«Trop peu d’adultes restent sereins face à leurs ex-parents.» Voilà le constat que posent Marie-France et Emmanuel Ballet de Coquereaumont au début de leur dernier ouvrage. Pour ces deux psychopraticiens français, le passage à l’âge adulte s’accompagne nécessairement d’une mise à jour de la relation avec ses parents. Or, même si c’est le lot de la quasi-totalité de l’humanité, très peu d’études ont été consacrées à ce sujet! Et pour cause, il reste difficile de s’attaquer aux représentations profondément ancrées de la famille, aux loyautés qui fondent une hiérarchie inébranlable entre parents et enfants.
Pourtant, ces mythes sont nocifs. Ils relèvent du fantasme plus que de la réalité vécue. La «mystification parentale» conditionne beaucoup de croyances: que nous sommes le résultat de notre éducation, que nos blessures d’enfance peuvent encore être guéries par nos parents, que la famille est la seule source d’amour véritable… Il faut pourtant accepter l’idée que les parents ne nous construisent pas: «Plus la fonction parentale est puissante et dotée de pouvoirs mythiques, plus il est difficile pour un individu de reconnaître ce qui a contribué […] à le faire grandir en dehors de son cercle familial.»
S’il faut s’affranchir de l’«enfant endetté à vie auprès de ses parents», il est important de reconnecter avec l’enfant intérieur. Pour Marie-France et Emmanuel Ballet de Coquereaumont, «en chaque adulte, l’enfant intérieur espère vivre en paix avec son histoire». Il s’agit des ressentis qu’un individu conserve de son enfance. Ces ressentis sont toujours actuels, et il s’agit de les considérer en tant qu’adulte. «Etre conscient de son enfant intérieur aide dans les contacts avec des ex-parents. Oser dévoiler sa vérité intérieure réintègre de la conscience dans le lien. Personne ne peut plus alors demeurer dans l’ignorance de ce qui a été. Chacun redevient responsable de sa réponse et de ses choix.»
La nouvelle alliance avec ses «ex-parents» est sans cesse à construire. Et il n’y a pas de recettes toutes faites! Ni de promesses de réparation d’un passé douloureux, d’ailleurs… «La relation avec votre ex-parent ne sera jamais conforme aux espérances de l’éternel enfant en vous – et c’est tant mieux. L’amélioration d’un contexte relationnel ne peut être un diktat: c’est l’alchimie d’une reconnaissance mutuelle.» Mais la reconnaissance dépend aussi de notre capacité à être juste dans nos attentes, ainsi qu’à respecter la dignité d’autrui comme la nôtre. «Tout adulte, en quête de liberté et de responsabilité, se détache progressivement de ses figures parentales. Il assume et assure sa part de régénération de la société en veillant à la qualité d’une juste relation entre ex-enfant et ex-parent.»
Par Noriane Rapin publié le 20 novembre 2020 - 08:01, modifié 18 janvier 2021 - 21:16