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Melchior Best: «Je cherche à sortir des cases»

Lauréat du Prix Töpffer de la jeune bande dessinée, Melchior Best mêle dessins et poésie dans une quête qui passe par les pérégrinations.

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Né et ayant grandi à Genève, Melchior Best, 24 ans, poursuit actuellement ses études.

Il est aussi réservé que son nom claque. Sans doute Melchior Best préférerait-il que nous contemplions en silence les dessins accrochés aux murs de la Galerie Papiers Gras, à deux pas de l’île Rousseau. Il en parle à voix ténue, avec des mots qu’on a l’impression de lui arracher. Heureusement, il peut compter sur le galeriste, libraire et éditeur Roland Margueron, infatigable promoteur de la scène dessinée genevoise. «Melchior, c’est un tout bon, il va aller très loin, salue-t-il. Loin de toute superficialité, il trace son chemin, dans la lignée genevoise des gens qui se promènent, de Rousseau à Nicolas Bouvier.»
«Et puis, il y a une unité très intéressante entre son dessin et sa poésie», poursuit Roland Margueron en invoquant Arthur Rimbaud. Car les dessins du Genevois de 24 ans sont indissociables de ses textes, reproduits en cursive, qu’ils accompagnent et amènent. «Il n’y a pas de raccourcis mais des détours, des contours, des traversées, jusqu’au centre», écrit-il dans Au creux de la paume, son travail de diplôme de l’Ecole supérieure de bande dessinée et d’illustration (ESBDI) qui lui a valu de recevoir le Prix Töpffer de la jeune bande dessinée en décembre dernier. De l’ESBDI, il salue la «super dynamique», évoque les interventions du dessinateur français David Prudhomme. «C’est quelqu’un qui donne envie de continuer à dessiner, avec une bonne énergie. Je lui dois beaucoup.»
L’influence d’écrivains voyageurs et notamment du tutélaire Nicolas Bouvier est déterminante. En 2016, alors scolarisé au collège Claparède, Melchior Best reçoit une bourse des Prix des Voyages extraordinaires de la Fondation Lombard Odier, destinés à «permettre aux jeunes générations de partir à la rencontre de nouvelles personnes et d’autres cultures». De quoi marcher deux mois, sac au dos, sur le chemin du pèlerinage de Shikoku au Japon. «Ce soir, tambours sur la route qui serpente dedans la montagne. Matsuri. Chars géants aux mille lanternes portés par une trentaine d’hommes. C’est la fête et le jeune pèlerin étranger que je suis y est convié. Avant les bouches, c’est les mains qui parlent. Nourriture, cadeaux et boisson. Pas de questions», écrit-il à l’automne 2016.

Dessins et écrits ne vont pas l’un sans l’autre. Les premiers amènent les seconds, dans ce que Melchior Best nomme «une poésie graphique». Le texte, qui donne une linéarité à l’ensemble, il le voit «comme une lettre adressée à quelqu’un». Utilise d’ailleurs le «tu». «Le dehors est ton manteau, cousu de chemins, transparent, léger», écrit-il. Ses déambulations, intérieures comme physiques, ce collectionneur de cartes les offre au lecteur spectateur. «Rien n’est explicite, le lecteur devient co-créateur.» Par les mots et les dessins, il rend également hommage aux artistes qui l’ont inspiré. Ce bébé emmailloté sur une planche, c’est Le nouveau-né, chef-d’œuvre de Georges de La Tour (1593-1652). Autre grande influence, la dessinatrice et plasticienne belge Dominique Goblet – lauréate du Grand Prix Töpffer en 2019. «Je fonctionne beaucoup avec les références», glisse-t-il en évoquant l’Ecossais Kenneth White et sa «géopoétique», néologisme que l’un et l’autre nous pardonneront de définir très sommairement par l’idée d’un art poétique qui explore la géographie du monde.
«Je trouve intéressant de questionner les idées reçues sur la bande dessinée. J’essaie de chercher des choses pour sortir des cases, de la linéarité du récit», résume-t-il pour expliquer sa démarche. Cet été, il aura carte blanche, avec Audrey Ramos Hinostroza et Fabian Menor (voir pages 18-21), pour organiser à la Galerie Papiers Gras des événements avec la jeune génération sortie des écoles ou encore à la Haute Ecole d’art et de design (HEAD), où lui-même étudie la communication visuelle. Il poursuivra sa quête, encouragé par le prix qui a validé «le côté poétique que certains pourraient trouver gnangnan. Cela donne le courage de se dire: je continue.»


«Au creux de la paume», édité par l’Association genevoise pour la promotion de l’illustration et de la bande dessinée (AGPI). Exposition jusqu’au 12 juin à la Galerie Papiers Gras, place de l’Ile 1, Genève, www.papiers-gras.com

Par Albertine Bourget publié le 8 juin 2021 - 09:09