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Musique

Matthieu Chedid: «La bonté est l’une des valeurs suprêmes pour moi» 

«Rêvalité», le dernier album de Matthieu Chedid, alias M, est à la fois pop, funky, mélodique et doux. Pour ce nouvel opus, il a confié les basses à Gail Ann Dorsey, l’ex-bassiste de David Bowie. Avec cet album symbolique, le chanteur apaisé, papa pour la troisième fois, tend vers l’essence du son. 

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Matthieu Chedid

Son actu: M comme... marathon: Matthieu Chedid et ses musiciens sont sur les routes des grandes salles de toute la francophonie jusqu’en juillet prochain. Une cinquantaine de dates dont Genève la semaine prochaine. Et son dernier album, «Rêvalité», vient de sortir en version bonus sous le titre «Rêvalité augmentée».

Nicolas Guérin / 3ème bureau-Wagram
Isabelle Cerboneschi

C’est dans sa maison enchantée, entouré de toute sa famille, d’un jardin en permaculture, d’un studio d’enregistrement à l’ancienne, d’arbres centenaires et de couleurs partout, que Matthieu Chedid, alias M, a créé son album «Rêvalité». Matthieu Chedid, c’est le chanteur que l’on aime à tout âge. Fils du chanteur Louis Chedid, petit-fils de la poétesse Andrée Chedid, Matthieu a reçu l’art en héritage. Un héritage qu’il partage généreusement avec tous les membres de sa famille: Emilie, réalisatrice et directrice artistique, Anna et Joseph, chanteurs, auteurs, compositeurs et musiciens, et enfin sa fille Billie, 20 ans, qu’il a eue avec Céline Bary. Elle aussi a choisi la voie du chant et on la retrouve souvent sur scène avec lui. Il est encore trop tôt pour dire si ses deux derniers enfants, qu’il a eus avec sa compagne Loïca Saint-M’leux Graziani, suivront le schéma familial. Son fils Tao est né en février 2019 et sa fille, dont le prénom n’a pas encore été dévoilé, est arrivée sur terre en décembre 2021 comme un merveilleux cadeau pour ses 50 ans.«Rêvalité» possède une couleur particulière, un son plus épuré, plus mélodique, entre pop et funk. A écouter en direct lors de son concert à l’Arena, à Genève, le 8 décembre.

- Votre dernier album, «Rêvalité», a-t-il la couleur des rêves?
- Matthieu Chedid: Cet album, c’est la fusion de ces deux mondes qui n’en font qu’un: celui dans lequel je vis. C’est un mélange de bleu, qui représente le rêve, et de rouge, pour la réalité. Et quand on mélange les deux, cela donne du violet.

- Dans le titre «Home», vous chantez: «Dans les rêves on peut vivre toutes les vies.» Est-ce que rêver, c’est vivre?
- Oui. Il n’y a pas de vie sans rêves et pas de rêves sans vie, comme il n’y a pas d’ombre sans lumière. L’un ne va pas sans l’autre. C’est peut-être pour cela que j’ai appelé mon fils Tao, d’ailleurs. Je crois beaucoup aux énergies yin et yang, à ces opposés qui ne font qu’un et nous équilibrent. Comme dirait ma grand-mère, «la poésie, c’est la réalité qui comprend l’existence». Pour moi, la «rêvalité», c’est l’idée de ne pas séparer les choses. 

Matthieu Chedid

Avec l’Américaine Gail Ann Dorsey, ex-bassiste de David Bowie. Elle collabore avec Matthieu Chedid depuis cette année. Une rencontre «providentielle».

© Corentin Fohlen/ Divergence.

- «Rêvalité» est peu pop, funk et surtout très mélodique, avec beaucoup de douceur. Le rythme de la chanson «L’étoile qui danse» évoque presque un danseur soufi qui tourne…
- Oui, c’est comme une transe. Pendant que je créais l’album, mon troisième enfant est né. Toutes ces nouvelles naissances (son fils Tao est né en 2019 et sa fille en décembre 2021, ndlr) m’ont connecté à une douceur, au monde de l’enfance et, d’une certaine manière, à quelque chose d’un peu transcendantal. C’est une bulle, la musique, un moyen d’amener d’autres dimensions dans notre quotidien. C’est ce qui me permet de m’évader. J’en ai besoin pour élargir mon espace intérieur. La musique flirte avec les anges, le divin, le sacré. C’est une vibration et cette vibration est un langage que j’ai l’impression de connaître de mieux en mieux.

- Vous n’évoquez aucune des actualités qui ont fait et font notre quotidien depuis trois ans, dans cet album. L’avez-vous conçu pour apaiser les cœurs?
- Oui. Je pense qu’il faut des élixirs de douceur, de bonnes vibrations. Cela ne m’empêche pas d’y glisser des messages, des réalités crues, mais pas de façon frontale, plutôt comme de petites prises de conscience. Il ne faut pas être hors sol et complètement déconnecté de la réalité. 

- De quels messages parlez-vous?
- Dans toutes les chansons, j’évoque ce monde vampirisant dans lequel on vit, où règnent la surinformation, les réseaux sociaux, le téléphone. Le premier couplet de la chanson «Rêvalité» en parle: «A la fois si près, si loin des choses / Aveuglés sur les écrans-névroses / D’évidence on s’invente / Des vies qui s’opposent.» Je pars souvent d’une réalité un peu cruelle pour la ramener dans le rêve. Cet album, c’est une façon de mettre de la poésie dans ce réel un peu trop vulgaire. Ramener de la beauté dans tout cela, c’est comme y apporter de l’oxygène.

- Vous avez composé «Le nombril» sur le piano blanc utilisé par Michel Berger quand il a créé «La groupie du pianiste». Comment est-ce arrivé?
- Cela s’est fait de façon très spontanée. J’étais en vacances chez mon grand ami Raphaël (Hamburger, ndlr), qui est le fils de France Gall et de Michel Berger, dans leur maison de famille. Je dormais dans une chambre où il y avait le fameux piano blanc. Je ne suis pas allé le chercher: il était juste devant moi. En me réveillant d’une sieste, ce piano m’attirait et j’ai mis mes mains dessus. Je compose autant au piano qu’à la guitare, cela ne m’inspire pas du tout les mêmes chansons. Instantanément m’est venue la mélodie. C’est la providence qui m’a fait composer «Le nombril». Et je suis très heureux de dire qu’il est venu du piano blanc de Michel Berger. 

- Vous dites que la mélodie vous «est venue», est-ce le même processus créatif qu’un écrivain et tous ses personnages qui frappent à la porte de son esprit? 
- C’est exactement cela! Les plus belles chansons que j’ai pu faire sont souvent venues à moi immédiatement, sans effort et sans mental. C’est pour cela que cela s’appelle l’inspiration: créer, c’est comme inspirer et expirer. Cela vient à soi et on a juste le temps de le retranscrire. Je parle surtout des mélodies, car les mots, c’est un autre débat. Je trouve la thématique d’une chanson très rapidement, tandis que les mots s’affûtent et s’affinent au fil du temps. Les mélodies principales d’une chanson arrivent comme on respire et c’est souvent celles-là qui sont les plus authentiques.

Matthieu Chedid

Avec la styliste Agnès Troublé, plus connue sous son nom de griffe Agnès b. C’est elle qui a réalisé les costumes de la tournée.

Instagram M. Chedid

- Vous êtes accompagné sur cet album, comme sur scène, par Gail Ann Dorsey, qui fut la bassiste de David Bowie. Comment s’est passée cette rencontre? 
- C’est un ami commun, Alain Lahana, un manager et producteur qui a travaillé avec David Bowie, Iggy Pop, Patti Smith, Phil Collins, etc. qui me l’a présentée. Il a connu Gail quand elle jouait avec Bowie. Elle cherchait un lieu à Paris pour travailler son instrument, car son amour est en France et elle voulait y rester. Je lui ai prêté mon studio parisien. Elle a voulu me remercier. Un jour, elle est venue à la campagne, j’étais en train de travailler sur cet album. J’ai osé lui demander de faire une basse, et petit à petit elle a fait une voix, puis toutes les voix féminines de l’album. Maintenant elle est sur scène avec moi pendant toute la tournée. C’est providentiel.

- Pour la chanson «La langue des oiseaux», vous utilisez uniquement une guitare sèche et des voix. Avez-vous eu envie de revenir à «l’essence du son», comme vous le chantez?
- Je tends vers cela, oui. Cette tournée est organisée autour d’un groupe et d’une musicalité, mais j’aspire à quelque chose de très pur. L’aboutissement d’un artiste, c’est quand on le retrouve avec son piano ou sa guitare et sa voix, presque a cappella. Quand on touche à l’essence des choses, la quintessence s’exprime. C’est un peu comme les «bluesmen»: le blues n’est pas un style technique, c’est une expérience, un passé qui se traduisent dans l’instrument. Il faut attendre d’avoir un certain vécu pour faire ce genre de choses. 

- Dans cette chanson, vous adressez-vous à ceux qui sont partis? 
- C’est une chanson sur le subtil, sur les gens qui sont entre deux mondes. Il s’agit aussi d’une allusion très directe à la langue des alchimistes. Ils ont développé un langage codé, ils entendaient d’autres significations dans les mots, ou même dans les lettres. Le monde de l’alchimie, c’est le monde de l’envers, du secret et du sacré. Donc dans cette chanson, il y a forcément un lien avec ce monde parallèle.

- Dans tout cet album, la nature est très présente. Est-ce votre maison-refuge à la campagne, où vous avez traversé le confinement en famille, qui vous l’a inspiré? 
- Oui, cet environnement, les arbres centenaires, la forêt, mes enfants qui couraient au milieu de tout cela, ont imprégné et inspiré l’album.

Matthieu Chedid

Matthieu Chedid – M en concert le 8 décembre à l’Arena, route des Batailleux 3, Le Grand-Saconnex.

Nicolas Guérin/3ème Bureau-Wagram

- Est-ce que vous y chantez la beauté malgré tout?
- Oui, c’est ma nature. Dans cet album, je fais l’éloge de la beauté, de la bonté; ce sont des mots très proches. On a besoin de cette douceur, de cette tendresse. Elle peut paraître gnangnan alors qu’elle est vitale et c’est ce qui peut faire que les choses changent dans le bon sens. On peut être sauvé par une caresse, un regard. La bonté est l’une des valeurs suprêmes pour moi. D’ailleurs, je fais une grande différence entre la gentillesse et la bonté. La gentillesse peut être liée aux rapports sociaux, à une posture, alors que la bonté est beaucoup plus noble, plus ancrée dans l’âme de la personne. 

- La naissance de votre fille en décembre 2021 a-t-elle aussi eu un impact sur cet album?
- Elle est le petit ange de cet album. Elle est arrivée à un moment clé: au cœur de la création. Une naissance, c’est une source d’inspiration extraordinaire: c’est un renouveau, un nouveau regard posé sur la vie. Chacun de mes enfants a renforcé ma raison d’être sur cette terre. «Rêvalité» vient aussi de cela: une naissance, c’est à la fois très réel et fantasmé. 

- Dans un autre ordre d’idées, vous composez la bande originale du film «Astérix et Obélix: l’Empire du Milieu», qui sortira en 2023. Un défi?
- J’ai déjà créé pas mal de musiques de films, mais celle-là est un véritable exercice de style aussi, car il faut inventer tout un monde. C’est un mélange des genres: péplum, musique celtique, musique asiatique, des thèmes récurrents à la Vladimir Cosma ou Ennio Morricone. J’ai à faire avec un orchestre de 100 musiciens. J’avais composé la musique de «Ne le dis à personne», le deuxième film de Guillaume Canet (sorti en 2006, ndlr). Il m’avait demandé de faire cette musique, mais à l’époque je n’avais pas le temps et j’avais refusé l’invitation. Mais il m’a relancé et, de fil en aiguille, j’ai regardé le film et je me suis inspiré de ce qu’avait fait Jim Jarmusch dans le film «Dead Man»: j’ai improvisé la musique en direct pendant toute la durée de la projection. Les producteurs n’étaient pas très fans à l’idée d’avoir cette musique expérimentale sur un film populaire, mais Guillaume l’a gardée. Et l’ironie du sort, c’est qu’on a gagné le César! Une bande-son peut changer l’intention, le sens d’une scène. C’est un autre monde, mais je commence à adorer cela. 

Par Isabelle Cerboneschi publié le 2 décembre 2022 - 08:54