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Philip Morris face aux défis de l’innovation de rupture 

Depuis dix ans, la multinationale américaine développe IQOS sur son site de recherche et de production neuchâtelois. Ce dispositif électronique chauffe le tabac sans le brûler. Une technologie qui a complètement redessiné le visage de la multinationale.

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Vue intérieure du Cube, le centre de recherche et développement de Philip Morris à Serrières (NE). Thomas Jantscher

C’est un écrin de verre à 120 millions de francs qui miroite sur les eaux du lac de Neuchâtel, à Serrières. Au Cube, le gigantesque centre de recherche et développement de Philip Morris International (PMI) n’a qu’une ambition: permettre à terme à la multinationale de cesser de vendre des cigarettes classiques en élaborant de nouveaux produits sans combustion qui ont le potentiel de réduire les risques pour la santé des fumeurs. Depuis 2009, la multinationale américaine a déjà investi 3 milliards de dollars pour y tester de meilleures alternatives à la cigarette traditionnelle. Le plus avancé de ces nouveaux appareils – d’autres sont encore en développement – a un nom: IQOS. Un produit du tabac qui est composé d’un stick de tabac à chauffer et qui se consomme avec un appareil électronique. IQOS est commercialisé dans quarante-trois pays, dont la Suisse depuis le mois d’août 2015.

Une mue technologique d’envergure
En moins d’une décennie, Philip Morris a complètement révolutionné son modèle d’affaires et sa culture d’entreprise afin de développer des produits alternatifs à la cigarette traditionnelle. Outre les enjeux sanitaires et commerciaux, cette innovation est d’abord un défi technologique et scientifique pour la multinationale. Du prototypage au design, en passant par l’élaboration du circuit électrique et du tabac, IQOS est le fruit du travail de plus de 430 chercheurs, généticiens, biochimistes, bio-informaticiens ou encore ingénieurs en électronique. Pour les soutenir dans cette recherche, une soixantaine de PME suisses qui, par leur savoir-faire, contribuent à redessiner le visage de cette industrie du tabac.


Avec ses grandes parois en verre, le Cube mise sur la transparence architecturale. En vérité, le centre de recherche et développement de Philip Morris, qui emploie plus 400 personnes sur les 1500 que compte le site de Neuchâtel, n’a rien à envier à la NASA. Le site de Serrières est stratégique puisque tous les tests préindustriels y sont aussi menés. Quant à la production des sticks de tabac, elle est notamment répartie entre les sites de Neuchâtel, de Bologne, de Grèce ou encore en Roumanie, dans de nouvelles usines spécialement construites ou transformées pour cette innovation de rupture. La partie électronique est produite en Malaisie.


L’innovation la plus avancée se présente dans un boîtier de la taille d’un smartphone. La batterie en occupe la moitié. L’autre est dédiée à ranger le «holder» de l’IQOS. Il s’agit d’un petit fourreau d’un dizaine de centimètres à peine. L’utilisateur y insère des sticks de tabac qui contiennent un filtre. La partie consommable correspond environ à un tiers d’une cigarette classique. La lame de l’IQOS chauffe le tabac à une température d’environ 350°C (au lieu des 800°C dans une cigarette conventionnelle). Le tabac est donc chauffé et non brûlé. En empêchant la combustion, la vapeur de tabac d’IQOS est en moyenne 90% moins toxique, en laboratoire, en comparaison à la fumée d’une cigarette. Ce qui ne veut pas dire qu’IQOS est sans risques.

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IQOS3: Chauffe le tabac au lieu de le brûler, en conserve le goût. Sans l’odeur de fumée.

Vingt ans d’une course à l’innovation
La technologie et les produits derrière IQOS accaparent les chercheurs du Cube depuis près de dix ans: prototypage, design, évaluation scientifique, miniaturisation, fabrication des «heatsticks», ainsi que la petite lame qui permet de chauffer le tabac grâce à ses micro-circuits électriques, le Cube est au cœur des ambitions futures de Philip Morris. Pourtant, comme toutes les innovations, l’histoire du tabac chauffé est d’abord émaillée de déceptions et de tâtonnements. Elle prend racine déjà dans les années 90 avec la commercialisation d’un premier dispositif électronique qui chauffe le tabac. Le succès n’est pas celui espéré pour plusieurs raisons.


La satisfaction sensorielle n’est pas au rendez-vous. Le produit ne parle pas aux fumeurs adultes qui restent alors encore attachés à la cigarette traditionnelle. Si Philip Morris anticipe à l’époque les défis futurs de l’industrie du tabac, elle arrive trop tôt sur le marché. La multinationale revoit sa copie et revient avec son projet d’IQOS. Nous sommes au milieu des années 2000. Philip Morris entame sa profonde reconversion. A l’époque, une équipe se dédie entièrement à façonner l’objet qui va détrôner la cigarette classique en termes d’ergonomie, de design, de goût et de santé. Dès 2009, le site de Serrières devient l’incubateur de cette innovation à la fois scientifique et technologique.


Philip Morris se lance alors dans une profonde transformation. Elle multiplie les projets de recherches à l’interne. Le processus d’itération vers le produit idéal oscille entre espoir et désespoir. Les équipes mettent par exemple plusieurs années pour trouver la lame parfaite qui va permettre de chauffer le tabac à l’intérieur du stick de tabac grâce à son circuit électrique. Les prototypes de l’IQOS sortent des laboratoires. Ils s’affinent, se miniaturisent et gagnent en performance. Philip Morris change peu à peu de visage. Ingénieurs, électroniciens, développeurs software, chimistes, médecins, toxicologues... la multinationale engage de nouveaux profils. Parmi les plus de 400 scientifiques et ingénieurs actuels du site de Serrières, la grande majorité est arrivée après l’inauguration du Cube.

De l’industrie du tabac à la technologie électronique
Philip Morris construit également de nouvelles usines et transforme complètement des lignes de production de ses sites déjà existants pour façonner l’IQOS de A à Z. La multinationale s’ouvre également en multipliant les collaborations de pointe avec le tissu économique local. A l’instar d’ITN Sàrl. Depuis dix ans, la micro-entreprise fribourgeoise conçoit des bancs de tests de laboratoire et des prototypes pour Philip Morris. On citera également cette start-up genevoise spécialisée dans l’ingénierie tissulaire, qui développe une technologie qui reconstitue les tissus des voies aériennes in vitro, basée sur des cellules primaires humaines. Philip Morris utilise cette technologie pour tester ses nouveaux consommables.
Le groupe ne s’en cache pas. Il espère que son alternative de tabac chauffé s’érige comme référence des produits du tabac à nocivité réduite, preuves scientifiques solides à l’appui. Un objectif qui a complètement redessiné le visage du groupe en moins d’une décennie. De l’industrie du tabac d’antan, Philip Morris est désormais une multinationale technologique.


 

Par Martin Auger publié le 5 décembre 2018 - 12:11, modifié 18 janvier 2021 - 21:02