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Témoignage

Natacha Koutchoumov: «Mon fils atteint d'autisme a subi des maltraitances»

Ce n’est pas Natacha Koutchoumov la codirectrice de la Comédie de Genève qui s’exprime ici, mais une mère révoltée et en colère, qui veut dénoncer l’enfer qu’a vécu son fils Elias, 14 ans, atteint d’autisme, dans le foyer de Mancy à Genève.

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autisme Genève Elias Koutchoumov

Après avoir constaté des signes de maltraitances, Natacha Koutchoumov a repris son fils à la maison. Aujourd’hui, Elias vit avec sa mère, son beau-père et son frère cadet.

DR , Niels Ackermann / Lundi 13
Patrick Baumann

Un récent article du Temps mettait en lumière les dysfonctionnements touchant un établissement genevois accueillant des jeunes de 8 à 18 ans avec autisme ou déficiences intellectuelles. C’est dans ce foyer que résidait le fils de Natacha Koutchoumov entre 2018 et 2020. L’enfant, qui est atteint d’un autisme sévère et communique difficilement, a été privé de prise en charge adaptée. Faute d’une structure adéquate, il a gravement régressé et a fini affublé d’un casque de rugby et d’un drap-housse de contention pour limiter les conséquences des coups qu’il se portait. Plus grave encore, des signes de maltraitances sur lui ont été constatés, qui seront confirmées par la direction et pour lesquelles sa mère va déposer plainte. Après avoir alerté les autorités sur cette situation catastrophique, la maman d’Elias a décidé de témoigner pour que cela ne se reproduise jamais. Celle qui est aussi la présidente d’Autisme Genève appelle à un état des lieux sur l’autisme. A réaliser en urgence!

- Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui?
- Natacha Koutchoumov: Je suis en colère, dans ma tête cela tourne en boucle. Je veux raconter notre histoire pour que la souffrance de mon fils puisse servir à tous ces parents qui n’ont pas les mêmes ressources que moi. Je veux révéler cette situation catastrophique, faire comprendre qu’en 2021 avoir un enfant diagnostiqué autiste reste une catastrophe à Genève. Malgré les améliorations, il est encore possible pour un enfant de vivre ce qu’Elias a vécu et ce que j’ai traversé. Mon but, en acceptant de témoigner aujourd’hui, n’est pas de démolir les institutions, mais de sensibiliser la population, les autorités, pour que ce qu’a subi mon fils ne se reproduise jamais. Et que les droits de l’enfant soient respectés!

>> Lire aussi: Regarder l’autisme dans les yeux (éditorial)

- Parlez-nous d’Elias…
- Il est né le 27 septembre 2007. Les premiers signes d’autisme sont apparus vers l’âge de 2 ans. Il souffre d’un autisme sévère, son accès au langage est limité. Il a été pris en charge de 3 à 7 ans dans un centre privé à Gland pratiquant l’ABA (une thérapie comportementale), je faisais l’aller-retour tous les jours. Puis il a fréquenté l’école publique spécialisée à Genève, où il va toujours. En 2018, je cherchais un endroit structuré pour lui et le directeur de l’Office médico-pédagogique (OMP) de l’époque, un célèbre spécialiste de l’autisme, m’a proposé le foyer de Mancy, à Collonge-Bellerive. Le bâtiment était vétuste et peu adapté, mais on m’a assuré qu’il y aurait des travaux et que cela allait se développer de manière structurée. J’avais mon enfant à la maison et nous pensions que des professionnels pourraient l’aider à progresser, nous étions aussi épuisés. Lui donner un cadre structuré me semblait une bonne solution. Je crois au service public, je dirige moi-même une institution du service public, je fais confiance. Et trouver un lieu qui accueille votre enfant quand on a déjà derrière soi dix ans de nuits blanches, de difficultés, c’est un soulagement. Au début, il y avait peu d’enfants, ça marchait plutôt bien. Puis la situation s’est dégradée.

«Malgré leur professionnalisme, les équipes éducatives et soignantes étaient dépassées», Natacha Koutchoumov

- C’est-à-dire?
- Ce foyer n’était pas adapté, ni aux normes pour des enfants comme Elias, et pour n’importe quel enfant, d’ailleurs. Pas de salon digne de ce nom, de canapé – c’est la mère d’une infirmière qui a fait don de vieux meubles –, une chaleur insupportable l’été... Mais surtout, pas de projet de prise en charge structurée, ce qui est criminel pour des enfants autistes, une absence inexplicable de psychomotriciens, d’ergothérapeutes, d’un médecin permanent, et une équipe dévouée mais dangereusement surmenée et sans ligne directrice éducative et thérapeutique. Une honte! A cause du manque de personnel, les enfants végétaient abominablement. En été, la pataugeoire qui servait de piscine restait inutilisée faute de surveillant ayant un brevet de natation. La présence d’amiante dans les murs faisait qu’on ne pouvait pas accrocher le moindre dessin. On avait le sentiment d’être dans une institution des pays de l’Est. Les enfants autistes ont besoin d’un décor rassurant, de murs blancs, que la température soit toujours stable, car tout peut être source de crise.

Les équipes éducatives et soignantes, malgré tout leur professionnalisme, leur gentillesse (j’aimerais ajouter qu’il y a eu de belles personnes sur le chemin d’Elias qui ont tout fait, jusqu’à se ruiner la santé, pour essayer d’améliorer la situation) se déclaraient dépassées. Elias passait ses journées à se frapper et à hurler sans aucune stimulation. Le haut de son corps était enserré dans un drap-housse pour le contenir 24 heures sur 24 et on lui mettait un casque de rugby jour et nuit pour amortir ses coups. On est même allé jusqu’à me faire signer une autorisation d’attacher mon fils à une table munie de sangles sans véritable projet de sortie de crise, on installe une salle capitonnée… l’inverse de tout ce qui est préconisé pour les troubles du comportement. Dès mars 2019, il a été hospitalisé et opéré trois fois par semaine avec anesthésie générale, pendant des mois, à chaque fois à cause de ses plaies qui s’étaient infectées. Des blessures qui auraient pu être évitées avec un encadrement adapté. Il était seul dans sa détresse à hurler à la mort. Puis on le remettait au foyer, il se mutilait de nouveau...

autisme koutchoumov foyer Genève

Vue intérieure du foyer. Natacha Koutchoumov dénonçait une institution qui ressemble à celles des pays de l’Est. Non stimulé, Elias se frappait sans arrêt, comme en témoignent ses marques au visage.

DR

- Qu’avez-vous fait?
- J’ai écrit une lettre en juillet 2019 à Mme Torracinta, conseillère d’Etat responsable du Département de l’instruction publique. La lettre détaillait l’ensemble de la situation. Je lui précisais que ce n’était pas une attaque, mais un cri d’alarme. Les enfants, laissés dans cette situation d’abandon, devenaient très violents. Les équipes étaient, on le comprend, en craquage total.

- On vous a répondu?
- Un coup de fil pour m’expliquer qu’on ne pouvait pas mettre la climatisation dans le bâtiment parce que ce n’était pas écologique. Finalement, elle sera installée dans le «salon» et dans la chambre de mon fils. Mais j’ai découvert plus tard qu’il était le seul à avoir bénéficié de cette mesure, certainement parce que j’avais protesté. Cela m’a beaucoup choquée. Certains de ces enfants étaient orphelins, n’avaient pas de parents, personne pour crier à leur place. J’ai été aussi écœurée d’apprendre par les éducateurs que j’étais la seule maman qui avait le droit d’entrer dans le bâtiment et de décorer la chambre de son fils. Par la suite, il y a eu certes quelques améliorations: une intervenante de l’OMP a acheté des meubles Micasa pour tenter vainement d’égayer le salon, on a augmenté le personnel, utilisé enfin des pictogrammes pour la structuration du temps, très importante chez les personnes autistes, mais malheureusement la situation n’a guère évolué. Elias était toujours affublé de ce drap-housse, qu’il portait en permanence depuis deux ans. Aucun système de sécurité, certains jeunes très violents faute d’accompagnement suffisant, d’autres qui se mutilent et une équipe au bord du burn-out! Comment voulez-vous gérer en même temps un gamin qui démolit une fenêtre, un autre qui fugue et le troisième qui se montre agressif pour communiquer? La situation, faute de cadre et de véritable projet institutionnel, était hors de contrôle. J’ai écrit une nouvelle lettre à la direction, où je prédisais qu’il allait y avoir de nombreux arrêts maladie au sein du personnel. C’est ce qui s’est passé. Ensuite, ça a été le festival des remplaçants qui n’étaient pas formés à l’autisme. Une catastrophe si l’on pense que ces enfants ont d’autant plus besoin de rituels immuables, de régularité, de voir toujours les mêmes visages. D’après ce que je sais, c’est toujours le cas aujourd’hui.

- Mais vous acceptiez que votre fils soit maintenu par un drap-housse et affublé d’un casque de rugby en permanence?
- Mais je n’avais aucun plan B à Genève, aucune structure possible pour mon fils! Comment ne pas accepter? Pour éviter qu’il ne se blesse, oui, car il se frappait tellement dès qu’on le lui enlevait qu’il en arrivait à se défigurer; et faute d’avoir des spécialistes sur place qui savent comment éviter ces comportements… On est bien d’accord que c’est le niveau zéro de la prise en charge, l’âge de pierre. Mais je n’imaginais pas que cette mesure durerait au-delà de quelques mois, je pensais qu’une stratégie de sortie de crise allait se mettre en place pour l’aider à progresser. Rien ne s’est passé, il a de nouveau été hospitalisé pour ses blessures. Quand je l’ai repris à la maison, il avait besoin de ce drap, qui était devenu pour lui rassurant à force de le porter. Aujourd’hui, petit à petit, il arrive à s’en passer. A l’époque, les mutilations suivies d’une hospitalisation ont continué. A chaque fois, Elias restait des mois à l’hôpital, c’était un vrai cauchemar! J’ai été reçue plusieurs fois par la directrice de l’OMP. Elle était consciente du problème, elle expliquait avoir hérité d’une situation difficilement gérable. Ce serait un peu facile aujourd’hui de lui mettre sur le dos la responsabilité totale de cette catastrophe alors que c’est toute la prise en charge des enfants autistes qu’il faut revoir dans le canton. Tout le monde se refile la patate chaude; en attendant, des gamins dans un état déplorable restent sur le carreau. Mais c’est toute la société, le contribuable qui paie ensuite pour récupérer ces gamins qui auraient pu développer de magnifiques compétences.

A gauche, un lit avec des sangles. A droite le petit Elias contenu dans son drap

A droite, Elias à l’hôpital pendant une visite de ses parents. Il porte un drap de contention et un bonnet en coton en permanence avec un casque antibruit. Faute d’une prise en charge adéquate dans son foyer, il se repliait encore plus sur lui-même. A gauche, un lit avec sangles était prévu dans l’enceinte du foyer.

DR

- Que s’est-il passé finalement pour que vous repreniez Elias à la maison en août 2020?
- Mon fils cadet, Teofil, avait besoin de vacances, ainsi que mon mari, qui est le beau-père d’Elias mais s’en occupe comme de son fils. On m’a assuré que pendant nos dix jours d’absence Elias serait bien pris en charge jour et nuit, qu’il était plus calme, que tout irait bien. Nous l’avons pris à la maison à notre retour. La première nuit, il s’est réveillé à 4 heures du matin. Je veux le ramener dans son lit mais il file au bout du couloir, visiblement terrifié. Il se met soudain en boule au sol, comme un animal craintif, les bras autour de sa tête en signe de protection en poussant de petits cris plaintifs. J’avais la boule au ventre. Pour moi, c’était évident, Elias avait été battu. Il ne pouvait pas inventer une scène pareille, il réagissait d’instinct. Il tremblait encore quand je l’ai remis au lit. J’ai appelé dès le lendemain une fonctionnaire de l’OMP, très au fait de la situation du foyer. Elle est venue à la maison, je lui ai mimé la scène, lui certifiant que mon fils n’avait pas pu inventer ça. J’étais moi-même dans un état indescriptible, c’était insupportable d’imaginer que mon fils avait été battu. A partir de ce jour, Elias n’est jamais retourné au foyer.

- Une enquête a-t-elle été ordonnée?
- On m’a assuré que oui. Par la suite, une nouvelle directrice a été nommée au foyer, qui a été remerciée depuis. J’ai appris par un téléphone de la directrice de l’OMP qu’Elias a effectivement subi des maltraitances, qu’il avait été enfermé durant des nuits entières privé de nourriture comme punition. Il était déjà anorexique et rachitique (il a pris 15 kilos depuis qu’il est à la maison), alimenté par des compléments alimentaires car ses crises d’angoisse l’empêchaient de se nourrir normalement, et j’apprenais que les rares fois où il voulait manger, comme il poussait des cris, on le punissait en le privant de nourriture et en l’enfermant. J’ai cru m’évanouir.

A l’heure actuelle, je n’ai toujours pas eu le moindre rapport d’enquête. On me lance ces informations traumatisantes et on me laisse en plan. Je ne peux même pas aider mon fils dans son traumatisme. A chaque fois, on me répond que c’est plus compliqué que je ne le pense. Qu’on me tiendra au courant. On ne m’a jamais rappelée. Si l’on songe qu’une simple gifle donnée à l’école à un enfant dit normal suscite, à raison, un article dans la presse… Mais là, mon enfant vit des horreurs, il est traumatisé et rien! Les enfants autistes ne peuvent pas parler et raconter ce qui se passe à l’abri des regards. Il n’y avait jamais de rapport d’incident au foyer, c’était le grand flou, on ne savait jamais qui faisait quoi. J’ai appris qu’un infirmier avait pété un plomb avec un adolescent. Il a été simplement déplacé, mais je ne pense pas que ce soit lui qui s’en est pris à Elias. Mes soupçons se portent sur une autre personne.

- Vous allez porter plainte?
- Evidemment! On frôle la barbarie, en tant que société, quand on dénie à un enfant différent ses droits les plus élémentaires. Je demande dédommagement et réparation pour Elias. Si je témoigne aujourd’hui et que j’accepte de publier des photos de mon enfant en pleine souffrance, c’est parce qu’on ne peut pas s’imaginer ce qu’il a vécu sans elles.

- Vous codirigez la Comédie de Genève. Comment faites-vous pour gérer tout ça?
J’ai des ressources, je sais prendre soin de moi pour gérer stress et émotions.

- Comment va Elias aujourd’hui?
- Beaucoup mieux. C’est le jour et la nuit. Certes, j’ai récupéré un enfant qui, en plus de souffrir d’un autisme sévère, a été traumatisé. Il a fallu le veiller en permanence la nuit, dormir avec lui pour le rassurer. J’ai aussi remarqué qu’il avait un strabisme, je ne pouvais pas savoir si c’était la conséquence du fait qu’on l’avait laissé se taper la tête contre les murs pendant des nuits entières, d’après les dires de la direction de l’OMP. «Vous devriez faire un scanner», m’a-t-on conseillé, alors qu’on m’informait de cela des mois après! Comment pouvais-je savoir s’il ne parle pas? Aujourd’hui, je veux connaître toute la vérité.

Koutchoumov autisme famille

Natacha Koutchoumov a repris son fils à la maison. Aujourd’hui, Elias vit avec sa mère, son beau-père et son frère cadet. 

Niels Ackermann / Lundi 13

- Il va à l’école?
- Il va toujours dans une école spécialisée proche de ce foyer. Là aussi, les locaux sont vétustes et peu adaptés, mais l’équipe pédagogique est en revanche vraiment formidable. Mais c’est surtout une véritable prise en charge coordonnée entre maison et école qui l’a sorti de l’enfer. J’ai trouvé une médecin spécialiste de l’autisme à Lausanne qui a enfin trouvé une médication (en partie alternative). Le cocktail fonctionne bien et l’a stabilisé depuis des mois. J’ai besoin d’une équipe de six personnes à domicile qui se relaient jour et nuit pour permettre son maintien à la maison et tout cela a aussi un coût, que l’AI est loin de couvrir correctement.

- Que répondez-vous lorsqu’on vous dit que votre fils est un cas très lourd?
- C’est un argument que j’ai souvent entendu. Imaginez, vous avez un enfant atteint d’un cancer et on vous dit qu’on ne va pas lui faire une chimiothérapie mais lui donner une tisane car c’est un cas très grave. Vous hurleriez! Au contraire, plus c’est grave, plus il faut agir vite, se donner les moyens d’avoir le meilleur spécialiste du monde!

- Vous êtes la présidente d’Autisme Genève depuis peu. Pourquoi avoir accepté ce poste?
- Quand on aide une personne autiste à communiquer et qu’on l’intègre avec sa différence, les troubles du comportement s’améliorent et disparaissent même. Le cas d’Elias est le symptôme de toutes les défaillances du système. Quel que soit le niveau de son autisme, une personne n’est assurée ni d’un accompagnement idéal ni de sa sécurité physique et psychique à Genève. Il faut intensifier la formation. J’ai encore des liens avec des éducateurs exceptionnels qui ne demandent qu’à être formés et à faire partie d’un véritable concept adapté. Un état des lieux global de l’autisme est nécessaire et urgent à Genève. Je rêve qu’on parle de Genève comme de la ville bleue, la couleur de l’autisme, une ville à la pointe de la prise en charge des enfants, mais aussi des adultes et des vieillards, car on reste autiste toute sa vie. Aujourd’hui, c’est vraiment loin d’être le cas. Mon cri est à la fois un cri de désespoir face à l’horreur que je dénonce mais aussi d’espoir pour que les choses s’améliorent.

 

«Des mesures ont été immédiatement mises en œuvre»

Interpellé sur les dysfonctionnements au sein du foyer de Mancy, Pierre-Antoine Preti, secrétaire général adjoint du Département de l’instruction publique, nous répond.

- Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour alléger la souffrance des jeunes handicapés, qui s’apparente, selon le témoignage que nous publions, à de la maltraitance?
- Pierre-Antoine Preti: Il n’est pas question de maltraitance, mais de difficultés importantes de prise en charge d’enfants avec des troubles sévères. Par ailleurs, des mesures ont immédiatement été mises en œuvre dès que nous avons eu connaissance des difficultés que nous rencontrions à assurer une prise en charge optimale pour ces enfants dans ce foyer: nouvel accompagnement de l’équipe, par des membres de la direction, par un professionnel spécialisé en autisme, investissements dans les locaux, le mobilier et l’équipement, très important pour ces enfants. Un audit a été mis en place par un organisme externe pour obtenir une évaluation objective de la situation. La direction a changé. Le nouveau directeur du secteur dont dépend ce foyer bénéficie d’une solide expérience du domaine. Il travaille actuellement avec les professionnels au perfectionnement de la prise en charge. Son action a d’ores et déjà permis de résoudre les principaux écueils encore existants.

- Genève doit-il rougir par rapport à d’autres cantons en matière de prise en charge de l’autisme?
Absolument pas. L’Office médico-pédagogique, en partenariat avec la Fondation Pôle Autisme, est depuis plusieurs années un centre d’expertise dans le domaine des troubles de l’autisme. Par ailleurs, Genève a investi ces dernières années des moyens importants pour répondre aux besoins de ces enfants et de leurs familles. Il faut réaliser que la demande a explosé depuis cinq à dix ans, au niveau des structures tant scolaires que résidentielles. L’Office médico-pédagogique a créé notamment 18 places dans deux foyers, et nous développons aussi des mesures de soutien parental à domicile. Le canton met également à disposition de nombreuses structures qui fonctionnent à la satisfaction des familles des enfants atteints d’autisme, que ce soient nos écoles de pédagogie spécialisée et classes intégrées, notre autre foyer d’hébergement, des centres de consultation spécialisés, des unités de prise en charge précoce et intensive qui proposent vingt heures de thérapie hebdomadaires durant deux ans pour des enfants d’âge préscolaire, ainsi qu’une unité d’accompagnement à l’entrée en scolarité qui suit sur deux ans et de manière dégressive les enfants. Ces deux derniers dispositifs permettent aux enfants atteints d’autisme d’être scolarisés en enseignement régulier, avec un taux de réussite estimé à 75%. Notre savoir-faire nous permet de prendre en charge, depuis longtemps, des centaines d’enfants atteints d’autisme dans plusieurs dizaines de structures, notamment dans 21 écoles, 14 classes et deux foyers qui leur sont dédiés.

 

«La prise en charge de l’autisme relève encore du bricolage»

Elvira David Coppex dirige Autisme Genève, une association qui regroupe près de 700 membres. Elle est elle-même maman d’un enfant atteint de ce trouble.

«Comment un tel fiasco a-t-il été possible?» se demande la directrice à propos du cas d’Elias, ce d’autant plus qu’il existe un autre foyer du même type à Genève qui fonctionne plutôt bien. «Nous avons accompagné une autre maman, dont l’enfant était placé dans le même foyer qu’Elias, qui vivait une situation problématique. On croit que tout va bien à Genève du fait de sa situation financière, mais je continue à être stupéfaite après des années à rencontrer des professionnels et des parents qui me font part de leur désarroi. La prise en charge de l’autisme relève encore du bricolage alors qu’il faudrait avoir beaucoup plus d’anticipation.» L’association, qui aimerait être un interlocuteur de référence pour les institutions, travaille sur plusieurs pistes: un état des lieux en matière d’autisme qui passerait par la visite de tous les organismes qui reçoivent des personnes touchées par ce handicap – que ce soit dans le domaine privé ou public – et, surtout, développer de toute urgence des formations spécialisées pour les enseignants, assistants sociaux et éducateurs spécialisés. Elvira David-Coppex insiste aussi sur le suivi nécessaire des professionnels pour continuer à les soutenir.

«L’OMP (Office médico-pédagogique) a toujours refusé nos propositions, arguant du fait que tout allait bien. Il serait peut-être temps de changer. Nous ne voulons pas taper sur les institutions mais leur proposer d’être une ressource. Nos groupes d’habileté sociale sont très fréquentés, ils permettent aux enfants autistes, encadrés par deux psychologues, d’apprendre les conventions, les règles de la société, du vivre-ensemble, écouter l’autre, quelque chose qui se développe naturellement chez les enfants non autistes. Il faudrait l’offrir à plus large échelle. C’est important de comprendre les clés qui leur manquent pour les aider à progresser et éviter de nouveaux drames.»

>> Vers le site de l'association Autisme Genève

 

 

Par Patrick Baumann publié le 14 octobre 2021 - 08:53