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Portrait d'une originale: La rebelle d’Avully

«L'illustré» met en avant les portraits de personnalités «originales», rencontrées en Suisse romande. Bien décidés à vivre différemment, ces personnages inspirants et attendrissants nous montrent que «rentrer dans le moule» n'est pas la seule solution pour être heureux. A Genève, Anne-Cécile Reimann, fière d’être considérée comme une allumée, déborde d’une énergie communicative.

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Anne-Cécile Reimann

A Genève, Anne-Cécile Reimann, fière d’être considérée comme une allumée, déborde d’une énergie communicative.

David Wagnières

Fière d’être parfois considérée comme une allumée, Anne-Cécile Reimann déborde d’énergie. Connue dans la Cité de Calvin comme la maîtresse d’école d’Avully, la nana de ContrAtom ou encore comme la mère aux chats, elle a toujours vécu pour elle: «Dans la vie, ce que j’aime, c’est faire ce que j’ai envie.» Alors son existence n’a pas été – et n’est toujours pas! – conventionnelle. Son appartement, qu’elle voit comme le musée de sa vie, reflète l’honnêteté, la simplicité et la grande dose d’humanité qui caractérisent la maîtresse des lieux. 

De parents considérés comme nonchalants à son égard, Anne-Cécile Reimann a été élevée par son oncle et sa tante. Persuadée que nous sommes construits par les personnes qui nous entourent, «pur produit genevois», elle conjugue en elle la fantaisie de ses géniteurs et la droiture de ceux qui l’ont accueillie. Elle reconnaît volontiers qu’elle ne serait aujourd’hui pas la même sans ce cadre sérieux. «C’est sans doute grâce à mon oncle et ma tante que j’ai eu un vrai métier durant trente-cinq ans», assure celle qui s’est appliquée à instruire les enfants de l’école d’Avully (Bernex, GE) tout au long de sa carrière d’enseignante.

Elle n’était pourtant pas destinée à exercer ce métier. Placée en école de commerce, elle passe son temps à rédiger des poèmes pour tromper l’ennui. Très vite lassée par le secrétariat, elle recherche une autre voie proposant un salaire rapidement, afin d’assouvir sa soif d’indépendance. Elle entame alors avec succès les études pédagogiques: une fois terminées, elle est directement envoyée à Avully. Pas très enthousiaste à l’idée de se retrouver dans la campagne, elle y restera pourtant tout au long de sa vie professionnelle, poussée par une passion qui l’a amenée à se servir de sa créativité sans bornes. On aperçoit d’ailleurs sur le mur de sa cuisine des dessins et des mots de ses anciens élèves, qu’elle regarde avec un œil rempli d’émotion.

En couple durant quelques années avec un artiste, elle vit dans sa bulle d’amour, ne voyant presque pas passer Mai 68. Séparée, elle s’éprend de sa liberté. C’est alors qu’elle se rend à Creys-Malville, en 1977, pensant aller à un concert avec des copains. Embarquée dans un affrontement très brutal entre manifestants antinucléaires et forces de l’ordre, elle imagine que les risques derrière une telle violence doivent être importants. Choquée, elle se renseigne à propos de l’énergie nucléaire et de ses enjeux. Elle réalise le danger encouru en permanence par les villes avoisinant les centrales, dont Genève. «On faisait des mathématiques mais on avait ce machin (la centrale nucléaire du Bugey, ndlr) à 70 kilomètres qui allait nous péter à la figure!» Le déclic est immédiat. Anne-Cécile commence à prendre part au combat antinucléaire et, surtout, à façonner ses éternels panneaux qui l’accompagnent encore aujourd’hui aux différentes manifestations.

Grande figure du militantisme genevois, elle continue à élaborer des pancartes pour les causes qui lui plaisent durant le jour. La nuit, elle part en tournée nourrir les chats errants autour de chez elle, ce qui la «remplit de bonheur» depuis de longues années.

Elle se dit heureuse d’avoir réussi à accomplir tout ce qu’elle souhaitait. Elle continue de remplir ses journées d’allégresse et d’occupations qui lui plaisent: «Cela donne à ma vie une autre dimension que juste manger, dormir et baiser… ça apporte un petit truc en plus!»

Par Erica Berazategui publié le 24 janvier 2022 - 09:02