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L'édito

Pourquoi il faut soutenir la presse

Stéphane Benoit-Godet nous explique pourquoi il est nécessaire de soutenir les médias lors de la votation du 13 février. Selon le rédacteur en chef de «L'illustré», alors que les réseaux sociaux renforcent le phénomène de pensée unique, la presse, quant à elle, permet de se confronter à des opinions divergentes nécessaires à une société saine.

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Alors que le monde numérique renforce le phénomène de pensée unique, la presse quant à elle, permet de se confronter à des opinions divergentes.

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Faut-il soutenir la presse? C’est sûrement le pire moyen de s’informer mais le moins pire de tous, pour paraphraser la citation de Churchill sur la démocratie. Car oui, le journalisme permet de porter la contradiction et de montrer ce qui dysfonctionne dans le système en pointant du doigt les abus de pouvoir, au final la fonction cardinale de notre métier. A ce titre, il faut donc le soutenir, y compris par des moyens publics.

Aujourd’hui, le plus grand pouvoir à contredire, celui des sociétés du numérique, n’est pas assez identifié alors même qu’il crée davantage de dégâts que tous les autres. La presse – parce qu’elle fouine et qu’elle est agile – rapporte avec constance ce bouleversement de civilisation. Elle devance la politique et la justice, laissées sur le carreau par la rapidité du monde numérique.

La presse joue à plein son rôle de quatrième pouvoir. Avec toutefois des moyens dérisoires. Alors même que les médias classiques ont dû «faire du web» depuis vingt ans, la quasi-totalité des nouveaux revenus que cela devait nous apporter a été pillée par Google et Facebook.

La presse elle-même doit bien sûr rendre des comptes et ouvrir la porte aux discussions. Les réseaux sociaux ont été une bénédiction car ils ont mis sur la table des sujets qui n’avaient jusqu’ici pas été traités par les grands médias.

Mais ces mêmes réseaux sociaux ont par contre été une malédiction en amplifiant des propos prouvés comme étant faux – voire stupides et dangereux – et en isolant socialement leurs utilisateurs dans des sas numériques de la pensée. Là où toutes leurs opinions, y compris les plus extrêmes et inavouables, ont fini par se trouver confortées par des millions de gens.

>> Lire aussi: Aide aux médias: «Les réseaux encouragent une logique de confrontation»

Elle est là, la pensée unique, la matrice des grands mouvements de foule qui n’ont jamais démontré qu’ils poussaient à prendre les bonnes décisions. Le journalisme, c’est l’inverse: une bonne douche froide de temps en temps. Régulièrement, votre titre de presse vous énerve avec une enquête ou un papier que vous n’aviez pas envie de lire et que vous découvrez par sérendipité. Vous «emm…» de temps en temps, désolé, mais c’est notre rôle: cela permet de faire société car les échanges contradictoires sont sains.

Les géants du web – dont la puissance surpasse largement celle d’Etats – ont bouleversé toute l’organisation de nos sociétés ces vingt dernières années et ce, toujours à leur seul avantage. Une classe dirigeante dépassée (en politique mais aussi dans toutes les sphères de pouvoir, y compris chez les journalistes) n’a pas vu cette révolution arriver. Elle a encore du mal à en saisir les contours et n’est absolument pas préparée pour la suite.
Soyez-en assuré: si la presse n’est plus là, personne ne vous entendra crier dans le metaverse.

Par Stéphane Benoit-Godet publié le 2 février 2022 - 08:44