La Brévine n’a pas volé son surnom de «Sibérie de la Suisse». En ce matin de février, le paysage est blanc à perte de vue et l’air glacial. Cela tombe bien, Prisca Schneider n’aime pas particulièrement l’été. «C’est la période durant laquelle il faut travailler très dur pour préparer son corps à souffrir tout l’hiver, explique-t-elle en grimaçant. J’enchaîne les entraînements fonciers et ceux de force. Sportivement, ce n’est vraiment pas ma saison préférée…»
L’athlète de 17 ans est venue à notre rencontre devant la maison familiale où elle a grandi, une ancienne ferme rénovée au bord d’un pâturage qui se transforme en piste de ski de fond dès l’arrivée des premiers flocons. Celle-là même où tout a commencé.
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Prisca Schneider, glisser vers les sommets
Performance
La jeune femme nous reçoit quelques jours après sa très belle performance aux Championnats suisses, une troisième place conquise en style classique sur 10 km chez les moins de 18 ans.
La compétition avait lieu à Engelberg (OW) et la Neuchâteloise a pu compter sur le soutien fidèle de sa petite sœur, Alexia, et de ses parents, Pascal et Séverine, ses premiers supporters. Ce sont eux qui lui ont transmis le virus du ski de fond. Une tradition ancrée depuis plusieurs générations dans cette famille de sportifs: son père et son grand-père ont tous deux fait partie des cadres de l’équipe de Suisse.
Déclic
Et puis, dans cette région vallonnée et riche en or blanc, la discipline fait logiquement figure de religion parmi ses habitants. Les anciens se rendaient à l’école à skis et, aujourd’hui encore, les jeunes Bréviniers sont initiés aux sports d’hiver dès leur plus jeune âge. «J’ai chaussé les lattes sitôt que j’ai su marcher», se souvient Prisca Schneider. A l’époque, c’est sa grand-mère maternelle qui l’encourage la première. «Je lui dois beaucoup. Elle a été d’une patience infinie quand, à 4 ans, je refusais d’avancer et que je me roulais par terre de rage», sourit la Neuchâteloise. «Enfant, je détestais le ski. Je préférais le bob et les dessins animés!»
Le déclic a lieu quelques années plus tard, quand elle s’inscrit au ski-club de La Brévine. «Avec mes copines, on s’amusait ensemble du matin au soir sans nos parents. J’y ai découvert une forme d’indépendance.» Elle découvre aussi le plaisir de skier. Jusqu’à se mettre en tête d’en faire son métier. «J’ai commencé à nourrir quelques ambitions quand j’ai été sélectionnée dans les cadres du Giron jurassien (ndlr: des structures régionales qui repèrent les jeunes talents de chaque club).»
Qualités mentales
Aujourd’hui, à 17 ans, la Neuchâteloise figure parmi les grands espoirs romands de la discipline. Actuellement en deuxième année de sport-études au collège de Brigue, en Valais, elle partage ses semaines entre les cours et les entraînements.
Quand on lui demande les qualités d’une bonne fondeuse, elle cite en premier le mental. «C’est un sport difficile et très exigeant, qui nécessite beaucoup de tempérament. Et puis, bien sûr, il faut une excellente endurance pour résister au froid et aux alternances de rythmes entre sprints et longues distances», détaille Prisca Schneider.
Sa saison démarre le premier week-end de décembre et se termine début avril. Un peu plus de quatre mois durant lesquels la jeune athlète participe à six Coupes suisses et à des courses régionales chaque week-end pour rester en jambes. En décembre dernier, lors de la première Coupe suisse de la saison à Goms, dans la vallée de Conches, elle a décroché la troisième place en sprint dans la catégorie des moins de 20 ans, qui l’a classée première chez les moins de 18 ans. Une belle performance qui vient récompenser des années d’efforts et de sacrifices.
Sacrifices
Car la vie de fondeuse n’a rien d’un long fleuve tranquille. «Les nombreux camps d’entraînement et le rythme des compétitions l’hiver m’empêchent de voir mes amis autant que je le voudrais. Mais je suis habituée à ce mode de vie et prête à ces sacrifices pour vivre ma passion à fond.»
Pour la fortune, en revanche, on repassera. Autant le dire tout de suite, en dehors de quelques rares exceptions parmi l’élite, le ski de fond ne rend pas riche. Alors il y a des soutiens précieux, comme la Loterie Romande et le ski-club, et surtout celui des parents de la jeune athlète. Son père tient un magasin de sport dans le village et lui fournit de nouvelles paires de ski chaque début de saison.
Parmi ses idoles figure le jeune retraité norvégien Petter Northug, 38 victoires en Coupe du monde et 13 titres mondiaux. Et le quadruple champion olympique Dario Cologna, évidemment, maître incontesté de la discipline en Suisse, l’une des grandes inspirations de Prisca Schneider. Comme lui, elle rêverait d’une carrière olympique. «Je l’ai vu gagner si souvent à la télévision. Ce serait magique de vivre ça à mon tour.»