04