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Grand reportage 

Des phoques et des hommes

Emblème de la lutte pour la protection des animaux sauvages, le phoque du Groenland n’est aujourd’hui chassé que sous haute surveillance. Il reste néanmoins menacé par la banquise qui fond sous ses nageoires.

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Avec ses grands yeux noirs qu’on dirait suppliants, le blanchon jouit d’un fort capital sympathie auprès des foules humaines. © JL. Klein & ML. Hubert / Naturagency

Tout rond, tout doux, tout blanc, de quoi mettre en valeur sa truffe humide et ses grands yeux noirs expressifs, le bébé phoque est un concentré de mignonnerie que l’on dirait conçu pour faire fondre jusqu’au cœur humain le plus dur. Dans les années 60, ne lui résistent que les chasseurs et les amateurs de fourrure de blanchon, dont l’industrie de la mode européenne. Mais les défenseurs des animaux s’en mêlent, parmi lesquels Brigitte Bardot, bien sûr, qui prête sa célébrité au combat de Franz Weber sur la banquise canadienne. La photo de la star en couverture de Paris Match, allongée sur la glace avec un blanchon serré dans les bras, fait le tour du monde. Plus personne ne peut ignorer comment ces adorables peluches sont tuées, assommées à coups de hakapik, une sorte de marteau muni d’un pic, avant d’être saignées, écorchées et dépecées en toute hâte. Dix ans plus tard, en 1987, le Canada décrète l’interdiction de la chasse au blanchon.

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Les mères n’ont qu’un petit, qu’elles allaitent durant une douzaine de jours; leur lait est si riche que leur rejeton prend au moins 2 kilos par jour. © JL. Klein & ML. Hubert / Naturagency
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Une maman phoque mord un blanchon qui s’est imprudemment aventuré trop près de son petit. © JL. Klein & ML. Hubert / Naturagency

Une interdiction qui n’a jamais été levée depuis, contrairement à ce que prétendent des rumeurs récurrentes, et qui met du baume aux cœurs sensibles. Elle ne donne pourtant qu’un court répit aux jeunes phoques du Groenland et aux phoques gris, espèces les plus communes au Canada. Le temps de muer, de commencer à revêtir une fourrure d’adulte, de se mettre à nager et à chasser seuls, à peine un mois d’écoulé et les voilà autonomes et indépendants, bons à tuer légalement. Cibles de choix, qui plus est, leur peau n’ayant pas encore été marquée par les combats et autres aléas d’une vie de phoque.
Mais pour les chasseurs, la vie s’est bien compliquée aussi. Les interdictions se sont multipliées, les clients se sont faits plus rares. Le Parlement européen, notamment, a adopté un texte interdisant la commercialisation des produits issus de la chasse commerciale des phoques en 2009, réglementation renforcée en 2015, sauf exception accordée «aux peuples indigènes des régions arctiques de l’Amérique du Nord, tels les Inuits». Aujourd’hui, la chasse au phoque dans l’Atlantique Nord est l’une des plus réglementées et des plus surveillées du monde. Selon le Ministère canadien des pêches et des océans, «sur près de 3000 inspections effectuées entre 2009 et 2014, l’industrie de la chasse au phoque a maintenu un taux de conformité au règlement 
de 96%»!

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Adorable peluche, ce blanchon qui se frotte les yeux au réveil ne sera protégé des chasseurs par sa fourrure blanche que durant un mois à peine. © JL. Klein & ML. Hubert / Naturagency
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Sous la pleine lune, sur la banquise, si vivant, si vulnérable. © JL. Klein & ML. Hubert / Naturagency

Le feu à la banquise

Les phoques du Groenland, estimés à 7,4 millions d’individus, et les phoques gris, à 505 000, sont aujourd’hui en plein boom, au point que le gouvernement du Canada pense qu’ils ont peut-être atteint «le nombre maximal d’individus d’une espèce en particulier qui peut être soutenu par l’écosystème de cette espèce». L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) leur a conféré le statut de «préoccupation mineure», statut qu’ils partagent avec nous, les humains, et qui signifie que tout va bien, que l’espèce est répandue et abondante.

Sauf que la banquise, terrain privilégié pour la reproduction de ces phoques, est en train de disparaître sous leurs nageoires en raison du réchauffement climatique, les obligeant à rester toujours plus au nord pour mettre bas. Et sauf que les humains sont, cette fois, également menacés par ce phénomène qu’ils ont contribué à déclencher, n’en déplaise au CEO des Etats-Unis.

Par Mireille Monnier publié le 16 décembre 2018 - 06:39, modifié 18 janvier 2021 - 21:02