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Préparation mentale: à quoi ça sert?

Beaucoup de sportifs et de dirigeants misent sur la préparation mentale. A quoi sert un tel entraînement pour le quidam ordinaire?

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Guillaume Long

Nerveuse, j’ouvre la porte de la classe. Comme les étudiants sont déjà là, je vais devoir commencer tout de suite ma leçon. J’ai les jambes qui flageolent et la boule au ventre. Avec l’index, le majeur et le pouce de la main droite, je forme un triangle, comme si je voulais prendre une pincée de sel: c’est ainsi que j’active ma force mentale.

Je ferme les yeux. Des rais de lumière percent à travers les frondaisons des arbres, de petits nuages blancs moutonnent dans un ciel bleu profond. La clairière foisonne de mûriers, l’air est saturé de parfums de résine de sapin, d’orties, de mousse. «Je m’assume», dit avec conviction ma petite voix intérieure. Je me rassérène, j’ouvre les yeux, je suis de nouveau face à ma classe.

Si on m’avait dit il y a peu que les quelques phrases que je me répète plusieurs fois par jour influenceraient ne serait-ce qu’un tant soit peu mes états d’âme, j’aurais froncé les sourcils, l’air amusé. Et pareil si on m’avait conseillé de faire en pensée des promenades en forêt.

Première étape

Prendre conscience du problème

La belle clairière est le refuge sûr où je peux en tout temps me retirer en pensée. Refuge est le mot qu’utilise Jörg Wetzel, psychologue du sport et coach mental. Je vais le trouver à Berne une fois par mois. Il analyse ce que je suis, comment je fonctionne. Il m’inculque des méthodes de préparation mentale. Des méthodes censées propulser les sportifs de pointe et les managers vers les sommets.

L’objectif que j’entends atteindre avec Jörg Wetzel est d’arborer une attitude assurée et solide lorsque je parle en public. Car je n’aime pas m’exprimer devant beaucoup de gens. C’est un problème quand, comme dans mon cas, on travaille aussi comme enseignante pour de futurs journalistes web. A chaque clic de mes présentations, je suis assaillie de doutes; à chaque trait de craie sur le tableau noir, je me pose des questions: «Est-ce bien ce qu’on attend de moi ?», «Pourquoi est-ce que je m’inflige ça ?», «Je ne suis pas à la hauteur». Difficile de cacher ce malaise. Tout ce que j’ai préparé au gré de longues journées de travail et dont je pensais que cela avait du sens me semble tout à coup ridicule et banal.

La préparation mentale est censée aider à lutter contre de tels doutes. Cela peut consister à infléchir des modèles de pensée inconscients, profondément ancrés, de manière à ce que les peurs et les pensées négatives n’empêchent pas de donner le meilleur de soi.

Deuxième étape

Les méthodes du pro

L’entretien avec Jörg Wetzel commence de manière anodine. Je me raconte: journaliste de 35 ans, mariée, un petit enfant; j’aimerais bien me trouver une seconde voie dans l’enseignement mais, à chaque cours, j’ai la sensation de me planter. «Quelle est pour vous l’importance de l’autonomie, de l’appartenance et de la compétence?» demande-t-il. Je dessine bravement un histogramme: autonomie très importante, appartenance moyennement importante, compétence très importante. Il m’est facile de répondre à ces questions, on en est toujours aux superficialités. Mais je me demande quel est le rapport avec la préparation mentale. «Une intellectuelle comme vous veut évidemment tester des méthodes pour avoir ensuite quelque chose à écrire», me répond-il avec un clin d’œil. Pas de souci, ça viendra, assure-t-il. Mais on ne peut pas appliquer la même méthode à tout le monde et s’attendre à ce que ça marche. C’est pourquoi il analyse d’abord la personne qui est en face de lui. «D’où vient cet irrépressible souhait d’autonomie?» demande Jörg Wetzel. La question déclenche une cascade d’émotions. Je dois plonger profondément dans mon passé, jusqu’à l’enfance. C’est le moment de quitter ma zone de confort. On est au début d’un travail de coaching très intense et très personnel.

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  Guillaume Long

Troisième étape

Parler clair

J’apprends à formuler des réflexions qui me hantent et me désécurisent: «Que peuvent bien penser les étudiants de moi?» Ou: «Un autre ferait ça sûrement mieux que moi.» Pas à pas, avec l’aide du coach, j’élabore ce qu’on nomme un reframing, un recadrage: des phrases positives que je peux opposer à mes hantises négatives.

Mais dans un premier temps, beaucoup de ces affirmations positives ne me satisfont pas: on dirait des slogans publicitaires à ma gloire. Plus je cherche des pendants positifs à mes pensées négatives, moins il y a de contenu commun aux deux. Et soudain le «Que peuvent bien penser les autres?» devient un «Je détermine comment je me sens». Ainsi, cela peut aller.

Quatrième étape

Exercer, exercer, exercer

La préparation effective débute maintenant: fabriquer de petites fiches, répéter plusieurs fois par jour les phrases positives afin, comme le dit Jörg Wetzel, qu’elles ruissellent lentement du conscient dans l’inconscient. Une fois qu’elles y sont installées, elles influencent mon comportement et mon état d’esprit de manière aussi positive que, par exemple, la perspective de déguster un morceau de chocolat.

Puis nous condensons mes sept longues phrases en cinq petits énoncés dont le coach fait un fichier audio pour mon smartphone. A partir de maintenant, sur le chemin du travail, je médite tous les jours cinq minutes avec la voix de Jörg Wetzel à l’oreille. «Je crois en moi», «Je suis ouverte à la nouveauté», «J’ai le droit de faire des erreurs» imprègnent mon moi afin que, plus tard, je puisse convoquer en quelques secondes les phrases et les sentiments positifs en joignant les trois doigts, l’index, le majeur et le pouce.

Tout n’est pas une surprise dans ce que Jörg Wetzel dispense dans son coaching. Mais il m’incite à la réflexion. Comment cela influence-t-il l’intello que je suis quand j’aborde des périodes d’enseignement rien qu’avec la tête? «Si vous n’impliquez pas aussi les tripes et le cœur, ils deviennent des facteurs perturbants; ils essaient de secouer le podium sur lequel, en tant qu’experte, vous êtes montée», explique-t-il. Alors je m’entraîne à descendre de mon podium tout en visualisant le mouvement – et c’est ma troisième méthode d’entraînement.

Les autres méthodes que Jörg Wetzel m’a proposées, je les ai jetées par-dessus bord. Par exemple «se relier à la terre». Et «respirer profondément jusqu’au bout des orteils» m’a paru un peu trop primaire.

Il y a bien sûr des jours où les petites contrariétés du quotidien sont particulièrement insupportables. Notamment quand des problèmes privés s’additionnent à une masse de travail. «J’ai l’impression que tout le monde me dépasse lorsque je me rends à la consultation de Jörg Wetzel», ai-je écrit un jour dans mon journal de coaching. De tels jours, devoir s’occuper de soi-même fait chuter la motivation à zéro. Mais ce phénomène trouve lui aussi sa place dans la consultation. Dans ces cas-là, il m’explique pourquoi l’intuition est importante. Cela suscite de l’intérêt et chasse l’indifférence, l’état d’esprit apathique. Cela donne le sentiment que l’on peut être tout simplement soi-même, avec tout ce que cela comporte.
C’est ce sentiment qui, par-delà le coaching, m’accompagne: accepter que les mauvais jours et les erreurs sont normaux. Assumer mes valeurs et mes points de vue même si, dans certaines situations, c’est désagréable. Jörg Wetzel n’a pas fait de moi une femme nouvelle, mais il a convaincu la sceptique qui sommeillait en moi. Aujourd’hui, les exercices que je considérais naguère comme du bazar ésotérique me sont d’un grand secours.


Conseils: trouver son coach

Qu’est-ce que la préparation mentale?
La notion de préparation mentale n’a pas de définition univoque. Mais le dénominateur commun à ses diverses définitions est l’opinion que l’on peut influencer mentalement ses performances dans les domaines aussi bien sportif que professionnel ou privé. De premières approches thérapeutiques ont été développées dès 1908. En Suisse, des méthodes de préparation mentale ont fait leur chemin dans le sport professionnel au milieu des années 1960.
Comment trouver un bon coach mental?
Coach mental n’est pas une profession protégée et il y a pas mal d’offres douteuses en la matière. Les membres de l’Association suisse de psychologie du sport (SASP) jouissent d’une bonne formation et sont soumis au secret professionnel. Si l’on entend aborder des questions plus compliquées, un psychologue avec une formation supplémentaire en psychologie du sport est une bonne solution, pense Romana Feldman, de la SASP. Mais si un coach fait des promesses de guérison ou s’il fait sa pub avec les succès d’athlètes réputés, mieux vaut se méfier.
Quelle est la durée d’une préparation et combien ça coûte?
Le nombre de séances nécessaires dépend du problème qu’on entend résoudre. Dans les cas simples, Romana Feldman estime que trois à six séances sont suffisantes. Les tarifs horaires se situent entre 120 et 240 francs. Il convient de vérifier d’emblée si le coach mental compte séparément la préparation et l’approfondissement.

Par Chantal Hebeisen (Beobachter) publié le 13 juillet 2019 - 17:46, modifié 18 janvier 2021 - 21:09