Manuela Frey promet de nous appeler sitôt son avion posé sur le tarmac de Zurich, où elle débarque depuis New York ce vendredi. Le mannequin doit retrouver les plateaux du concours télévisé Switzerland Next Topmodel, diffusé sur une chaîne alémanique et dont elle est la présentatrice.
Au bout du fil, la voix est rieuse et le ton énergique, malgré la fatigue du voyage et le décalage horaire. «Je suis habituée. Rien que cette année, j’ai effectué plus de soixante vols.» La routine.
A 22 ans, la Suissesse prend l’avion comme d’autres prennent le train. Elle a travaillé à Los Angeles, Dallas, Toronto, Paris, Madrid, Londres, Stockholm, Lisbonne. Et beaucoup à New York, capitale de la mode, la ville qui ne dort jamais et que les mannequins quadrillent en taxi du matin au soir en période de fashion week. Manuela Frey s’y est installée en 2013, au début de sa carrière.
En janvier dernier, elle a emménagé à deux pas de Madison Square Garden, dans un très bel appartement de 80 m² au 30e étage d’un gratte-ciel avec vue sur l’Empire State Building. «Je le partage avec une amie qui vit les trois quarts du temps à Los Angeles. Après toutes ces années à errer de chambres en appartements Airbnb, j’avais besoin d’un lieu où me poser. Je travaille assez dur pour m’offrir un peu de confort.» La jeune femme fait partie des rares à vivre correctement du mannequinat, malgré le rythme irrégulier du métier. «Je peux gagner 20 000 dollars un mois et rien le suivant. Mais j’ai appris à gérer.»
Le building compte une salle de sport, une piscine privée et un rooftop au coup d’œil imprenable sur Manhattan.
A New York, elle apprécie Central Park et le shopping à Soho, la course à pied et la boxe, les matchs de NBA et de baseball, mais surtout les soirées resto avec ses amis. Manuela l’assure, elle est à la fois mannequin et gourmande. Pour cette raison, elle a d’ailleurs choisi cette année de ne pas participer aux défilés des fashion weeks. «Le rythme est répétitif. J’avais besoin de faire une petite pause, mais surtout de pouvoir manger. Quand vous défilez, vous devez être très, très mince.» En 2016, elle est pourtant recalée des castings de la célèbre marque de lingerie Victoria’s Secret à cause de son physique jugé trop filiforme. Allez comprendre. Elle retentera sa chance cette année et espère bien cette fois décrocher le graal. «Aujourd’hui, j’ai un corps de femme et davantage d’assurance. J’adorerais devenir la première Suissesse à défiler pour cette maison mythique.» Comme l’a fait avant elle son idole, l’Allemande Heidi Klum. Celle qui lui a donné envie de faire ce métier. «Je la suis depuis ses débuts comme animatrice de l’émission Germany’s Next Topmodel. Ado, je voulais m’inscrire au concours. Mes parents ont refusé. Ils souhaitaient que je termine l’école d’abord.»
Repérée par Karl Lagerfeld
Quelque temps plus tard, son père, qui travaille dans les transports routiers, entend parler du concours Elite Model Look Switzerland à la radio. Il encourage sa fille à s’inscrire. A 15 ans, l’adolescente aux yeux verts et à la silhouette longiligne mesure déjà 1 m 80. Elle remporte la compétition en 2012 et termine 3e de l’épreuve internationale à Shanghai.
Manuela Frey devient rapidement l’une des tops les plus sollicitées du milieu de la mode. Lors des fashion weeks 2013, elle défile pour 63 couturiers, un record. L’Argovienne travaille pour Dior, Saint Laurent, Prada, Armani et tape dans l’œil de Karl Lagerfeld, qui la choisit pour figurer dans The Return, son court métrage sur l’histoire de la maison Chanel.
Son meilleur souvenir jusqu’ici tient pourtant davantage de l’anecdote loufoque que du glamour. En 2015, lors d’un show Dolce & Gabbana organisé au bord de la mer, à Capri, elle se prend une vague en pleine figure pendant son passage. «Je me suis retrouvée complètement détrempée devant Anna Wintour (ndlr: la célèbre rédactrice en chef du magazine américain «Vogue»), qui a beaucoup ri.»
La mode loin d’être glamour
Récemment, la Suissesse a obtenu son diplôme de diététicienne et suit actuellement une formation en ligne pour devenir agent immobilier. Après six ans dans le milieu impitoyable de la mode, elle en connaît mieux que personne les règles du jeu. «Au-delà de 25 ans, la concurrence devient très difficile. Vous êtes obligée de prévoir un plan B. Et puis, même si j’adore ce métier, j’aspire aussi à ce que le suivant me permette d’utiliser davantage mon cerveau.» Manuela Frey est du genre direct. Elle n’hésite pas à parler ouvertement des travers de l’industrie. «Le plus dur, c’est de ne jamais être assez bien. Un jour, ce sont vos mensurations qui ne vont pas, le lendemain votre coupe de cheveux, votre style, ce que vous postez sur les réseaux sociaux ou les gens avec qui vous vous affichez. Au début, c’était très compliqué à gérer. Aujourd’hui, j’ai pris de la distance.»
Alors son conseil aux aspirants mannequins du concours Switzerland Next Topmodel tient en un mot: l’envie. «Il faut vraiment vouloir faire ce métier, car il est très difficile. Particulièrement depuis l’arrivée d’Instagram, où la concurrence est toujours plus rude entre les filles.» Ce qu’elle aime le plus, c’est défiler et poser. «J’ai toujours cherché à être dans la lumière et au centre de l’attention. Et j’adore les rencontres et les voyages. Mon agent peut m’appeler à tout moment pour un casting à Londres ou à Los Angeles. Je ne sais jamais dans quelle ville je serai demain.»
Cette vie laisse-t-elle un peu de temps pour les sentiments? «Mes ex-copains ne sont pas restés longtemps. Mais mon amoureux actuel voyage beaucoup lui aussi. Nous avons le même rythme.» Les rumeurs évoquaient Bastian Baker. Après des mois de discrétion, le mannequin et le chanteur sont apparus ensemble et complices à une soirée caritative organisée samedi dernier à Zurich. «Nous savons que notre relation intéresse tout le monde, mais nous souhaitons la garder pour nous et surtout rester concentrés sur nos carrières», glisse seulement la jeune femme. Fin de la discussion. Manuela Frey file déjà vers d’autres horizons.