Bonjour,
On aime sa voix, son visage, son phrasé. En 2022, la journaliste valaisanne, qui dirige depuis six ans, dans son village de Mase (VS), le festival de la correspondance Lettres de soie, a vécu un burn-out avant de reprendre goût aux choses, à la lecture notamment.
La journaliste valaisanne Manuella Maury.
Louis Dasselborne«Tout s’arrête. L’air, l’eau, le feu, le faire. Je sais pourtant monter et descendre en bonne fille de la montagne. Je sais à chaque descente la possibilité du ciel. Je me dis qu’en chemin j’embarquerai des pierres, des plantes, des phrases, des humains. Mais en 2022, le cœur s’arrête comme une ampoule de bal. En rentrant d’une «Matinale» – je remplaçais ma consœur Zoé Decker dans le 6 h-9 h du samedi sur RTS La Première – je n’ai plus pu me lever. Ni marcher. Ni manger. Le corps à l’arrêt. L’esprit en souffrance. L’âme dans un flipper. Ça cognait derrière la vitre.
Après le soulagement d’un arrêt de travail validé par ma médecin, arrivent au galop la culpabilité, le questionnement, l’isolement, la dépression. Cheval dans le mur. Plus capable de lire, de me projeter, de sentir, de cuisiner, de grimper sur mon alpage, d’inventer, de séduire, de danser, d’aimer. Plus capable d’écrire! Une longue descente aux enfers. Une envie de tirer la prise.
Mais il y a Maman, 84 ans. Ma tendresse. Et mes chats: Lili Marlene, un mâle haut sur pattes, une duchesse. Et Tigy, le tigré dodu comme un petit pain. Les deux, venus s’installer chez moi par la force. Lili par la fenêtre. Tigy par l’obstination. Pour mes trois sœurs, je me disais qu’elles avaient des enfants magnifiques et des maris bienveillants qui les aideraient à surmonter le chagrin. Pour mes nièces et mes neveux, je me disais qu’ils avaient des projets et des voyages plein les yeux. Pour mes ami(e)s de cœur, j’imaginais des lettres, des cartes, des traces.
Mais pour Maman?
Alors je me suis traînée. De la fenêtre au balcon. Du balcon au jardin. Du jardin chez le médecin. Du médecin à la fenêtre. Les genoux en sang. L’estime abîmée. Le corps absent. Je me suis déguisée avec soin. J’ai rougi mes lèvres. Noirci mes idées, mes paupières. Déclamé quelques vers. Bu beaucoup d’autres verres. A quoi ça tient la vie?
A un peu de soie peut-être? Au printemps, la tête sous terre, mais les jambes sur le sol, j’accompagne de loin un projet pour lequel je m’étais engagée depuis longtemps pour mon festival de la correspondance Lettres de soie (www.lettresdesoie.com). Durant deux semaines, accueillir à Mase, dans ce village qui m’est si cher, avec des artistes contemporains dont le plasticien François Burland, 11 jeunes, tous mineurs, migrants et non accompagnés.
Dans le projet, Audrey Cavelius, magnifique comédienne et metteuse en scène, propose de créer des tandems entre les jeunes et une vingtaine de personnes du village. Et je rencontre Mahdi, 17 ans. Un Afghan, exilé en Iran avec sa famille. Mahdi qui quitte tout à 15 ans. Rejoint la Grèce. Y reste plus d’un an sur une île, dans un camp de réfugiés saturé prévu pour 800 personnes. Ils sont 8000 à avoir abouti là, guidés par le seul espoir d’une vie meilleure et digne. Mahdi qui, un matin d’hiver, rejoint la Suisse. Trois mois à Zurich. Puis Sion, où il a été accueilli au centre Le Rados.
Et voilà que nos routes se croisent et qu’il arrive à Mase, par l’art, dans le village qui lui manque. Les mois passent. Mahdi reste attaché à notre communauté, à ma famille. Il s’entraîne pour Sierre-Zinal, fait la Haute Route avec des coachs incroyables de Run & Side. Et en août, il choisit de fêter ses 18 ans au village. Autour de lui, il réunit tous ses nouveaux mondes: les sportifs, les artistes, les enseignants, les assistants sociaux, les archives d’Etat, les villageois, mes chats et ses amis perses. La fête est réelle, belle, pleine. La générosité est réciproque.
Depuis, Mahdi a commencé sa formation comme assistant social pour les personnes âgées. Il est brillant, généreux. Il questionne, s’émerveille, pleure, vit. Et moi, j’ai recommencé à espérer pour lui. Pour cette génération qui s’en vient, qui s’en... vie. Et je retrouve peu à peu mon «en Vie» de lire et d’écrire. Une envie de «ralenlire»!»
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Kanye West, dit Ye, fait sensation cagoulé au défilé Schiaparelli lors de la fashion week en compagnie de Julia Fox, sa partenaire six semaines seulement. Instable, le rappeur américain multiplie les provocations en 2022, jusqu’à tenir des propos antisémites et déclarer son admiration pour Hitler en automne. Il perdra alors une grande partie de ses contrats et de sa fortune.24.01, Paris, France:
«Faire sensation»: j’adore l’expression. Est-ce que Kanye West fait sensation, réveille nos sens? Il me rappelle un extrait d’une lettre de Voltaire datée de 1773: «Nous sommes dans un temps où rien ne fait une grande sensation; tous les objets, de quelque nature qu’ils soient, sont effacés les uns par les autres.» Si Kanye West est fashion week, Voltaire, lui, était «fashion century!»
Tiziano Da Silva/Bestimage/DukasAyant refusé de se faire vacciner contre le Covid-19, le tennisman serbe Novak Djokovic se rend à une audience de justice qui statuera sur son visa et sa participation à l’Open d’Australie 2022. Il sera expulsé sans être autorisé à disputer le tournoi. 16.01, Melbourne, Australie:
«Dans les droits de l’homme fondamentaux, il y a celui d’être protégé. Un champion de tennis millionnaire avec une ceinture de sécurité, un gros bras tatoué garde du corps, un masque FFP2 sur le visage et qui sourit à la meute de journalistes comme un petit garçon: on devrait nous protéger de l’actualité.»
James Ross/Imago-imagesPrésident de la Confédération, le Tessinois Ignazio Cassis pose avec ses collègues du Conseil fédéral sur une carte du réseau ferroviaire suisse symbolisant l’union dans la diversité, sa définition du pays. 01.01, Berne, Suisse:
«L’image me renvoie immédiatement à Iso Camartin. J’ai reçu dans «Le passager», un talk-show dans un train, ce philosophe grison qui parle nos quatre langues nationales et dont l’esprit est une pure merveille. Pour lui, il n’y a ni centre, ni périphérie, il y a «contiguïté». Chacun peut choisir le pont ou la porte. Il faut lire «Sils-Maria ou le toit de l’Europe» chez Zoé.»
Stefano Spinelli/Chancellerie fédérale suisseDans une usine désaffectée, des civils ukrainiens s’entraînent au maniement des armes avec des répliques de fusils Kalachnikov en bois. Ils redoutent une invasion des troupes russes, massées à leurs frontières.30.01, Kiev, Ukraine:
«J’ai vécu avec un médecin espagnol qui avait connu la dictature, puis la démocratie, et qui se souvenait aussi du coup d’Etat de 1981 dans son pays. Il disait souvent que pour nous, les Suisses, en paix depuis 1848, la méfiance, la haine, la colère ne passaient plus dans nos gènes. Selon lui, un Suisse regarde la guerre comme au cinéma, pas avec ses tripes. J’y pense très souvent.»
Sergei Supinsky/AFPDepuis la mort du génial Steve Jobs, son cofondateur, la firme californienne Apple ronronne en termes d’inventivité. Elle joue l’inclusivité en introduisant l’émoticône d’un homme «enceint». Janvier, Cupertino, Etats-Unis:
«Emoji, ça veut dire: image + lettre, à la base. Mon amour de l’épistolaire m’éloigne totalement de la manière. Plutôt que d’envoyer une émoticône avec un homme enceint, moche de surcroît, je préfère écrire les «Paroles» de Prévert: «Cet amour si vrai, cet amour si beau, si heureux, si joyeux, et si dérisoire, tremblant de peur comme un enfant dans le noir.» L’inclusion n’exclut pas la poésie, j’espère!»
emojipediaMadonna, 63 ans, a passé le Nouvel An en famille en Suisse à Gstaad. La chanteuse arpente les rues de la plus huppée des stations des Alpes bernoises avec son fils Rocco, 22 ans, l’un de ses sept enfants. 03.01, Gstaad, Suisse:
«On dirait une émoticône! Je défie quiconque de la reconnaître. C’était prophétique, son titre «Material Girl» en 1985. Souvenez-vous du chorus: «Nous vivons dans un monde matérialiste... «and I’m a material girl».» En quelle matière Madonna est-elle fabriquée? Dans tous les cas, elle valide mes plis, mes rides et mes chagrins d’amour. «Please not like a virgin!»
Instagram de MadonnaL’animateur Cyril Hanouna multiplie clashs et scandales dans «Face à Baba» durant la campagne présidentielle française, puis toute l’année dans «Touche pas à mon poste!» sur la chaîne C8. 27.01, Paris, France:
«Guy Bedos disait: «La vulgarité, ça ne s’improvise pas. On est vulgaire. On naît vulgaire. C’est une infirmité de l’âme.» En surimpression de cette image, je pose celle d’Elisabeth Baume-Schneider, avec sa spontanéité, sa générosité et ses mots: «Si j’ai la possibilité de m’exprimer aujourd’hui, je le dois à des pionnières qui ont pris des risques et, comme le disait Benoîte Groult, se sont battues pour un besoin aussi vital et brûlant que le besoin d’aimer.» Sur C8, on est en manque d’amour. Pauvre Baba!»»
Hans Lucas via AFPImage vertigineuse, depuis l’espace, de l’éruption phénoménale d’un volcan polynésien, la plus puissante enregistrée sur Terre depuis trente ans, selon des chercheurs de l’Université d’Auckland. 15.01, Tonga:
«Terrifiant et sublime, comme Reggiani qui chante Vian: «Et moi je vois la fin, qui grouille et qui s’amène, avec sa gueule moche, et qui m’ouvre ses bras, de grenouille bancroche... Je voudrais pas crever avant d’avoir usé, sa bouche avec ma bouche, son corps avec mes mains, le reste avec mes yeux, j’en dis pas plus, faut bien rester révérencieux.»
NOAAUne station météo désertée sur une petite île russe de l’Arctique. Les ours polaires ont remplacé les hommes. La photo, signée Dmitry Kokh, obtiendra le prix Wildlife Photographer of the Year en octobre. Janvier, île Kolioutchin, Russie:
«Il faut lire Violaine Bérot chez Buchet-Chastel. L’histoire de Mariette qui vit seule dans les Pyrénées avec son fils que les gens appellent «l’ours». C’est comme ça qu’on appelle les enfants sans père. Ça interroge vraiment la place de l’homme dans la nature. Si la photo est puissante, parfois les romans viennent nous chercher plus profondément.»
DRRespectivement 1er et 2e, les skieurs suisses Beat Feuz (à dr.) et Marco Odermatt sont portés en triomphe au bas de la Streif, descente mythique de Coupe du monde. Un doublé suisse inédit depuis 1992. 23.01, Kitzbühel, Autriche:
«Je suis fan de ski à la TV depuis mon enfance. J’aime les deuxièmes manches de slalom quand tout est encore possible. Quand le 22e finit premier. Quand le champion sort de piste. Quand ma maman crie depuis la cuisine: «Je ne regarde plus, il va tomber!» Prions Adamo pour la saison en cours: «Tombe la neige!!!!»
AFPSous le regard de la famille du défunt, l’archevêque Thabo Makgoba enfouit l’urne de Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix, décédé le 26 décembre 2021, sous le parvis de la cathédrale Saint-Georges. 02.01, Le Cap, Afrique du Sud:
«Je pense à Léonora Miano que j’ai reçue à Morges, au Livre sur les quais, pour son roman Rouge impératrice et qui aurait plu à Desmond Tutu. L’idée d’un continent africain prospère et autarcique, unifié, et où les sinistrés de la vieille Europe viennent trouver refuge.»
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