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«Ma plus grosse peur? Faire tomber Eliud Kipchoge»

Le coureur genevois Julien Wanders a été l’un des 41 lièvres du marathonien kényan Eliud Kipchoge pour battre l’un des plus grands records de tous les temps. Le but? Courir 42,195 km en moins de deux heures. L’athlète suisse, qui a aussi brillé de son côté cette année, revient avec nous sur un événement inouï.

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Les meneurs d'allure d'Eliud Kipchoge l'ont laissé filer devant eux à quelques hectomètres de la ligne d'arrivée, une fois sûrs qu'il allait réussir son challenge (Vienne, 12 octobre 2019). AFP

Le 12 octobre dernier, à Vienne, Eliud Kipchoge, 34 ans, passe la ligne d’arrivée, sourire aux lèvres, bras au ciel. Il vient de courir 42,195 km en 1 heure, 59 minutes, 40 secondes et 20 dixièmes. Le mur des 2 heures est tombé. Incroyable!

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Le Genevois Julien Wanders a été l'un des chefs de groupe de meneurs d'allure. Getty Images for European Athletics

Parmi les 41 lièvres qui lui donnent le rythme, un Genevois. Julien Wanders, 24 ans, arrive à Vienne directement des Championnats du monde de Doha. Cette année, celui que l’on surnomme «le Kényan blanc» a brillé. En février, lui aussi a battu un record, celui d’Europe du semi-marathon, détenu par le multimédaillé Mohamed Farah. Après 59 minutes et 13 secondes (soit 20 secondes de moins que Mo Farah), Julien Wanders devient grand. «C’était un accomplissement après des années d’entraînement.» Parce qu’il bosse dur. L’année, le Genevois la passe à courir sur les hauts plateaux d’Iten, une petite ville dans le nord-ouest du Kenya, perchée à 2400 mètres d’altitude.

Et puis, il y a un peu moins d’un mois, il y a eu l’Escalade, sa «course de cœur». Gagner à la maison une troisième fois d’affilée et y battre son propre record, c’est comment? «Incroyable. J’ai senti la ferveur du public, j’ai l’impression qu’il est de plus en plus nombreux à chaque édition.» Parce que les Genevois aiment leur Julien Wanders, leur Tadesse Abraham, leur Helen Bekele. En somme, ils aiment l’âge d’or de l’athlétisme genevois. Seule ombre au tableau: les Championnats du monde à Doha fin septembre. Le jeune coureur, qui avait abandonné à mi-course lors de l’épreuve du 10 000 mètres, regrette d’avoir trop chargé sa saison. «Le Qatar, c’était ma déception de l’année. Ma saison était trop longue et m’a beaucoup fatigué mentalement. Lorsque je suis arrivé à Doha, j’étais cuit et je n’étais pas à 100%.»

Mais, quelques jours plus tard, Julien Wanders ressent la fierté de se voir capitaine d’une équipe de lièvres pour le record incroyable du plus grand marathonien de tous les temps, le Kényan Eliud Kipchoge. Doha est loin derrière.

Après le Qatar, Julien atterrit donc à Vienne et rejoint l’équipe d’Eliud Kipchoge pour s’entraîner avec les autres meneurs d’allure. Le marathon, sponsorisé par le géant britannique de la pétrochimie Ineos à coups de dizaines de millions de francs, réunit des conditions optimales pour le marathonien: une boucle de 9,6 kilomètres composée de deux longues lignes droites de 4,3 kilomètres, quasi plate (le dénivelé aux deux extrémités n’est que de 2,4 mètres) et asphaltée, un climat automnal idéal avec une température autour de 10°C, 41 lièvres de classe mondiale et des chaussures d’extraterrestre. Kipchoge portait aux pieds la dernière évolution des Nike Vaporfly, pensées pour lui. Une semelle composée de deux couches de mousse avec, au milieu, une plaque de carbone pour le rebond. Des chaussures que l’on retrouve aux pieds des gagnants des cinq marathons courus les plus rapidement de l’histoire et qui n’ont pas fini de faire parler d’elles. Pour toutes ces raisons, mais principalement à cause de l’absence d’autres concurrents, le record de Kipchoge ne sera jamais homologué. Pas grave, ce que voulait ce dernier, c’était «écrire l’histoire». Et ça, c’est chose faite.

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Tracé, disposition des meneurs d'allure autour de Kipchoge (en blanc), durée des relais, équipement: tout a été quasi scientifiquement étudié pour réussir l'exploit. keystone-sda.ch

Julien Wanders, lui, a couru juste devant le marathonien sur une demi-boucle, soit près de 5 kilomètres. Son rôle était de diriger quatre autres meneurs d’allure «pour que l’on garde une bonne position, que tout se passe bien et que l’on aide au maximum Eliud, sans parler pour ne pas le déranger».

Pendant ces 5 kilomètres, Julien Wanders n’a pas le droit de faire un pas de travers. «Ma plus grosse peur était de faire tomber Eliud, surtout pendant les changements d’équipe de lièvres, très rapides et très serrés.» Après moins de 2 heures de course, Kipchoge crée l’exploit, aussi sportif que technologique. Et pour Julien Wanders, il donne espoir. «Kipchoge nous a montré que l’on pouvait aller bien plus loin que ce que l’on pensait possible!» 

>> L’exploit de l’année, 12.10.2019, Vienne. Eliud Kipchoge (en blanc au centre sur la photo ci-contre) est entouré de sept meneurs d’allure. Lors de cette course, taillée sur mesure pour permettre un exploit au champion, une voiture ouvreuse donnait le tempo grâce à un laser qui réfléchissait au sol l’allure idéale. Le Kényan a pulvérisé son propre record du monde, établi dans des conditions homologuées à Berlin en 2018, de près de 2 minutes.


Eliud Kipchoge en bref

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Eliud Kipchoge. Reuters

Né le 5 novembre 1984 à Kapsisiywa, au Kenya, le filiforme Eliud Kipchoge (1,67 m, 57kg), champion olympique à Rio en 2016, est devenu le plus grand marathonien de l’histoire en 2018, lors du marathon de Berlin, en étant le premier homme à passer sous les 2 heures et 2 minutes.


publié le 27 décembre 2019 - 10:21, modifié 18 janvier 2021 - 21:07