Il est passé de comique télévisuel hilarant dans le fameux SAV de Canal+ entre 2005 et 2012, en compagnie de Fred Testot, à star internationale après les stratosphériques succès d’«Intouchables» et de la série «Lupin», en passant par le top 5 des personnalités préférées des Français dans lequel il figure toujours. Enfant de Trappes, une banlieue parisienne, comédien autodidacte, Omar Sy, épris de liberté, trace sa route.
Au fil des pages du livre de discussions commis avec Elsa Vigoureux, on se rend compte que, les années passant, l’acteur n’a pas vraiment changé depuis nos deux rencontres avec lui – la première lors de la sortie d’«Intouchables» en 2011 et la seconde lors de celle de «Demain tout commence» en 2016. Car Omar Sy, 46 ans, reste sincère dans ses choix et fidèle à ses engagements de père de cinq enfants – trois filles et deux garçons nés en 2001, 2003, 2006, 2009 et 2017 – et entend bien «rester un homme normal».
«Intouchables», le grand virage
Petit, l’acteur était loin d’imaginer ce qu’il allait devenir. Il nous confiait déjà: «Enfant ou ado, j’ai toujours été un grand curieux et un tchatcheur, le mec qui sortait la petite vanne, mais c’était un trait de caractère. Comme mes profs et mon père le répétaient souvent: «On n’en fait pas un métier!» Plutôt bon élève, du genre matheux, il se destinait à des études d’ingénieur et nourrissait un projet d’installation au Sénégal, pays d’origine de son papa. Mais son pote d’enfance Jamel Debbouze l’entraîne vers le comique et Radio Nova, à 20 ans. Là, Omar découvre que faire rire les gens peut être, effectivement, un métier. Et même si ses parents ne voient pas d’un bon œil ses nouvelles aspirations, il persiste. Sa carrière décolle vraiment lorsqu’il rencontre les réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache. Ils le perçoivent comme «un acteur né». Ils lui offrent un rôle dans «Nos jours heureux» puis dans «Tellement proches» et dans «Intouchables».
Ce film devenu culte fait 32 millions d’entrées en salle dans plus de 60 pays, France non incluse. Traduit en 45 langues, c’est à l’époque le plus gros succès français au box-office mondial, enregistrant plus de 426 millions de dollars de recettes. En 2012, Omar Sy est le premier comédien noir à recevoir le César du meilleur acteur.
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«Intouchables», qu’il considère comme «un cadeau», bouleverse son quotidien et celui de sa famille, lui fait changer de dimension professionnelle. Des films se montent sur son nom et il devient très vite une tête d’affiche bancable. Que ce soit en France ou à l’étranger. On lui offrira notamment le rôle-titre de la série «Lupin», qui enregistre plus de 100 millions de visionnages sur Netflix. Mais ce genre de cadeau peut s’avérer empoisonné. C’est la définition du succès. «Si tu finis par y croire, que tu penses que tu es le meilleur, tes chances s’évaporent et tu es mort. On me caressait dans le sens du poil, tout le monde me disait oui pour tout. J’aurais pu sombrer», confie-t-il à Elsa Vigoureux.
La même année que le César, Omar et sa femme, Hélène, prennent la décision de quitter la France pour s’installer aux Etats-Unis. Il s’en explique dans «Viens, on se parle», évoquant l’envie de «faire une pause pour penser cette question: comment on va vivre cette nouvelle vie qui s’amorce? Je ne savais pas à ce moment-là que mes enfants allaient devenir des Américains. Nous pensions rester un an. Mais j’ai vu ma fille Sabah s’ouvrir d’un coup. Je suis redevenu le père anonyme qui pouvait aller tranquillement à la kermesse de l’école ou accompagner lors d’une sortie scolaire. Je me suis dit: «C’est là que ma famille doit vivre.»
L’installation à Los Angeles ne lui fait pas oublier la France, Trappes, d’où il vient, où il a passé vingt ans, où il a rencontré les deux amis qu’il considère comme des frères, le comédien Jamel Debbouzze et le footballeur Nicolas Anelka, mais aussi Paris, pour le travail, où il a fondé l’une de ses trois maisons de production (les deux autres sont au Sénégal et aux Etats-Unis) et où il revient souvent pour les tournages. Et, enfin, il y a Saint-Rémy-de-Provence, le village dans lequel il prend des pauses dans sa jolie maison avec femme et enfants.
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Car des maisons, Omar Sy en a plusieurs. En plus de celle dans le sud de la France, il en a une à Los Angeles et une autre au Sénégal, au sud de M’bour, à une centaine de kilomètres de Dakar. «Sa terre du milieu où il se repose à pieds joints de ses existences en forme de grand écart. Entre le pays qui l’a vu naître, cette France complexe dont il est un symbole, et les Etats-Unis, où il s’est expatrié, il y a la latérite sénégalaise.»
Reconnaissance par les pairs
Au milieu de ses multiples activités professionnelles, Omar Sy trouve encore le temps de soutenir sa femme, «Hélène la bâtisseuse, qui plante la riche terre sénégalaise, la récolte pour soigner les malades et aider à lutter contre les maladies parasitaires et virales dans le pays». Elle commercialise avec sa marque Siyah Organics toutes ses plantes et reverse une partie des bénéfices à des actions médicales ou socio-éducatives ainsi qu’à des associations caritatives en Afrique subsaharienne. L’acteur participe également activement aux opérations de l’association CéKeDuBonheur (présidée par Hélène), qui fête ses 20 ans et améliore la qualité de vie de 62 000 enfants et adolescents hospitalisés dans 125 établissements de santé.
Mais le cinéma reste l’occupation principale d’Omar Sy, qui avoue posséder des goûts très éclectiques et cite notamment dans ses films de référence la série des «Rocky», «Star Wars», «Le parrain», «E.T.», «Fantômas» ou «Rabbi Jacob». La preuve de cet amour inconditionnel pour cette profession: le gamin de Trappes figure cette année parmi les neuf membres du jury du 77e Festival de Cannes présidé par Greta Gerwig, réalisatrice, scénariste, actrice, qui décernera la Palme d’or à l’un des 22 films en compétition le samedi 25 mai prochain.