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Marilyn Monroe et le photographe Milton H. Greene: la parenthèse enchantée

Milton H. Greene a réalisé de somptueux portraits de Marilyn. L'actrice était parfaitement à l'aise devant le photographe. Et pour cause, ce dernier l'a aidé à se réapproprier son image et à devenir un véritable symbole de l’émancipation féminine. Retour sur cette belle amitié artistique.

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Marilyn Monroe, Milton H. Greene

Milton H. Greene réalisera pas moins de 52 séances photo avec Marilyn Monroe. Ici, en mai 1954, ils posent ensemble dans un ranch à Laurel Canyon (Californie).

Milton H. Greene
Blaise Calame

En Europe, Milton H. Greene n’a pas le statut d’un Irving Penn ou d’un Richard Avedon. Pourtant, comme eux, il a contribué à élever la photo de mode au rang de discipline artistique. Et ses portraits de Marilyn Monroe sont somptueux. Ce déficit de notoriété est dû au fait qu’il a très peu publié. Une lacune étrange quand on sait que, dans les années 1950, il était le photographe le mieux payé de la presse américaine!

Milton H. Greene ne perce pas le mystère Monroe, mais il révèle Marilyn comme personne. «Aucune femme célèbre n’avait auparavant posé de manière aussi décomplexée, souligne, en 2018, la galerie londonienne Proud Central. Marilyn apparaît en symbole de l’émancipation féminine.» L’a-t-elle fait à dessein? En tout cas, Marilyn Monroe n’avait rien de la caricature de blonde nunuche (et bancable) dans laquelle Hollywood l’enfermait.

>> Lire aussi: Marilyn, toujours star des cœurs soixante ans après sa mort (éditorial)

«Beaucoup de photos ont été prises à l’improviste», explique Joshua Greene, l’un des deux fils du photographe décédé d’un lymphome en 1985, à 63 ans. Dans ces moments, Marilyn Monroe livre une part d’intimité qu’elle s’était toujours efforcée de préserver jusque-là. Sur certaines images, on croirait entendre son rire d’enfant.

Milton H. Greene rechigne à l’aborder en sex-symbol. Il capte son sex-appeal, bien sûr, mais, avec la complicité de Marilyn, il saura saisir sa vulnérabilité.

Ils se rencontrent en 1953 à Los Angeles lors d’une séance photo pour le magazine Look. Venu à la photographie à 14 ans, Milton H. Greene, qui a 31 ans, travaille déjà depuis dix ans, pour Vogue, Harper’s Bazaar, Life. Il a une excellente réputation. Premier contact. «Mais vous êtes un tout jeune gars!» lui lance Marilyn, qui a 26 ans. «Et vous une toute jeune femme», rétorque-t-il. Le courant passe. Milton H. Greene vient d’épouser Amy Franco, mannequin née à Cuba qui lui donnera deux garçons. Il ne fantasme pas sur la blonde platine.

Tel un grand frère attentionné, il lui tend la main. Marilyn se confie. Elle lui dit son envie de s’affranchir de la mainmise de la Fox. Elle a déjà tourné Les hommes préfèrent les blondes, Comment épouser un millionnaire? et rêve de proposer autre chose. Amy Greene, veuve du photographe aujourd’hui âgée de 92 ans, insiste: «Marilyn n’était pas une victime. C’était une jeune femme hypersensible et drôle, vivant pleinement le moment présent. Elle attendait beaucoup de la vie.»

Milton H. Greene la convainc de lui confier le contrat la liant à la 20th Century Fox, qu’il soumet à ses avocats new-yorkais. Marilyn attaque le studio en justice et l’emporte. Ayant repris le contrôle de son image, elle veut suivre les cours de Lee Strasberg à Manhattan. Milton lui propose de quitter L.A. pour s’installer dans sa ferme rénovée du Connecticut, près de New York. Elle va y séjourner de fin 1954 à l’été 1956. Pendant près d’un an, personne ne sait où elle est. Elle a sa propre chambre, son entrée à elle. Elle va et vient, débarquant parfois sans prévenir. La maison des Greene est son refuge.

En 1955, le tandem crée l’entreprise Marilyn Monroe Productions. Milton H. Greene devient son manager. Il la suit partout, sur les tournages, tel celui de Sept ans de réflexion, dans les soirées mondaines, chez d’autres stars. Il est le témoin de sa romance avec Brando, rencontré à l’Actors Studio, et les photographie, sans publier les images. «Elle lui faisait entièrement confiance. Elle savait qu’il ne la blesserait jamais et, en effet, il l’a toujours protégée», insiste encore sa veuve.

«Il l’a rendue heureuse, poursuit-elle. Grâce à lui, elle s’est fait des amis. A L.A., elle n’en avait pas.» En partageant la vie de cette famille aimante, Zelda Zonk – le pseudo qu’elle donnait dans les hôtels ou pour voyager – se découvre. A Hollywood, elle vivait recluse. Chez les Greene, la voici elle-même.

«Avec le soutien des bonnes personnes, elle a pu briser ses chaînes […]. Marilyn aspirait à la liberté. C’était son combat», explique Joshua Greene. Son père l’avait bien compris. Il n’a pas cherché à en tirer profit, lui a donné une famille. «Elle restait assise pendant des heures à lire ou à écouter des disques de jazz, poursuit-il. Marilyn était une femme qui préférait les mocassins aux talons hauts et adorait les mets simples, du genre salade de pommes de terre et poulet frit.»

La parenthèse enchantée s’achèvera brusquement après le mariage avec Arthur Miller – les dernières images de Marilyn par Milton H. Greene. Jaloux de leur amitié, l’écrivain va les éloigner l’un de l’autre. «Rien n’aurait dû les séparer, affirme la veuve du photographe. Moi, j’ai été assez intelligente pour le voir. Arthur Miller, lui, ne l’a pas compris.» Brisant un silence de cinq ans, Milton rappellera Marilyn un mois avant son suicide. Il apprendra sa mort par la radio, à Paris. Sidéré.

Par Blaise Calame publié le 30 juillet 2022 - 08:30, modifié 2 août 2022 - 11:50