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Rencontre

La nouvelle vie d’Yvan Perrin

Nouveau look, nouveau(x) job(s), nouveaux projets, nouvelle compagne. Après quatre ans d’errance et de souffrance, Yvan Perrin a retrouvé goût 
à la vie. A 51  ans, l’ex-ténor romand de l’UDC n’exclut rien, même, pourquoi pas, un retour en politique. Confidences.

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Julie de Tribolet

 

Perrin is back. Yvan Perrin IV, le retour. Les titres de la saga du plus célèbre citoyen de La Côte-aux-Fées, 450 habitants, 1041 m d’altitude, plus haut village du Val-de-Travers, ne manquent pas. Reste à savoir s’ils doivent être assortis d’un point d’interrogation ou pas. Après deux heures passées sur le gril de L’illustré, le dernier doute est levé. Perrin is back! L’homme a retrouvé son regard clair, ses petites phrases qui font mouche et rit souvent dans sa barbe, qu’il a malicieusement coupée un poil peu avant notre visite. De retour d’enfer, où il a côtoyé la mort, il nous dit tout de ce long «voyage dans les abîmes», de sa nouvelle vie et de ses projets. Avec cette sincérité parfois décoiffante qui le rend si attachant et si populaire. Paroles d’un homme qui parle cash.

Yvan Perrin, êtes-vous guéri?

Presque. Quand j’aurai perdu les 15 kilos qui me séparent de mon poids d’avant, je pourrai définitivement ranger cette période de ma vie au rayon des très, très mauvais souvenirs.

Plus de traitement psychiatrique, plus d’antidépresseurs?

Non. Juste un somnifère quotidien, histoire d’écarter tout risque de réenclencher le processus infernal dans lequel le manque de sommeil m’avait plongé.

Plus d’addiction à l’alcool non plus?

Non plus. En retrouvant mon équilibre, la nécessité de boire a disparu. Je ne me suis d’ailleurs jamais senti dans la peau d’un alcoolique qui, dès qu’il boit un verre, ne peut plus s’arrêter. On m’a longtemps soigné pour ma prétendue addiction à l’alcool alors que c’est le manque de sommeil qui me maintenait dans cette spirale infernale.

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Après des années de galère, le Neuchâtelois a enfin retrouvé le sourire et la joie de vivre. «Plus rien de barbant», plaisante-t-il. Tout un symbole...  Julie de Tribolet

Vous avez retrouvé une vie normale, si l’on peut dire?

Disons que je la reconstruis peu à peu. Une aussi longue période d’errance ne s’efface pas du jour au lendemain. Je me suis remis au vélo, je renoue avec la vie sociale. Je fais chaque matin la revue de presse avec les copains au bistrot, je suis allé au Paléo pour la première fois de ma vie, à la Fête de lutte, à la Fête du goût en Valais. Je revis, en somme, tout simplement.

Un programme qui sent l’organisation féminine?

C’est vrai, j’ai une nouvelle compagne. Nous nous connaissons depuis plusieurs années, mais nous nous fréquentons depuis le début de l’année. Nous nous voyons surtout le week-end.

On peut en savoir un peu plus?

Non, c’est un peu prématuré. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elle est Valaisanne et un peu plus jeune que moi (ndlr: il a 51 ans). Du sérieux? Je l’espère, oui. Il est bon de pouvoir compter sur une personne de confiance, qui vous soutient. Elle me décoince, si je puis dire, elle me sort de ma zone de confort.

De quoi vivez-vous désormais?

Je vivote chichement de mes nouvelles activités. Ma société de sécurité peinant à décoller, je rédige des discours et des argumentaires pour quelques clients, d’anciens collègues du Parlement fédéral notamment. Je développe également une activité de sparring-partner au service d’entreprises ou de privés désirant se former à l’art du débat et de la contradiction. Je joue le rôle de la personne de mauvaise foi ou du type qui pose les questions qui fâchent dans des exercices de simulation. Après quoi, on débriefe et j’apporte mes conseils.

Et ça marche?

Ça commence. Ce n’est pas comme ça que je vais m’offrir quinze jours aux Maldives, ni enrichir le Service des contributions, mais cela me permet de nouer les deux bouts.

Après vingt ans de politique, dont la moitié passés au plus haut niveau, on doit bien avoir quelques pistons, non?

Ce n’est pas mon genre. Je ne me vois pas aller sonner chez un ancien ou une ancienne collègue pour lui dire: «Dis donc, tu ne pourrais pas, s’il te plaît…» Non, vraiment.

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Malgré sa longue absence, la Société neuchâteloise de tir sportif a tenu à garder Yvan Perrin à son poste de président. Un soutien qui a beaucoup touché l’émérite tireur du Val-de-Travers. Julie de Tribolet

Il y a encore trois ans, vous siégiez au Conseil d’Etat avec un revenu proche de 300 000 francs par année. Des regrets?

Aucun. Un job où il y a une bonne nouvelle pour neuf tuiles à gérer n’est pas pour moi. Trop lourd, trop stressant. Je ne dormais plus, je paniquais à l’idée de participer à des émissions telles que Forum ou Infrarouge, je sursautais à chaque fois que le téléphone sonnait. Si j’avais pris soin de mieux estimer la situation du canton, j’aurais beaucoup plus réfléchi avant de me lancer. Aujourd’hui, je tire très bas mon chapeau à mes anciens collègues qui assurent ce travail de fou, comme on dit.

La politique, c’est fini?

Il ne faut jamais dire jamais, conseille le proverbe. Pour l’instant, réintégrer un exécutif ne fait partie ni de mes rêves ni de mes plans. D’autant que dans mon rôle d’observateur, je me rends compte qu’il est beaucoup plus facile de faire des théories que de les appliquer. Cela dit, qui peut prédire son avenir à trois, quatre ou cinq ans? Je ne ferme la porte à rien.

C’est pourtant la politique qui vous a rendu malade…

Pas que. J’ai vécu une longue relation qui a largement contribué à ma descente aux enfers. Une liaison destructrice que je n’ai eu ni la lucidité ni le courage d’abréger. Aujourd’hui que les choses m’apparaissent avec évidence, je me dis: «Comment tu as pu accepter tout ça, descendre si bas sans même t’en rendre compte?»

En tant que président de l’UDC neuchâteloise, vous restez sur un échec retentissant lors des dernières élections cantonales. Une déconfiture dont vous êtes seul responsable, selon vos collègues…

Ils ont raison. Je me suis lourdement planté en imposant une liste qui a braqué bon nombre de nos électeurs. J’assume. Que dire d’autre?

Vous avez immédiatement démissionné de votre poste. Est-ce votre façon d’assumer?

Il faut être objectif. Après pareille débâcle (ndlr: la perte de 11 des 20 sièges au Grand Conseil), je n’avais plus la crédibilité nécessaire pour sortir le parti de l’impasse. Je devais donc laisser ma place.

Quel regard portez-vous sur ces années galère au cours desquelles, selon vos propres termes, vous avez fait le Tour de Suisse des asiles psychiatriques?

Avec le recul, je me dis que je reviens de très, très loin. Vous savez, quand chaque jour qui passe vous vous dites: «C’est encore pire qu’hier mais sûrement mieux que demain», il n’y a plus d’espoir. A ce moment-là, je ne voyais que la mort comme porte de sortie. J’avais donc préparé mon grand départ.

Votre suicide?

Absolument. Les deux personnes qui s’occupaient de moi étaient au courant de mon projet. J’avais mis de l’ordre dans mes affaires, couché sur le papier mes dernières volontés, réuni le matériel avec lequel je voulais en finir. La première fois, à mon domicile, ces personnes sont arrivées juste à temps pour m’en empêcher et la seconde, en clinique, le destin a voulu que mon nouveau psychiatre traite enfin avec succès mes insomnies chroniques le jour où j’avais décidé de mettre fin à mes souffrances. Ce jour-là, le soleil s’est levé avant moi, une première en quinze mois. Puis il y eut une deuxième, une troisième fois et ainsi de suite. Deux ans après, je ne les compte plus, mais le soleil a fini par de nouveau illuminer ma vie.

Par Rappaz Christian publié le 3 octobre 2017 - 00:00, modifié 15 mai 2018 - 16:55