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Quatre pour un quart, portraits de Ruben Vargas, Xhaka, Seferovic et Steven Zuber

De l’indispensable Xhaka au poison Zuber ou l’efficace Seferovic, ces joueurs ont ardemment participé à cette première pour le football suisse: un quart de finale de l’Euro! Le jeune Ruben Vargas, bouleversé par son tir au but manqué, en fut un héros malheureux.

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Quatre pour un quart

«L'illustré» dresse le portrait de quatre joueurs helvétiques qui ont marqué les esprits lors de ce championnat européen 2021. 

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Le hardi Seferovic se moque des moqueurs

 

Euro 2021
Sebastian Widmann /UEFA Getty Images

Se moquer de Haris Seferovic est un sport, à cause de son air de chien battu et de ses quelques ratés. Puis il surgit et fait taire tout le monde. Contre la France, il a jailli deux fois de la tête. Bon sang, ce que cela a dû lui plaire: s’élever alors que Langlet restait collé à terre, recommencer en précédant Varane. Il vit pour cela, Haris Seferovic, il aime être décisif et n’a qu’une référence, Ibrahimovic, dont il possède le caractère impérieux.

Enfant bosnien de Sursee (LU), il a toujours été pressé. A 13 ans, il est un des premiers à entrer à la Football Academy de l’ASF. A 17 ans, en 2009, il est champion du monde des U17, marque le but en finale. En 2010, il n’a joué que trente-huit minutes en Super League quand il met le cap sur Florence. Il échoue, passe par le Xamax du terrifiant président Chagaev puis, à San Sebastian, progresse aux côtés de cracks bourrés d’ambition et d’un petit joueur malin, le Français Griezmann.

Après trois ans à Francfort, il s’installe au bout de l’Europe, au Benfica Lisbonne. Il y vit sa plus belle période, meilleur buteur du pays en 2019. Le réalise-t-on en Suisse? Il irrite jusqu’à être sifflé en 2017. Il répond en explosant la Belgique. Il n’a marqué ni à l’Euro 2016 ni au Mondial 2018. Et là, il a été capital, au cœur de la mêlée, hardi.

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Le blond Xhaka vit le temps des moissons

 

Euro 2021
Jean-Christophe Bott/Keystone

Lui qui a répété qu’il voulait «marquer l’histoire» n’a pas pu jouer le quart contre l’Espagne. Une perte folle si l’on sait le nombre de ballons que Granit Xhaka touche dans un match, machine à faire des passes, parfois latérales, toujours réfléchies. C’est un capitaine, toujours là quand un équipier cherche une solution ou pour diriger dans le mystère du vestiaire. Sans ce chef d’orchestre, sans cet arpenteur de pelouse, la Suisse n’est plus vraiment elle-même, elle quitte la classe premium.

Pourtant, que de luttes dans son club d’Arsenal, rejoint en 2016 pour la bagatelle de 49,5 millions de francs. En octobre 2019, il se fâche avec ses propres fans: sifflé, il les insulte, enlève son maillot, jette son brassard. Démoli par l’opinion publique, il est pourtant toujours là. Grande gueule, il l’était déjà à 18 ans, immense confiance en lui en bandoulière. A son arrivée à Londres, après avoir beaucoup appris sous la houlette de Lucien Favre à Mönchengladbach, il fut traité par le légendaire Gary Lineker de joueur «stupide» et «indiscipliné». Il a affronté les courants contraires jusqu’à être porté aux nues à cet Euro, blond comme la moisson qu’il engrange enfin, jusqu’à aiguiser l’appétit du Paris Saint-Germain. Dans tous les clubs où il est passé, il est devenu capitaine.


L’intenable Zuber tatoue les défenses

 

Euro 2021
Toto Marti/Blick

Il n’est entré en jeu qu’au troisième match du tournoi, contre la Turquie. Mais alors quelle vista, quelle manière de transpercer les lignes, avec quatre passes décisives et un penalty provoqué contre la France et un vis-à-vis tricolore, Benjamin Pavard, qui en cauchemarde encore!

Cette année a pourtant été compliquée pour Steven Zuber. Il a peu joué à Francfort, n’a commencé que six matchs pour une misère de 151 minutes. Loin de cet allant irrésistible qui fit de lui un champion de Russie en 2014, avec le CSKA Moscou. Cette saison, il a dû attendre le dernier match amical et un but contre les Etats-Unis, fin mai, pour que le fidèle Petkovic soit certain que son fantasque fantassin était prêt.

S’il frappe les esprits, c’est aussi pour ses qualités décoratives. Avec ses tatouages, il joue à la galerie vivante. Il a aussi formé le couple le plus glamour du football alémanique avec Mirjana, ex-candidate à Miss Suisse; ils se sont séparés en octobre dernier. Zuber est une force de la nature: il a grandi avec cinq frères et sœurs dans une ferme zurichoise. Son frère Kevin le raconte volontiers, «nous pouvions faire ce que nous voulions, personne à notre gauche ou à notre droite ne s’en souciait». Ce côté bad boy à la suisse l’a suivi partout.


Tout le monde veut consoler Ruben Vargas

 

Euro 2021
Alexander Hassenstein/Getty Images

Quand son tir, le quatrième de la série des tirs au but suisses face à l’Espagne, passe par-dessus la latte et s’envole dans les faubourgs de Saint-Pétersbourg, Ruben Vargas, 22 ans, défait, coupable, apparaît si bouleversé que ses coéquipiers et même l’Espagnol et star de Liverpool Thiago Alcantara le consolent longuement. Il devient notre Mbappé, né quatre mois après lui.

Le grand public suisse le découvre et l’aime instantanément, sa bouille enfantine, ses trois bouclettes sombres et son émotion si loin des salaires mirobolants et du reste. Ce n’est pas la première fois qu’on le repère sur le tard. Ruben Estephan Vargas Martinez, son nom au complet, a seulement été sélectionné en équipe nationale au stade des M21.

Fils d’un instructeur de golf dominicain et d’une Suisso-Italienne qui participa à des Européens de trampoline pour la Suisse, il a commencé par terminer une formation de peintre. Les chantiers dès 7 heures du matin, il les a brièvement connus. Formé au FC Lucerne, sa région, il était si frêle. En 2019, son transfert en Bundesliga, dans l’ambiance familiale du FC Augsbourg, l’a fait grandir. Vif, dribbleur, il y a été titulaire depuis le premier match. Dès sa première cape internationale, en septembre 2019 contre Gibraltar, il a incarné la nouvelle vague, la classe biberon des futurs cracks à croix blanche, les Lotomba, Omlin, Omeragic.

L’Euro, «ce rêve immense», il en parlait depuis des mois. Pour son tir au but, comme contre la France, il s’est porté volontaire. Le lendemain, s’il s’avouait déçu, il disait déjà qu’il «tirerait de nouveau». Il marquera encore, tendant ensuite deux doigts vers le ciel, pour remercier Dieu.

Par Marc David publié le 8 juillet 2021 - 08:35