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Patrimoine

Marc Aymon: «Confiez-moi les trésors de votre patrimoine musical!»

Après le succès d’«Ô bel été!», son disque de reprises du patrimoine suisse, Marc Aymon, 37 ans, souhaite poursuivre le projet. Il appelle les gens à fouiller dans leurs greniers pour retrouver les pépites oubliées du répertoire musical romand.

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Le musicien dans un alpage au-dessus de Saint-Luc, dans le val d’Anniviers. Baroudeur dans l’âme, c’est en Valais qu’il aime revenir entre deux projets et tournées. Sedrik Nemeth

Marc Aymon nous attend au centre-ville de Sion, sa guitare à la main. Une vieille Martin de 1938 achetée au Québec, qui «sonne comme une cathédrale», assure-t-il. Le chanteur rentre d’un séjour entre Bruxelles, Cologne et Düsseldorf, où il est allé puiser l’inspiration dans des musées. C’est lui qui a choisi le lieu de la rencontre: direction Saint-Luc et le décor alpin de l’hôtel Bella Tola, son point de chute quand il est en Suisse. «Je n’ai plus d’appartement. Juste un sac avec quelques affaires et mes guitares, dispersées chez des amis aux quatre coins de la Romandie», explique le Valaisan de 37 ans.

Mèche noire sur le front, rire généreux, Marc Aymon est du genre volubile, à parler avec les mains et à s’enflammer aussitôt qu’il se met à évoquer ses nombreux projets. En route, il raconte Glaneurs, le prochain, qui s’annonce prometteur: demander aux Romands de fouiller dans leurs greniers et vieilles malles aux trésors à la recherche de chansons, de textes familiaux, de poèmes et de carnets de chants du répertoire romand ancien. «L’idée est de demander aux gens de me confier leur patrimoine musical matériel et immatériel des 150 dernières années, jusqu’en 1970. De découvrir peut-être grâce à eux que leur grand-père était un immense artiste», explique le chanteur. Une fois récoltées, ces trouvailles seront réinterprétées de manière folk et moderne, du 5 au 20 décembre prochain.

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Une institutrice a confié à Marc Aymon ce vieux recueil romand de chants daté de 1894. Il tient aussi une ancienne photo de classe prise lors d’une leçon de chant à l’Asile des aveugles de Lausanne. Sedrik Nemeth

Enfermé dans une salle au milieu de toute une panoplie d’instruments et accompagné par deux musiciens, le chanteur valaisan découvrira les trésors qui lui auront été confiés et entamera avec ses acolytes un processus de création musicale en live. Ce happening sera filmé par trois caméras et retransmis en direct sur des écrans géants dans la salle des archives de l’Etat du Valais et dans l’auditorium du nouveau Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne. «Le public pourra s’asseoir sur un banc, mettre un casque pour entendre en direct le son des images et assister aux coulisses d’un processus créatif», s’enthousiasme Marc Aymon, qui explique ne rien vouloir diffuser sur internet ou les réseaux sociaux. «Je tiens à ce que les gens fassent la démarche de venir sur place, d’entrer dans les musées.»

Cette centaine d’heures d’enregistrements sera mise à disposition du public après le happening pour être consultée, de même que les documents qui n’auront pas été ouverts et qui intégreront la collection d’archives musicales Glaneurs.

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L’artiste aime séjourner au Bella Tola de Saint-Luc, dans le val d’Anniviers. C’est dans cet hôtel mythique fondé en 1859 qu’il a enregistré en grande partie son album «Ô bel été!». Sedrik Nemeth

Elan nostalgique?

Ce projet original s’inscrit dans la continuité d’«Ô bel été!», le livre-disque signé par Marc Aymon fin 2017 et vendu à plus de 12'000 exemplaires. Un recueil de 14 chansons du patrimoine suisse réinterprétées par l’artiste valaisan.

Un élan nostalgique? «Surtout pas. Ce qui m’intéresse dans ces projets, c’est la curiosité, de raviver une mémoire. Pas de me dire que c’était mieux avant.» Un album dédié aussi à Nicole, sa mère, décédée il y a trois ans d’une maladie fulgurante alors que le disque n’en était encore qu’à son stade embryonnaire. «Un jour, alors qu’elle était déjà hospitalisée, je lui ai chanté quelques titres tirés d’un carnet de chants de 1929. Quand je suis parti, elle m’a envoyé un petit mot pour me dire combien elle adorait ce projet.»

«Chanter pour elle»

Marc Aymon s’envole ensuite pour une tournée à l’étranger, encouragé par sa mère. Mais l’état de cette dernière s’aggrave plus vite que prévu. Le chanteur arrive en Suisse un jour trop tard. «On m’a appelé alors que j’étais dans le désert des Salinas Grandes, en Argentine. Cela a été très difficile de ne pas avoir pu lui dire au revoir. Cela m’a convaincu de réaliser "Ô bel été!". Chanter pour elle dans cet album, c’était choisir la vie. Ma mère m’a aidé dans cette aventure, je l’ai sentie extrêmement présente. Ce qui est beau, c’est que c’est un projet très solaire, très lumineux, qui lui ressemble beaucoup.»

Au départ, pourtant, cette fan de Leonard Cohen, au trait de crayon brillant («Je pense que c’était une grande artiste, je la vois encore dessiner à la perfection», se souvient Marc Aymon), ne fut pas la première à encourager son fils sur la voie artistique. «Elle me répétait: "Devenir chanteur, pourquoi pas, mais pourquoi toi?» se souvient le chanteur dans un sourire. Il raconte une enfance «très valaisanne», dans le petit village d’Icogne. Une famille de travailleurs, père poseur de sols, mère secrétaire, une sœur de deux ans son aînée. «Pas particulièrement passionnés de culture. A la maison, on ne parlait pas non plus vraiment de nos émotions.» D’une timidité «presque maladive» pendant l’enfance, il se rappelle s’être révélé pour la première fois sur scène, derrière un micro, au bal de fin d’année. «Avant cela, j’étais transparent. Cette expérience m’a permis de sortir avec la plus jolie fille du collège et de devenir le chanteur de l’école», s’amuse-t-il.

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Marc Aymon, âgé de 2 ans, en 1984, avec Nicole, sa mère. Décédée il y a trois ans, c’est pour elle que le chanteur valaisan a mené à bien son projet «Ô bel été!».

Première partie de Lou Reed

Formé en graphisme, scénographie et arts visuels à l’Ecole cantonale d’art du Valais, il enregistre son premier disque, «L’astronaute», en 2006. L’album plaît, le Paléo Festival l’invite, il assure la première partie de Lou Reed. «Je me suis alors mis à rêver de pouvoir vivre de ma musique.»

Son deuxième opus, «Un amandier en hiver», enregistré à Paris, sort en 2009. Marc Aymon a 27 ans. Après avoir expérimenté plusieurs petits jobs, peintre, graphiste, vendeur, stagiaire dans une garderie, il se lance un défi: traverser les Etats-Unis de New York à San Francisco avec 400 dollars en poche et sa guitare en guise de gagne-pain. «J’ai vagabondé pendant 86 jours, à loger chez des rednecks qui avaient l’Etat du Texas tatoué sur la peau et des dizaines de flingues dans leur chambre à coucher, j’ai fini chez des bluesmen fous, j’ai chanté dans un festival sadomaso où j’étais le seul mec habillé.» Un périple inoubliable qui aboutira à la création d’un troisième disque, toujours en français mais aux accents folks, intitulé «Marc Aymon», enregistré quelques mois plus tard à Nashville, dans le Tennessee.

«Doutes»

Suivra «D’une seule bouche», en 2015. «Cet album n’a pas fonctionné comme je le voulais. Je me suis alors mis à douter, à me demander s’il fallait que je poursuive dans ce métier.» Et puis est arrivé «Ô bel été!». Sacré double disque d’or, une tournée suisse, une internationale dans 21 pays, de la Roumanie à l’Iran, du Kenya au Liban, de l’Indonésie à l’Australie. «Un accident heureux», aime dire Marc Aymon. Le début d’une nouvelle quête musicale hors du temps qui perdure encore aujourd’hui.


PARTICIPEZ AU PROJET «GLANEURS»

Pour participer au projet «Glaneurs», déposez vos textes familiaux, poèmes, partitions, carnets de chants et autres trésors de votre patrimoine musical sur Notrehistoire.ch ou en mains propres, du 31 août au 21 septembre, au centre culturel Les Arsenaux, 
à Sion, et dans toutes les librairies Payot de Suisse romande.

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Infos sur www.glaneurs.ch


Par Jaquet Aurélie publié le 28 août 2019 - 08:52, modifié 18 janvier 2021 - 21:05