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Gastronomie

Les plats de la cheffe Marie Robert montent à bord de la CGN

La société de Peter Reibez a repris la restauration à bord des bateaux du Léman. La cheffe Marie Robert, de Bex, signe la carte des menus servis dans les salons des bateaux Belle Epoque. Reportage à l’ouverture.

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CGN La Suisse

A bord de La Suisse, le bâtiment historique de la flotte de la CGN, le restaurant a repris du service. 

Darrin Vanselow / Illustré

Ce lundi 31 mai 2021 restera comme un jour béni en Suisse. Les restaurants rouvrent! Et parmi eux, il y en a certains qui ont une destinée toute particulière. C’est le cas du restaurant de La Suisse, bâtiment de la flotte historique de la CGN. En cuisine, on s’active. Après des mois de repos forcé, les gestes de l’apprentie et de ses deux aînés prennent de l’assurance au fur et à mesure des préparatifs. A la table de travail, la cheffe Marie Robert, du Café Suisse, à Bex, met en place ses créations dans un espace minuscule. «J’ai l’habitude de travailler dans des espaces réduits», glisse la jeune femme toujours en tunique noire.

>> Lire aussi notre ancien article (2020):  Rescapée du covid, la cheffe Marie Robert flamboie

Car il faut avoir de l’habileté pour travailler dans un tel contexte. Il y a dix-huit mois, la société de restauration genevoise Café Léman remportait l’appel d’offres de la CGN pour s’occuper de la restauration sur ses dix bateaux. Depuis, «le lancement des opérations a été reporté trois fois: nous sommes plus qu’heureux de ce départ»! Le directeur, Peter Rebeiz, vient saluer les équipes pour ce grand jour. Jean-Pierre, qui travaille avec lui depuis plus de trente ans, briefe les collaborateurs à 11 heures et leur rappelle les consignes. Déjà le bateau s’apprête à recevoir la clientèle pour un voyage Ouchy-Montreux et retour. Le covid rôde encore, donc impossible de servir des clients debout.

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Marie Robert en cuisine avec une partie de l’équipe: Khalid Nadry, Jérôme Cochaud et Romain Haglon.

Darrin Vanselow / Illustré

Avant de contacter la CGN, Peter Rebeiz n’avait jamais expérimenté ses bateaux. Quand un ami lui demande s’il a répondu à l’appel d’offres en cette fin 2019, il est pris de court et répond du tac au tac: «Oui, bien sûr!» Il se fait quand même envoyer l’offre et organise dans la foulée un trajet entre Genève et Nyon. Qui le convainc de postuler: il peut faire beaucoup mieux en cuisine. Voilà pourquoi Peter Rebeiz se retrouve ce matin du 31 mai à la barre d’une société de 55 employés, dont une grande partie nouvellement engagée, dont il ne sait encore pas s’ils ont le mal de mer (pardon, de lac) et qui se lance à l’eau avec beaucoup d’envie de relever le défi.

Café Léman a créé des concepts de restauration pour l’ensemble de la flotte, des plus simples pour le transport des pendulaires aux plus touristiques avec les salons des navires Belle Epoque, dont la carte est signée par Marie Robert. Tout était prêt au début de 2020, avant que la pandémie ne mette en hibernation le projet. Mais la famille Rebeiz en a vu d’autres. Elle se trouve à la tête de Caviar House & Prunier. Quarante seafood bars dans les aéroports du monde entier et un vaisseau amiral, une boutique et restaurant à la place de la Fusterie, à Genève. Dans les années 1970, c’est un incendie au Grand Passage abritant un seafood bar de la maison qui avait poussé le père de Peter Rebeiz à installer rapidement un point de vente dans l’aéroport pour ne pas frustrer ses clients. Sans savoir qu’il inaugurait ainsi un concept d’une quarantaine de seafood bars et boutiques florissantes dans le monde aujourd’hui.

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Sur le pont supérieur se trouve un «seafood bar» qui met à l’honneur les produits du lac Léman.

Darrin Vanselow / Illustré

«La restauration dans les lieux de transport, c’est notre spécialité. Mais difficile de travailler quand les voyageurs disparaissent», raconte ce géant débonnaire. Dans les bateaux de la CGN, il retrouve des contraintes rencontrées dans les zones d’embarquement: peu de place, peu de temps et une obligation d’être efficace et aimable. «Nos employés du bar de l’aéroport de Genève battent des records de pourboires chaque mois, signe que l’on peut faire les choses vite et bien.» Un plat à Cointrin ou à New York JFK doit être prêt en trois minutes, parce qu’un client en attente d’un vol n’aura que dix-sept minutes en moyenne à passer à la table Caviar House & Prunier. Il y aura ce genre de parcours imposé sur les bateaux voguant sur le Léman. Et l’adresse e-mail personnelle du patron inscrite sur les menus, car s’il y a des plaintes, il veut les recevoir directement.

Sur les bateaux, tous les produits viennent de la région, chacun devenant ainsi une ambassade de la Suisse romande. Depuis le deck – et en trichant un peu – il a même vu jusqu’à Bex, où officie Marie Robert. «Je ne la connaissais pas, mais j’aimais déjà son énergie.»

Quand on les voit interagir, une évidence s’impose: ces deux-là sont faits pour s’entendre. «Il est désormais possible de bien manger sur les bateaux de la CGN», promet l’entrepreneur. On confirme: les ravioles de perche comme le bœuf à la carte fondent dans la bouche. La carte des vins propose des nectars romands. Pour la cheffe, il faut faire «beau-bon-simple». «Je suis super forte dans la mise en place: je prépare mes plats à l’avance et, ensuite, j’envoie avec une touche finale.» A Bex, elle sert une soixantaine de couverts par repas; ici, ce sera, en pleine capacité, plutôt 150, voire 200 couverts. Son job a consisté à penser la nouvelle carte et à superviser sa mise en place. Maintenant, à l’équipe de Peter Rebeiz de jouer.

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Marie Robert a élaboré 14 recettes signatures, des plats à la fois originaux et simples, à base de produits locaux et frais.

Darrin Vanselow / Illustré

Pour le premier jour, elle tenait toutefois à lancer un premier service. Le soir même, elle rouvre son restaurant à Bex après presque six mois de fermeture forcée. «La pression me motive. Elle fait perdre les pédales à certains. Au contraire, plus les choses volent autour de moi en tous sens, plus j’ai du plaisir.» Déjà, elle gravit quatre à quatre les marches qui séparent la cuisine de la salle, donne ses dernières instructions et se prépare à débarquer à Vevey pour rejoindre Bex. Avec presque le trac: «Il va falloir retrouver les automatismes.» Elle joue un nouveau thème pour la réouverture: Las Vegas! Elle nous montre les plats sur son téléphone, notamment des dés en guise de dessert: «J’adore!» Il y a un coup de génie marketing à embaucher un tel personnage. Peter, Danois d’origine dont la famille vient de Copenhague, reste persuadé qu’il a trouvé sa muse pour ses «cafés navigants». Au point qu’il a fait prendre en photo Marie déguisée en petite sirène sur un bateau de la CGN. Et vogue le navire...

Par Stéphane Benoit-Godet publié le 10 juin 2021 - 08:56