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Coupe du monde de ski

Ode au skieur Marco Odermatt, sacré sportif suisse de l'année

Passion, décontraction et intuition: Marco Odermatt a été sacré sportif suisse de l'année en remportant la 2e place au classement général de la Coupe du monde. Comment en est-il arrivé là à seulement 24 ans? Redécouvrez le portrait de ce skieur.

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Marco Odermatt

Marco Odermatt s’est hissé en peu de temps parmi les meilleurs du monde. La pression que cela implique, il la gère avec décontraction.

Francis Bompard/Agence Zoom

Quand le tout jeune Marco Odermatt faisait des podiums, il ne se présentait pas toujours à la cérémonie de remise des prix. Il avait à l’époque quelque chose de plus important que la récompense: skier! Pendant que son nom était annoncé en bas, il s’amusait encore à skier avec ses copains plus haut dans la montagne. Sans portes ni piquets, juste pour le plaisir. Le père de Marco, Walter, était alors chef de l’Organisation de la jeunesse (OJ) pour les skieurs de 8 à 15 ans. Il ne trouvait pas correct que ce soit justement son fils qui snobe les cérémonies de remise des prix, mais s’en réjouissait en catimini.

Marco Odermatt

Helmut Krug, entraîneur du groupe de slalom géant, estime que Marco Odermatt est un bosseur: «Il remet tout en question, soigne chaque détail».

Francis Bompard/Agence Zoom/Getty Images

A cette époque, le jeune Marco suivait avec passion à la télévision son idole, Didier Cuche. Aujourd’hui, il court pour gagner au classement général de la Coupe du monde. C’est lui l’idole. Et quand il manipule les bouteilles de champagne, il démontre avoir pris goût aux cérémonies de remise de prix. Sa victoire d’ouverture de saison à Sölden, fin octobre, fut claire et nette. Sa maîtrise des skis dans les pentes raides n’est pas la seule chose qui impressionne. C’est aussi sa manière d’endosser son nouveau rôle de cofavori pour le grand globe qui frappe. Malgré la tension, il est le premier Suisse à gagner à Sölden depuis Cuche en 2009.

Marco Odermatt

Dans la tête d’un super skieur: longtemps Marco Odermatt ne s’est pas rendu compte lui-même qu’il était doté d’un toucher de neige hors du commun.

Christophe Köstlin

Derrière sa sérénité apparente se cache en fait un parfait professionnel, bosseur et sans autocomplaisance. «Il remet tout en question, soigne chaque détail», dit l’entraîneur du groupe de slalom géant, Helmut Krug. Marco Odermatt a une approche qu’on rencontre habituellement chez les professionnels plus âgés. «Il ne s’arrête jamais. C’est ce qui caractérise les meilleurs.» S’il y a quelque chose à améliorer, il met en pratique la nouveauté très rapidement et progresse donc tout aussi vite. Il s’appuie également sur un incroyable feeling pour le matériel et la neige. Helmut Krug qualifie son athlète de surdoué en ce qui concerne ses capteurs aux pieds. Après une course d’entraînement, Marco Odermatt peut dire exactement quel virage n’était pas tout à fait optimal. Sa réaction à l’amorce d’un virage qui ne se déroule pas comme prévu est instinctive.

Marco Odermatt a toujours skié avec assurance. Les chutes étaient rares. Si la visibilité était médiocre ou si une porte était placée de manière maladroite, il avait instinctivement intégré ces facteurs, raconte son père, Walter. Une intuition qui vaut son pesant d’or dans un sport où les conditions changent en permanence et où tant de facteurs entrent en jeu. Le principal intéressé lui-même ne l’a longtemps pas perçu ainsi. Il estime que, il y a deux ans encore, il n’aurait pas pu exprimer avec autant de précision les sensations que lui donne le matériel, même si tout le monde lui reconnaissait déjà cette capacité. «Ce n’était probablement pas un sentiment conscient de la manière dont le matériel fonctionne, explique «Odi». Mais plutôt un sentiment d’aller le plus vite possible, de négocier les virages avec le moins de frein ou de résistance possible. Laisser le ski aller, tout simplement.» Aujourd’hui, les choses se font de manière plus consciente. Stöckli apprécie également cette qualité.

Marco Odermatt skie sur les skis suisses de Malters (LU) depuis treize ans. Un contrat prolongé jusqu’en 2023. «C’est épatant: Marco peut donner des feed-back après une seule course», explique Beni Matti, directeur de course chez Stöckli. Après avoir fêté de grands succès au cours de la dernière décennie avec Tina Maze, Ilka Stuhec et Viktoria Rebensburg, donc surtout du côté des femmes, la marque dispose enfin, avec Marco Odermatt, d’un homme qui attire l’attention.

L’année passée, avant Kitzbüehl, Stöckli a livré à Marco Odermatt un nouveau ski de super-G pour le tester. Il l’a essayé une fois sans connaître son temps d’entraînement. «Je vais faire la course avec ça», a-t-il décidé. Le temps chronométré confirmait en fait cette confiance et le résultat encore plus: il est monté sur le podium. Pour le fabricant de skis, il est précieux de savoir que les déclarations de son meilleur athlète sont fondées. Et les petites marques de skis comme Stöckli ont un avantage décisif par rapport aux géants du secteur comme Head: elles peuvent répondre de manière très individuelle aux expériences et aux souhaits de leurs athlètes, qui ne sont pas des numéros. En une semaine, Stöckli pourrait fabriquer un nouveau ski si cela s’avérait nécessaire. Le serviceman de Marco Odermatt, Chris Lödler, l’ingénieur, le directeur de course, Matti, et Marco lui-même collaborent étroitement.

Marco Odermatt

Marco Odermatt durant la Coupe du monde de ski alpin, à Soelden en Autriche, le 24 Octobre 2021.

Francis Bompard/Agence Zoom

Marco Odermatt n’a pas d’exigence particulière. Il estime qu’il y a suffisamment de temps dans la préparation. Cet hiver, sa réserve de skis compte environ 80 pièces, dont une trentaine de paires pour sa discipline principale, le slalom géant. On ne peut d’ailleurs presque plus le considérer comme avant tout un géantiste, puisqu’il a également été le deuxième meilleur skieur de super-G l’hiver dernier. Lui-même voit les choses avec modestie: «C’est vrai sur le papier. Mais certains des meilleurs skieurs étaient blessés. Je suis conscient qu’il sera plus difficile de monter sur le podium dans les disciplines de vitesse lorsqu’ils seront de retour.» Mais il n’est pas le seul à s’être accroché à l’avant du super-G. Tout le groupe d’entraînement, composé de Loïc Meillard, de Justin Murisier et de Gino Caviezel, enregistre désormais des succès dans les deux disciplines.

Quand l’Autrichien Helmut Krug a pris en charge le groupe de slalom géant il y a quatre ans, sans aucun coureur de haut niveau, c’est ce qu’il avait en tête. «Mais le chemin n’est pas si simple, il y a beaucoup d’efforts et de travail derrière, dit-il. Maintenant, tous sont également bien placés en super-G, car ils ont du plaisir et n’ont pas peur de la vitesse.» Il est ravi de l’évolution du groupe dans les deux disciplines. «Ils mettent en œuvre les nouveautés extrêmement rapidement.» Les quatre coureurs s’apprécient et se poussent, ainsi que le staff, à donner le meilleur d’eux-mêmes. Pour l’instant, c’est Marco Odermatt qui offre les meilleures performances, la plus grande constance et affiche le plus de décontraction. La course est la seule situation où le Nidwaldien ne peut pas dire exactement, après coup, ce qui était bien et ce qui l’était moins. «En course, il est dans le tunnel, dans la montée d’adrénaline», explique Helmut Krug. Marco Odermatt acquiesce: «La plupart du temps, à l’arrivée, je ne peux plus dire quelle porte j’ai franchie et comment.»

Helmut Krug est conscient que Marco Odermatt pourrait s’entraîner encore plus sur mesure, comme le font d’autres de son calibre. Mais le deuxième du classement général de la Coupe du monde n’en voit pas la raison. Il se sent bien trop à l’aise dans le groupe, où chacun a certes un caractère différent, mais où tous ont la même exigence de performance.

Marco Odermatt

Marco Odermatt s’exprime avec franchise: «Qui me croirait si je disais que j’aimerais viser la cinquième place?»

Christoph Köstlin

Il n’y a que pour la condition physique qu’il bénéficie d’une prise en charge presque individuelle. Avec trois collègues, il a aménagé une salle de musculation à Oberdorf (NW). Et comme Loïc Meillard, Gino Caviezel et Justin Murisier suivent leur propre programme d’été, Marco Odermatt a pratiquement pour lui l’entraîneur de condition physique du groupe, Kurt Kothbauer, en compagnie de Semyel Bissig, actuellement blessé. Marco Odermatt se soumet à l’entraînement de condition physique sans euphorie ni aversion. «Une telle journée d’été me fait fondamentalement plaisir», constate-t-il. Il veut dire par là que s’il a le temps, en plus de l’entraînement musculaire, de faire du vélo, de la randonnée, du golf, du tennis ou d’aller sur le lac avec son bateau, il fonce dans ces autres activités. Il apprécie le côté ludique de l’été. Enfant, il partait en randonnée avec sa famille, mais des randos pimentées: Marco et sa sœur Alina emportaient aussi leur monocycle, empruntant des chemins pas faits pour cela.

Avec son mètre 84 et ses 86 kilos, Odermatt est devenu un athlète. Mais il a longtemps été le plus petit et le plus léger. Certes classé dans le top 5 national à chaque étape, mais pas toujours le meilleur. Plus une course était difficile et raide, mieux c’était pour son excellente technique. Si la piste était facile, il était trop léger pour gagner. Marco Odermatt a appris à être patient et a rattrapé son retard physique de manière naturelle à Engelberg. Aujourd’hui, son père pense que le fait d’avoir été plus léger et plus petit pendant longtemps a été un coup de chance pour Marco: son appareil locomoteur n’a pas dû supporter un poids important pendant la croissance, surtout en ski, où les forces en jeu sont énormes. Jusqu’à présent, il a été épargné par les grandes blessures.

Le fait que, malgré une saison exceptionnelle, il se soit retrouvé à la fin sans médaille aux Championnats du monde et sans globe de cristal l’a peiné. Mais seulement brièvement. Il est conscient de tout ce qu’il a accompli et de ce qu’il peut accomplir en cette saison olympique.

Par Eva Breitenstein publié le 3 décembre 2021 - 15:06, modifié 13 décembre 2021 - 09:30