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Interview

Luigi Marra: «Je suis 100% Suisse et 100% Italien»

Quelques mois après la fin de «Dans la tête de...», le présentateur de la RTS revient en tant que producteur avec «Cuisines sans frontière», une nouvelle émission pas si éloignée des thèmes qu’il affectionne tant. L’occasion de parler de ses racines italiennes, d’intégration et de transmission.

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Luigi Marra sur le tournage de «Cuisines sans frontière»

A Vucherens (VD), Luigi Marra (en noir) a supervisé le tournage de «Cuisines sans frontière» dans le foyer de Fabio Marzo et Claude Freymond, assistés de leurs fils Elio (5 ans) et Nicolas (2 ans et demi).

Nicolas Righetti/Lundi13

On n’imaginait pas Luigi Marra, passionné par les comportements humains, s’intéresser à la cuisine. Et pourtant. Six mois après la fin de son émission «Dans la tête de...», il est le producteur heureux de «Cuisines sans frontière» que réalise sa complice Céline Thurre-Millius. Ce concept, destiné à remplacer «Dîner à la ferme», réunit lui aussi les quatre langues nationales autour d’une table chez les différents candidats, mais tous sont d’une culture d’origine différente. «En le proposant à la SSR, j’ai eu envie de montrer que la cohésion nationale n’est pas un mythe malgré le patchwork de nationalités qui compose le pays. Ce concours amical, c’est sept parcours de vie très différents, tous ourlés de valeurs distinctes puisque leurs racines sont allemandes, italiennes, françaises, kosovares, espagnoles, portugaises ou suisses, mais avec un point commun: la bienveillance. Et avec, parfois, des réactions presque plus suisses que chez les Suisses», explique, amusé, Luigi Marra.

- Le partage, l’échange, ce sont des valeurs importantes pour vous? 
- Luigi Marra: Ce lien, c’est quelque chose que je soigne avec minutie, que je chéris, que j’alimente constamment dans le travail ou en privé. Parce que tout ce qui permet de mieux comprendre les autres, de casser les clichés et les stéréotypes est essentiel. 

- La transmission vous tient-elle aussi très à cœur? 
- Dans sa notion la plus large, oui, et pas seulement de parents à enfants. Je suis proche de ma nièce et j’ai des amis de 25 ans avec qui j’aime avoir de profondes discussions. Cela fonctionne très bien si l’on ne tombe pas dans le travers de penser que l’autre génération est moins bien que la sienne.

- Et vos racines italiennes, vous les cultivez encore? 
- Je dirais qu’aujourd’hui je me sens 100% Suisse et 100% Italien. Je suis né en Suisse, je m’y sens chez moi, c’est ma vie. Mais il suffit que je passe chez mes parents pour que je me sente comme en Italie. On pense souvent que pour bien s’intégrer il faut totalement oublier ses origines, mais je crois que c’est une erreur. Ce serait se couper d’une richesse et d’un élargissement de l’esprit incroyables.

Luigi Marra

Comme un tiers des 3 millions d’habitants d’origine étrangère dans le pays, Luigi Marra est binational. C’est un secondo (la deuxième génération de migrants) aux racines italiennes.

Nicolas Righetti/Lundi 13

- Avec quels points d’ancrage avez-vous grandi? 
- D’abord, il y avait la «pasta» tous les mardis et jeudis pour les pâtes simples et les dimanches pour les spécialités plus complexes comme les lasagnes. Chaque année, on suivait le festival de Sanremo à la télé et on passait les vacances d’été dans les Pouilles. Mon père avait dix frères et sœurs et je retrouvais une joyeuse bande de 34 cousins. Enfin – j’ai un peu honte de l’avouer –, je me baladais en ville avec le vélomoteur hérité de mon grand frère. C’était un Piaggio avec guidon très resserré pour faire le beau gosse. (Il éclate de rire.) L’image est un peu ridicule aujourd’hui.

- Et en cuisine, vous vous débrouillez? 
- Je ne suis pas de livres de cuisine, mais j’ai toujours été attentif à comment cuisinait ma mère. Je ne me lance pas forcément dans la confection de raviolis, mais je réalise de très bonnes lasagnes, des plats à base de «cima di rapa» (une sorte de broccoli) ou des «fave e cicorie selvatiche» – des fèves et de la chicorée sauvage –, un mets typique des Pouilles. Et quand ça coince, j’appelle ma maman à la rescousse. Sinon, je suis un spécialiste de la fondue, des röstis et des endives au jambon. J’adore la raclette et les graines dans la salade, un truc que j’ai piqué à l’époque aux mères de mes potes suisses.

- Avez-vous été moqué, enfant, à cause de vos origines?
- Je n’ai jamais ressenti de différence. D’abord, parce qu’avec Ada, ma sœur jumelle (la conseillère nationale socialiste vaudoise, ndlr), et Venanzio, mon grand frère, nous étions très solidaires; on s’appuyait beaucoup les uns sur les autres. Mais aussi parce que mes parents ont fait le choix de s’installer à Paudex lorsqu’ils sont arrivés ici, il y a presque soixante ans, plutôt qu’à Renens où la communauté italienne était beaucoup plus présente. Nous sommes allés à l’école de notre quartier, tous nos copains étaient Suisses et ils adoraient venir manger à la maison. Il fallait juste que je leur explique la première fois qu’il était normal que mes parents parlent fort en agitant beaucoup les mains, qu’ils n’étaient pas en train de se disputer. (Il rit.)

- Chose que vos parents ne semblent pas vous avoir transmise...
- C’est vrai, je suis d’un tempérament calme et posé, le plus Suisse de ma fratrie. Mon frère, lui, est peut-être le plus Italien. Pendant longtemps il s’est imaginé rentrer au pays et devenir marchand de glaces sur la plage. Ma sœur, elle, se situe entre nous deux. Elle est très fortement attachée à la Suisse, mais elle parle italien mieux que moi et son caractère est plus volcanique.

- Du coup, prendre la nationalité suisse, cela a-t-il été une évidence pour vous?
- Oui, mais j’ai attendu d’avoir 26 ans pour cela. Rien que pour éviter le service militaire. Ce que je n’ai pas caché lors de l’examen quand on m’a posé la question et, contre toute attente, ça a passé!

>> Retrouvez «Cuisines sans frontière» le lundi à 20h15 sur RTS 1.


Les candidats romands de «Cuisines sans frontière»
 

Fabio Marzo, de Vucherens (VD)

Claude Freymond avec son fils Nicolas et Fabio Marzo et Elio.

Fabio Marzo et son compagnon Claude Freymond vivent mariés et à quatre avec leurs fils Elio et Nicolas.

Nicolas Righetti/Lundi13

Lorsqu’il a vu l’annonce recherchant des participants pour Cuisines sans frontière, Fabio Marzo a d’abord été un peu réticent à l’idée d’y participer. «Pas par peur des caméras ou de passer à la télé, mais parce que je n’aime pas cuisiner dans le stress!» confie-t-il en se marrant. Mais l’idée de pouvoir évoquer des racines italiennes dont il est fier ainsi que son intégration parfaite dans la Broye a fait céder ce prof de sport qui travaille pour une institution qui s’occupe d’enfants aux besoins spéciaux.

C’est par amour pour Claude Freymond qu’il est venu d’Italie en 2006 et ils ne se sont plus quittés depuis. Une histoire simple, authentique et émouvante qu’ils vivent désormais mariés et à quatre avec leurs fils Elio et Nicolas. A la maison, c’est Fabio qui cuisine le plus souvent. Du poisson, beaucoup («Je viens du Sud!»), des pâtes, un peu, et surtout les légumes que cultive et vend Claude. C’est sa tante, venue de Berne pour l’occasion, qui va lui enseigner la «parmigiana familiale. «Ma Mamma m’en fait depuis toujours, et désormais à chaque fois que je la retrouve avec ma famille. C’est une émotion très forte, car je sais que ma tente est définitivement plantée en Suisse.»

Christian Lasalmonie, des Hauts-Geneveys (NE)

Christian Lasalmonie candidat Neuchâtelois de "Cuisines sans frontières"

Christian Lasalmonie.

Philippe Christin/RTS

Le stress de Paris n’était pas fait pour cet incorrigible bon vivant et, alors qu’il cherchait à se trouver un joli petit coin de paradis en province, c’est à Marin (NE) que les hasards de son nouveau travail de contrôleur de gestion l’ont mené. En pleine Expo.02. Il ne comptait pas rester des années, mais la proximité des montagnes pour aller skier, le charme des vallées jurassiennes et la convivialité des Neuchâtelois ont fait le reste. Et s’il est tombé amoureux du Locle, c’est aux Hauts-Geneveys qu’il s’est installé pour ne pas être trop éloigné de son fils de 16 ans qui vit avec sa maman à Neuchâtel.

«Repartir? Jamais! Même déménager dans un autre canton m’embêterait», confie-t-il. A tel point qu’il est à deux doigts d’obtenir sa naturalisation. S‘il est resté bavard et un brin hâbleur, il se moque désormais gentiment des défauts des Français. «En revanche, j’ai carrément adopté le côté démocratique et consensuel des Suisses. Cela m’a beaucoup appris, notamment qu’il ne sert à rien d’avoir raison tout seul.» Côté cuisine, il a opté pour le bœuf bourguignon réalisé avec des produits du coin. «Je suis très militant pour l’alimentation, c’est mon côté Jean-Pierre Coffe!»

Par Isabelle Rovero publié le 29 mai 2023 - 09:31