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Maria, les trois sorcières et la boîte aux merveilles

Il était une fois une jeune fille qui vivait dans un hameau isolé des Grisons. Elle s’appelait Maria et était fille unique. Alors qu'elle cueillait des fruits, un escalier de marbre noir apparut sous ses pieds, plongeant profondément sous terre...

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Denis Kormann

Maria aimait se promener seule dans la nature et les montagnes. Un jour, elle dit à sa mère qu’elle allait cueillir des fruits des bois pour en faire de la confiture. C’était l’été et la journée s’annonçait magnifique. Sa mère lui demanda de ne pas rentrer trop tard.

Maria quitta la maison avec un panier sous le bras. Laissant le petit village derrière elle, elle prit un chemin qui s’enfonçait dans la forêt et se mit à cueillir les fruits qui s’y trouvaient. Le temps filait vite. Son panier était presque plein lorsqu’elle aperçut au pied d’un arbre un ruban de soie rouge qui dépassait. Intriguée, elle saisit le ruban et tira.

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  Denis Kormann

La porte d’une trappe masquée par des feuilles et une épaisse couche d’aiguilles de mélèze se souleva, découvrant un escalier de marbre noir qui plongeait profondément sous terre. D’abord surprise, puis curieuse, Maria entreprit d’en descendre prudemment les marches pour savoir où il menait. Mais à peine avait-elle fait quelques pas que dans un grand fracas la trappe se referma juste au-dessus de sa tête.

Effrayée par le bruit, Maria fit un bond et manqua de tomber. Son cœur battait à tout rompre. A tâtons dans l’obscurité, elle tenta de rebrousser chemin, mais impossible de soulever la trappe.

Lorsque ses yeux s’habituèrent à l’obscurité, elle se rendit compte que de là où plongeait l’escalier lui parvenait une faible lueur. Malgré sa peur et n’ayant pas d’autre choix, Maria poursuivit son exploration. Elle déboucha bientôt dans une pièce sombre et silencieuse qu’éclairaient quelques bougies. Visiblement, il n’y avait personne. Alors, désemparée, elle pleura, songeant qu’il était déjà tard et que sa pauvre maman devait se faire du souci.

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  Denis Kormann

Soudain, Maria sursauta. On venait de soulever, puis de refermer brusquement la trappe. Elle entendit alors nettement des voix de femmes. Pétrifiée, Maria vit apparaître trois affreuses sorcières grimaçantes aux dents longues. La plus vieille était aussi la plus effrayante. Sèche et rabougrie, elle avait de grands yeux verts pareils à ceux d’un chat et des canines aussi pointues que des crocs. La pauvre Maria tremblait de peur, incapable de la regarder en face.

La vieille, en voyant Maria, s’exclama en prenant ses sœurs à témoin: «Oh! Mais quelle belle surprise! Regardez-moi le joli minois que voilà!» Les trois sorcières ricanèrent tout en jetant à Maria des regards pleins de convoitise.

La plus vieille s’approcha de Maria et, la saisissant fermement par le bras, lui annonça: «Alors, petite curieuse, on dirait que tu tombes à merveille, nous avions justement besoin d’une servante! Puisque la providence t’a menée jusqu’à nous, nous allons en profiter! Nous te garderons prisonnière ici et tu travailleras pour nous. Le matin, tu te lèveras la première et tu nous prépareras le déjeuner, après quoi tu feras les chambres, tu rangeras et nettoieras la maison. Dehors, tu t’occuperas du potager et du bétail. Il y a deux vaches à traire, un porc et des poules dont tu prendras également soin. Le poulailler devra lui aussi être entretenu! Nous avons horreur de ces maudites plumes qui ont l’art de se répandre partout! Pour finir, midi et soir, si nous sommes là, tu prépareras les repas. La nuit, tu logeras dans le petit réduit sous les escaliers, là-bas.»

Maria dut se mettre aussitôt au travail. Elle découvrit la maison faite de pièces en enfilade reliées par des escaliers et des passages sombres et étroits. Tout autour de la propriété, des parois de roche menaçantes et abruptes formaient une barrière infranchissable. Elle comprit vite qu’il lui serait impossible de s’échapper. Profitant d’un court moment d’inattention des sorcières, elle tenta en vain de soulever la trappe extérieure mais, là aussi, impossible de sortir.

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  Denis Kormann

Les jours passèrent. Maria obéissait sans rien oser dire, tâchant de tout faire au mieux pour éviter la colère des sorcières. Elle pensait avec angoisse à ses pauvres parents qui étaient sans nouvelles d’elle. Comme ils devaient être inquiets et désespérés! Tout le village devait être au courant de sa disparition. Sans doute que des recherches avaient été lancées pour la retrouver. Mais retenue ici prisonnière au cœur de la forêt dans cet endroit si difficile d’accès, il était certain que personne ne la trouverait et qu’on finirait par la considérer à jamais disparue.

Un jour, alors que Maria servait leur repas aux trois ogresses, la plus vieille lui annonça: «Cet après-midi, nous allons rendre visite à la tante aux six merveilles. Avant de sortir, nous allons prendre quatre sacs de riz dans la réserve et nous en verserons le contenu partout dans la maison. Pendant notre absence, tu devras tout ramasser. Tu as jusqu’à cinq heures. Si ce soir, à notre retour, tout n’est pas impeccable, si nous trouvons le moindre grain par terre, ou la moindre saleté dans le riz, nous te mangerons.» Sur ce, ricanant de leur mauvaise farce, les trois affreuses éparpillèrent le riz partout dans la maison, au sol, dans les escaliers, allant même jusqu’à en jeter dans les moindres recoins et dans les lits.

A peine avaient-elles refermé la trappe derrière elles que la pauvre Maria se mit à la tâche. S’activant tant qu’elle put, passant d’une pièce à l’autre, elle fit de son mieux pour tout ramasser. Mais le temps passait beaucoup trop vite. L’horloge au mur sonna bientôt quatre heures. Epuisée, elle se rendit compte qu’il lui serait impossible de venir à bout de cette épreuve titanesque. Genoux à terre, elle se mit à sangloter, désespérée.

Juste à ce moment-là apparut un jeune homme. Avec un sourire réconfortant, il s’adressa à Maria: «Bonjour, ma belle, n’aie pas peur! Je m’appelle Georg. Pourquoi pleures-tu ainsi? Est-ce parce que tu dois ramasser tout ce riz et que tu n’y arrives pas? Ne te fais pas de soucis. Je suis un peu magicien, et je connais bien les trois affreuses qui te gardent ici prisonnière. Je vais t’aider, mais d’abord, offre-moi à boire, s’il te plaît!» Maria s’exécuta sans plus attendre et revint avec un café accompagné de deux brioches.

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  Denis Kormann

Ayant mangé et bu, Georg sortit de sa veste une baguette en or, prononça une formule magique et frappa trois fois le sol de sa baguette. En un instant, tout ce qui restait de riz dans la maison disparut et les quatre sacs se trouvèrent ficelés et prêts à être rangés. Maria était folle de joie et remercia le jeune magicien. Mais il était bientôt cinq heures et ce dernier s’éclipsa rapidement afin de ne pas être surpris par les ogresses.

Les trois sœurs furent de retour à l’heure dite. Pour leur être agréable, Maria leur avait servi du café et à chacune une délicieuse brioche. La plus vieille lui demanda: «Alors, tu as ramassé tous les grains de riz? Nous pouvons examiner la maison?» Maria répondit: «Oui, vous pouvez vérifier! Vous ne trouverez plus un seul grain de riz dans la maison ailleurs que dans les sacs, j’ai tout ramassé.»

Les trois affreuses durent se rendre à l’évidence: tout était parfaitement en ordre. Malgré leur recherche méticuleuse, elles ne trouvèrent rien et durent admettre en grognant: «D’accord, c’est effectivement en ordre! Mais tu as sans doute eu de la chance.»

Le lendemain, il pleuvait à verse depuis le matin et tout était humide. La plus vieille des trois sœurs appela Maria et lui dit: «Cet après-midi, nous allons de nouveau rendre visite à la tante aux six merveilles. Cette fois, nous voulons que tu laves et repasses d’ici à cinq heures toute la lessive accumulée dans la grande cuve. Lorsque nous rentrerons, tout doit être propre, sec et soigneusement rangé dans les armoires.» – «Mais, rétorqua Maria, avec cette pluie et toute l’humidité, il me sera impossible de faire sécher la lessive!» – «Ça nous est égal, répondit la sorcière, tu n’as qu’à te débrouiller!»

Sur ce, les trois vilaines sortirent comme le jour d’avant. Aussitôt, Maria mit à chauffer de l’eau sur un grand feu et la versa dans la cuve. Mais cette dernière était grande et, pour la remplir, elle dut s’y prendre à plusieurs fois. Ensuite, elle mit à tremper tout le linge avant de le frotter à grands coups de savon. Puis, elle l’essora au mieux et le mit dans des seaux, faisant plusieurs allers-retours parce qu’il y en avait beaucoup. Elle monta la lessive au grenier pour l’étendre afin qu’elle puisse sécher. La tâche était épuisante, les seaux étaient lourds et elle avait de la peine à les porter. De plus, le toit percé en de nombreux endroits laissait passer la pluie à grosses gouttes à l’intérieur.

A la cuisine, l’horloge indiqua bientôt quatre heures et demie. Maria comprit que jamais elle ne réussirait cette nouvelle épreuve. A bout de forces, elle déposa les deux seaux qui lui blessaient les mains et se mit à sangloter toute seule debout dans la cuisine. De la lessive mouillée en grande quantité l’attendait dans la cuve. Soudain, elle entendit qu’on ouvrait la trappe. Quelqu’un descendait. Elle vit apparaître Georg.

Il s’approcha d’elle et lui demanda avec douceur: «Maria, ma belle, que se passe-t-il? Tu pleures de nouveau?» Elle lui expliqua entre deux sanglots la tâche impossible que les sorcières lui avaient imposée. Alors, comme le jour d’avant, Georg prononça une formule magique et frappa trois fois le sol avec sa baguette en or. Aussitôt, dans un grand souffle, toute la lessive fut séchée, pliée et soigneusement rangée dans les armoires.

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  Denis Kormann

Maria était soulagée et heureuse. Pour remercier Georg, elle lui servit un café et lui offrit deux madeleines. Il but et mangea. Puis, il expliqua à Maria: «Ecoute, demain, les trois vieilles vont t’envoyer chez la tante chercher la boîte aux six merveilles. Malheureusement, la tante est encore plus terrible et elle a des canines encore plus longues et plus pointues que les trois sœurs. Alors, si tu fais exactement ce que je te dis, tu n’auras rien à craindre et tu t’en sortiras. Ecoute bien! Quand elle t’ouvrira sa porte, tu ne devras pas avoir peur de ses crocs. Elle fera semblant d’être douce et gentille pour t’attirer à l’intérieur, mais tu diras que tu es pressée et tu resteras sur le pas de la porte. Alors, elle te proposera sûrement une pomme qu’elle descendra chercher à la cave. Tu en profiteras alors pour vite entrer dans la maison. Tu trouveras dans la première pièce la boîte aux six merveilles posée sur une étagère à ta droite. Prends-la et fuis le plus rapidement possible! Quand elle verra que tu es partie, la tante sera dans une colère terrible. Elle se lancera sans doute à ta poursuite. Alors, tu jetteras derrière toi l’œuf que je vais te donner. Attention, fais comme je te dis ou alors tu seras perdue!» Georg tendit à Maria un œuf qu’elle s’empressa de cacher dans la poche de son tablier, puis il quitta sans plus tarder la maison.

A cinq heures précises, les trois affreuses sœurs étaient de retour. Elles durent constater à contrecœur que la lessive avait été faite et rangée dans les armoires, ce qui les mit de fort mauvaise humeur.

Comme Georg l’avait prédit, le lendemain, l’aînée des sorcières appela une nouvelle fois Maria et lui dit: «Ce soir, tu vas aller chez la tante aux six merveilles. Tu lui présenteras nos salutations et tu lui demanderas la boîte aux six merveilles que tu nous ramèneras. Et attention, ne t’avise pas de rentrer chez toi ou de demander de l’aide à qui que ce soit, sinon nous te jetterons un sort!»

Maria alla prendre son manteau dans le réduit qui lui servait de chambre. Dans la poche, elle glissa discrètement l’œuf que Georg lui avait donné. Pour la première fois depuis des jours et des jours, elle se retrouva dehors, mais sans plus attendre, elle se dirigea vers la maison de la tante. Une fois arrivée chez elle, elle frappa à la porte. Dans son autre main, elle tenait bien soigneusement l’œuf caché dans sa poche.

La tante ouvrit. Maria eut un mouvement de recul. L’ogresse était encore plus laide et terrifiante que les trois sœurs. De sa bouche tordue jaillissaient des crocs semblables à ceux d’un fauve et dans son regard brillait un air méchant à glacer le sang. Pourtant, quand elle vit Maria, la vieille changea soudain d’expression et, avec un sourire et une voix mielleuse, elle s’exclama: «Oh! ma jolie, ma douce! Comme tu es charmante! Ce sont mes nièces qui t’envoient, c’est ça? Mais ne reste pas comme ça dehors, entre donc!» – «Pardon, mais non merci, répondit Maria. Je suis pressée. Je suis ici pour vous demander la boîte aux six merveilles que vos nièces m’ont priée de venir chercher.» – «Ah bon! fit la vieille. Attends-moi ici, je vais vite aller te chercher une pomme à la cave et après je te donnerai la boîte!»

La tante descendit alors à la cave et en profita pour aiguiser ses terribles crocs à la meule qui s’y trouvait. Maria, restée seule, entra rapidement dans la maison. Dans la première chambre, elle s’empara de la boîte aux six merveilles qui était bien sur l’étagère et aussitôt se précipita dehors pour fuir au plus vite. Maria entendit alors la tante qui était remontée lui crier: «Ne pars pas, fillette! Viens prendre la belle pomme que voici!»

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  Denis Kormann

Comme Maria n’en fit rien, courant de plus belle, la terrible ogresse se lança à sa poursuite. En quelques enjambées de sa foulée géante, elle rattrapa Maria. Au moment où elle s’apprêtait à la saisir par la robe, Maria sortit l’œuf de sa poche et le lança par terre. Instantanément, un lac apparut dans lequel la méchante tante fut précipitée. Cette dernière se débattait dans les eaux tourbillonnantes en criant sa rage. Pour l’empêcher de sortir du lac, Maria lui jeta des pierres. Elle finit par l’assommer et la tante sombra dans les flots.

Pendant ce temps, les trois sorcières s’étaient postées sur leur balcon de bois pour guetter la tante aux six merveilles. Elles étaient impatientes d’apprendre qu’elle avait bien dévoré Maria. Au lieu de cela, elles virent avec stupeur les eaux de ce lac surgir et s’approcher dangereusement de la maison.

Georg, quant à lui, s’était discrètement glissé sous le balcon sans se faire remarquer. Grâce à une scie en or qui ne faisait aucun bruit, il avait déjà scié trois des quatre piliers.

Quand les eaux furieuses du lac frappèrent les piliers, ceux-ci craquèrent. Dans un grand fracas, le balcon s’écroula, emportant les trois sorcières qui tombèrent dans l’eau. Chaque fois que l’une ou l’autre tentait de sortir la tête de l’eau, Georg et Maria, qui l’avait rejoint, leur lançaient des pierres. Soudain, dans le lac, là où les quatre ogresses s’étaient noyées, eut lieu une fantastique explosion qui projeta en l’air d’immenses gerbes d’eau. Un bruit terrible résonna dans toute la vallée.

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  Denis Kormann

Juste après, tout redevint calme. Les méchantes avaient disparu à jamais. Maria, enfin libre, retrouva sa famille et les habitants de son village, tous accourus sur les bords de ce nouveau lac. Soulagés et heureux, les pauvres parents serraient Maria dans leurs bras.

Des années plus tard, Maria et Georg, qui ne s’étaient plus quittés, prirent possession de la maison des sorcières qui était maintenant située sur la rive du nouveau lac. Grâce à sa magie, Georg la transforma et en fit une maison de rêve. Ensuite, ils invitèrent tous les habitants du village et de la vallée à venir célébrer leurs noces. La fête dura plusieurs jours.

Maria et Georg vécurent longtemps et eurent plusieurs enfants, auxquels ils racontèrent leur aventure, ainsi qu’à d’autres, qui ensuite firent de même. C’est ainsi que cette histoire, qui a beaucoup voyagé, est arrivée jusqu’à toi.


Par Denis Kormann publié le 1 août 2020 - 10:32, modifié 18 janvier 2021 - 21:12