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Maman sur le tard, entre miracle et espoir

Actrices et mannequins font la une des journaux avec leur ventre rond après 44 ans. A l’instar des stars, certaines Romandes sont devenues mères dans la deuxième moitié de leur vie. Rencontres.

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Reportage mères sur le tard

Laetitia Guinand, Alessandra Wutholen, Marie-Rose Paternostro, Céline Amaudruz et Geneviève Claus ont toutes été mères sur le tard.

Magali Girardin ; Darrin Vanselow ; Blaise Kormann

Elles sont âgées de 45 ans ou plus, ces célébrités qui montrent leur ventre arrondi. Hilary Swank a vécu sa première grossesse à 48 ans. Les jumeaux de l’actrice américaine sont nés en avril. Virginie Efira, 46 ans, est pour sa part enceinte de son deuxième enfant. Elle a annoncé sa grossesse mi-mai et a fait sensation sur le tapis rouge du Festival de Cannes.

En 2022, sur les quelque 22 000 naissances en Suisse romande, moins de 200 étaient issues d’une grossesse tardive (c’est-à-dire à partir de 45 ans), selon l’Office fédéral de la statistique. Les cliniques et hôpitaux soulignent que plus l’âge de la femme avance, plus le risque de fausse couche et d’anomalie chromosomique augmente. A tel point que certains centres romands de procréation médicalement assistée (PMA) refusent les traitements pour les femmes dès 45 ans. La loi suisse précise d’ailleurs que la PMA est «réservée aux couples qui, en considération de leur âge et de leur situation personnelle, paraissent être à même d’élever l’enfant jusqu’à sa majorité». La Fédération suisse des sages-femmes observe, dans son rapport d’activité 2021, que l’âge de la femme est la deuxième cause la plus fréquente de grossesse à risque.

Malgré tout, les grossesses tardives existent, fruits de longue attente ou de belle surprise. Les chiffres n’ont d’ailleurs pas effrayé ces cinq Romandes, toutes devenues maman après le cap des 44 ans.

«Le bonheur d’être maman n’a pas d’âge»

Céline Amaudruz, devenue maman à 44 ans, avec sa fille de 2 mois
Céline Amaudruz avec sa fille Kirsten

Céline Amaudruz, avec la petite Kirsten, dans son salon à Genève: «Je suis toujours heureuse quand je regarde ma fille!»

Magali Girardin

Neuf années de combat. Et un petit miracle nommé Kirsten. Céline Amaudruz, conseillère nationale genevoise, rêvait d’avoir un enfant depuis l’âge de 12 ans, après la naissance de son petit frère. «Le chemin pour tomber enceinte était très long, mais surtout terriblement sinueux, confiet-elle entre deux regards tendres à sa fille. Il y a quelques années, j’ai perdu un enfant. Il était atteint d’une maladie rare, la môle. Ensuite, on m’a dit que je ne pourrais plus en avoir.» Malgré ce diagnostic peu encourageant, elle refuse de baisser les bras. Elle se bat notamment contre l’endométriose, subit plusieurs opérations. Puis elle rencontre Michael Andersen, qu’elle épouse en 2021, et un courage nouveau l’aide à poursuivre son combat. «Il m’a redonné l’envie de continuer à me battre pour qu’on puisse y arriver. Il fallait aussi avoir un partenaire qui soit prêt à supporter les échecs et les traitements.»

Lorsqu’elle tombe enceinte, elle a 43 ans. Les risques dus à l’âge la tracassent-ils? «Non. Ma peur, c’était de ne pas avoir d’enfant.» Après les longues années d’attente, la grossesse se passe au mieux, à une frayeur près. «Quand j’ai été attaquée à l’université, j’étais déjà enceinte. Ce jour-là, j’ai eu peur. Je me suis dit: «Et si je dois courir et que je perds l’enfant?» C’était l’horreur. C’était quelque chose de très éprouvant pour moi.» Ce jour-là, maman et bébé s’en sortent avec plus de peur que de mal. Personne n’est encore au courant de la grossesse, hormis la sphère privée du couple, et Céline Amaudruz reprend son travail, qu’elle effectuera quasiment jusqu’à l’accouchement. Sans fatigue, ni complications. «Même quand j’étais enceinte, j’étais en pleine forme, je rayonnais parce que j’étais juste heureuse.»

Pour la conseillère nationale, «le bonheur n’a pas d’âge». Un coup d’œil à sa fille fait fleurir un sourire sur son visage. «Le bonheur d’être maman, c’est extraordinaire.» Cet état d’esprit, elle le brandit comme un bouclier face aux mauvaises langues. «Ceux qui n’ont pas un regard bienveillant, je n’en ai rien à faire. C’était plus dur de perdre un enfant, de faire une fausse couche, de ne pas y arriver et de ne rien dire pour ne pas montrer mes émotions.»

Aujourd’hui, le couple se réorganise pour inclure la petite Kirsten dans ses déplacements. «Elle va venir à Berne à la première session, parce que j’ai envie de la voir pendant ce temps-là.» Tout est question d’équilibre entre une vie professionnelle bien remplie et un rôle de maman, «pour ne pas négliger son enfant, mais aussi continuer sa carrière, comme les femmes le font». L’implication et la présence du papa, ainsi que les possibilités de télétravail permettent une certaine souplesse pour s’occuper du bébé. Deux parents qui se complètent et s’accordent, comme lorsque, sans se concerter, chacun a sélectionné un prénom pour leur fille. Tous deux avaient choisi le même.


«Même lors de l’accouchement, je ne réalisais pas»

Geneviève Claus, devenue maman à 47 ans, avec sa fille de 8 mois
Geneviève Claus avec sa fille Amélys

Geneviève Claus rayonne en serrant sa fille Amélys dans ses bras, chez elle à Yverdon-les-Bains.

Blaise Kormann

Des difficultés, de la déception, mais aussi une grande résilience. Les obstacles ont été fréquents dans le parcours de Geneviève Claus qui, depuis 2002, a multiplié les tentatives pour avoir un enfant. Après deux stimulations ovariennes et plusieurs fécondations in vitro (FIV), les années passent, les essais échouent et les complications surviennent. «J’ai eu un syndrome d’hyperstimulation ovarienne qui m’a fait un kyste et on a dû m’enlever un ovaire. Deux ans plus tard, en 2016, j’ai eu un deuxième kyste.» Les médecins sont alors pessimistes: Geneviève Claus n’a quasiment plus aucune chance d’être enceinte.

Aux problèmes de santé s’ajoutent la dépression et un certain isolement. «J’évitais d’aller voir la famille ou des amis avec des bébés, parce que ça me faisait trop mal.» Même si la situation est difficile à accepter, Geneviève fait le deuil de la maternité. Jusqu’en 2021, où une nouvelle occasion se dessine. Le couple se rend en Turquie pour un accompagnement personnalisé et de nouvelles analyses. «On a appris que le problème n’était pas chez moi, mais chez monsieur.»

C’est finalement en février 2023 qu’une FIV réalisée à Chypre fonctionne. «Quand j’ai vu que le test était positif, je n’y croyais pas. Mon homme, lui, sautait de joie.» Son travail dans les ressources humaines étant une source de stress, la future maman est mise en arrêt durant sa grossesse jugée à haut risque par les médecins. Pourtant, tout se passe bien, à tel point que Geneviève peine à se rendre compte qu’elle attend un bébé. «Même pendant l’accouchement, je ne réalisais pas encore, car ma fille ne pleurait pas. Elle a été emmenée en néonatologie et j’ai été séparée d’elle. Ça a été un nouveau choc.» Aujourd’hui, la petite Amélys a 8 mois, sa maman vient de fêter ses 48 ans.


«Depuis que je les ai, je ressens une joie de vivre»

Alessandra Wutholen, devenue maman à 52 ans, avec ses jumeaux de 2 mois
Alessandra Wutholen avec sa fille Chiara et son fils Federico

Alessandra Wutholen prend une pose de yoga sur sa terrasse morgienne, avec sa fille Chiara (à g.) et son fils Federico.

Darrin Vanselow

Chiara et Federico ont tout juste 2 mois. Les jumeaux apportent bonheur et émotion à leurs parents. «Depuis que je les ai, je ressens une joie de vivre que je n’avais jamais ressentie avant», sourit Alessandra Wutholen, maman épanouie de 52 ans. Avoir un enfant était un rêve qu’elle nourrissait depuis l’adolescence.

«J’étais déterminée à avoir des enfants, mais je voulais leur offrir un cadre familial qui soit nourrissant et épanouissant.» Ce besoin de stabilité trouve son origine dans son passé. «J’ai grandi dans une famille qui était bien sous tous rapports, mais qui souffrait de beaucoup de maltraitance psychologique.» Devenue elle-même psychologue, Alessandra étudie le développement personnel pour se reconstruire, un processus qui prend du temps. «Je pensais qu’en trois ans j’aurais tout réglé et que je serais comme neuve. En fait, ça m’a pris toute ma vie.»

En couple depuis douze ans avec Alessandro Stio, 47 ans, la psychologue indépendante était surveillée de près après sa FIV réalisée à Chypre. «On était suivis par une spécialiste des grossesses à risque aux HUG et par un spécialiste des grossesses multiples au CHUV.» Le papa insiste: «On a été très entourés et on est vraiment reconnaissants.» Les médecins leur communiquent très vite les risques dus à l’âge de la maman, mais cela ne l’effraie pas. «Je faisais du yoga, de la natation, du vélo. Donc au niveau physique, je n’avais aucun problème. J’étais plus en forme que quand j’avais 20 ans.» La natation a d’ailleurs apporté du soulagement dans les derniers moments de la grossesse. «Je faisais de la rétention d’eau, mon corps était lourd. Dès que j’étais dans la piscine, je ne sentais plus rien de tout ça.» Aujourd’hui, pendant que l’un des parents veille sur les enfants, l’autre fait quelques brasses en piscine. Car il n’est pas question d’arrêter les activités, au contraire: «On prend les jumeaux avec nous et on s’organise différemment», souligne Alessandro.


«J’ai pris ça comme un cadeau. J’étais heureuse»

Marie-Rose Paternostro, devenue maman à 49 ans, avec son fils de 24 ans
Marie-Rose Paternostro avec son fils Vincent

Marie-Rose Paternostro accueille son fils Vincent à La Guinguette de Carouge, qu’elle dirige avec énergie.

Magali Girardin

«Maman, je peux prendre un Coca?» Bébé prématuré, Vincent Paternostro a aujourd’hui 24 ans. Il rend visite à sa mère qui tient La Guinguette de Carouge. Complices, mère et fils racontent leur histoire comme une anecdote. «Ma fille venait d’accoucher. Un jour, je lui ai dit que j’avais grossi et mal au ventre. Elle a rigolé et m’a dit: «Tu ne me fais pas le coup d’être enceinte!» Marie-Rose Paternostro a 49 ans à cette époque et déjà deux grandes filles.

«J’ai pris ça comme un cadeau. J’étais heureuse parce que, sept ans plus tôt, j’avais essayé d’avoir un troisième enfant.» Deux opérations subies à ce moment-là ont semblé anéantir ses chances. Ce nouveau bébé est une surprise et la grossesse se passe au mieux. Jusqu’au jour où sa fille aînée remarque qu’elle a l’air fatigué et prend beaucoup de poids. «Je ne mangeais plus, pourtant je devenais énorme.» Alerté, le gynécologue la convoque et diagnostique une pré-éclampsie sévère, caractérisée notamment par une tension artérielle élevée. Césarienne en urgence: mère et enfant sont sauvés. Vincent Paternostro, né à 26 semaines, pèse 1,2 kg et mesure 21 cm. «S’il ne pouvait pas vivre, je ne voulais pas le voir. Je me disais que c’était de ma faute, à cause de mon âge.»

Marie-Rose Paternostro et son fils Vincent

A sa naissance à 26 semaines, Vincent Paternostro, ici lors d’un des premiers moments contre la poitrine de sa mère, ne mesurait que 21 cm.

DR

Lorsqu’elle accepte de voir son fils, elle ne ressent «que de la tendresse et de l’amour». Le bébé grandit, mais il gardera des séquelles de sa naissance: parmi les traitements administrés pour le sauver, un médicament a endommagé son ouïe, le laissant malentendant. Vincent a appris à s’adapter en lisant sur les lèvres depuis son enfance. Il porte aujourd’hui des appareils auditifs et est plein d’admiration pour sa mère. «Quand elle m’a mis au monde, elle avait 49 ans. Aujourd’hui, elle en a 73 et regardez tout ce qu’elle peut faire! C’est quelqu’un qui ne se laisse pas abattre.» 


«J’ai pris 30 kilos et j’ai savouré mon gros ventre»

Laetitia Guinand, devenue maman à 44 ans, avec son fils de 3 ans
Laetitia Guinand avec son fils Charles

Dans son salon à Carouge, Laetitia Guinand partage un moment de complicité avec son fils Charles, taquin pour la photo.

Magali Girardin

«Ça maintient jeune!» plaisante Laetitia Guinand à l’évocation de sa grossesse tardive. Journaliste et productrice de l’émission «Le PoinG» sur Léman Bleu, elle a eu son troisième enfant l’année de ses 45 ans. Mère de deux enfants issus d’une union précédente, elle éprouvait l’envie d’un bébé avec son nouveau compagnon. «Mon gynécologue m’avait prévenue que les chances étaient infimes de tomber naturellement enceinte à mon âge.» Après ce pronostic, la grossesse arrive «un peu par hasard», inattendue mais désirée.

Un cadeau. Un signe. C’est en ces termes que Laetitia Guinand décrit la naissance de son fils Charles, né un siècle après l’un de ses aïeux. «Quand je suis tombée enceinte, j’ai pensé à mon arrière-grand-mère qui a eu mon grand-père à 45 ans. Je me suis dit que si c’était possible en 1920 dans un village piémontais sans aucune assistance médicale, ça devrait aller aujourd’hui à Genève.» Trois ans plus tard, Charles est un petit bonhomme débordant d’énergie, ce qui pousse sa maman à se maintenir en forme. «Il faut avoir une bonne hygiène de vie, ça conserve!» lance-t-elle sans se départir de son sourire contagieux.

L’émotion affleure dans ses silences et dans le regard qu’elle pose sur son fils, tout occupé non loin dans un jeu de société avec notre photographe. «Cet enfant m’a apporté une nouvelle source de jeunesse. J’ai un nouveau désir d’émerveillement. J’ai d’ailleurs lancé mon émission «Le PoinG» au même moment. C’était comme un nouveau départ.» Installée à Carouge avec ses trois enfants, la journaliste ne cache pas son bonheur en se remémorant cette grossesse tardive. «J’ai pris 30 kilos, j’ai savouré mon gros ventre en sachant que ce serait le dernier.»

Par Sandrine Spycher publié le 21 août 2023 - 09:40