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Rachel Monnat, professeure atypique

Lorsque, avec ses jeunes élèves, surgit la question: «Pourquoi vous êtes nue sur YouTube?», l’ex-infirmière devenue modèle répond avec un naturel désarmant…

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Rachel Monnat

Rachel Monnat est une artiste et professeure atypique. 

Julie de Tribolet

«J’ai commencé ma carrière professionnelle à 24 ans, comme infirmière, en 2004. Au bout de six ans, après m’être piquée avec l’aiguille d’une patiente, je me suis dit que c’était devenu un métier trop stressant pour moi. Alors, au hasard d’une rencontre amicale, en août 2009, je suis devenue modèle nu dans un atelier de dessin lausannois. Poser ressemble à un exercice de méditation. Il faut pouvoir rester immobile de longues minutes et se laisser croquer par des inconnus, hommes et femmes. Cela paraît simple, encore faut-il oser apparaître dans le plus simple appareil. La première fois, avant de franchir le pas, j’ai regardé faire. Le jour venu, en ôtant mes sous-vêtements, j’ai d’abord songé aux marques laissées sur ma chair par les élastiques. Je n’ai gardé qu’un peignoir, que j’ai fait glisser au dernier moment, et j’ai eu le sentiment d’être statufiée. Pour moi, le plus gênant a été le changement de position. Le doute, soudain, m’a assaillie: «Mon Dieu, je suis nue!» J’ai réussi à me raisonner et, par la suite, à la pause, en découvrant les croquis, j’ai compris que chacun était là pour dessiner, rien d’autre. Sous le crayon, le corps devient un paysage, une harmonie de lignes. Parfois, la gêne change de camp: leur interprétation de mon anatomie les met, eux, dans l’embarras. Ces formes, plus maigres ou plus rondes, au fond, ce n’est pas moi. Reproduire un corps est, à coup sûr, l’exercice le plus difficile. Il faut harmoniser la musculature, la graisse et les os. Désormais, je fais cela deux ou trois fois par an.​​​​​​

A l’automne 2010, l’idée d’une œuvre théâtrale a germé dans mon esprit. Comme je ne souhaitais pas courir les castings, j’ai imaginé mon propre spectacle: «Rachel et ses amants.» Ensuite, j’ai conçu «Le sexe de la modèle», un monologue en forme de réflexion sur ce métier. J’ai créé le spectacle au Festival d’Avignon en 2014, entièrement nue sur scène. J’avais alors de longs cheveux blonds. Avant que le public n’entre dans la salle, j’étais déjà en place et visible. Ensuite, comme j’évoquais mes pensées à haute voix, les spectateurs en oubliaient mon état. A la fin, on me disait souvent: «C’est lorsque vous remettez votre peignoir qu’on se souvient de votre nudité.»

J’ai appris à apprécier mon corps et à me l’approprier en posant. Je sais ce que je montre. Le but n’est pas de choquer. A mes yeux, tout corps, dans le dessin comme dans la vie, est beau. J’ai commencé, vers 2015, à effectuer des remplacements scolaires dans le Jura. J’enseigne différentes matières à des adolescents de 12 à 15 ans. Comme j’ai été médiatisée, je suis, pour eux, une prof atypique et le bruit, à mon sujet, s’est vite répandu. Dès lors, comment réagir s’ils m’interpellent sur mes activités? La direction m’a rassurée: «Tu en parles, si on te questionne.» Un jour, j’ai entendu: «Madame, pourquoi vous êtes nue sur YouTube?» Les plus curieux étaient allés guigner mon compte. J’ai expliqué ce que c’était que de poser, d’oser être nue devant les autres. J’ai dit: «La première fois, j’ai eu l’impression d’avoir oublié quelque chose.» Un jeune a lancé: «Oui, vos habits!» Et tout le monde a ri.

A un âge où ils s’interrogent sur eux-mêmes, je ne voulais pas les laisser avec des questions. Pour moi, le corps est une chose naturelle, ce sont nos habits qui sont artificiels. La société nous a appris que la nudité, c’était «mal», mais nous sommes nés et nous mourrons ainsi. Ce devrait être le sujet le moins tabou du monde. D’ailleurs, dans les classes, après dix minutes, il n’y a plus de questions et le cours reprend, normalement…»


Le premier roman de Rachel Monnat

«L’intouchable nudité» de Rachel Monnat s’inspire de son expérience de modèle, mais c’est une fiction. Dans l’atelier, Orianne, l’héroïne, est au centre de tout. Mais à quoi pense-t-elle? Ainsi commence ce roman de 260 pages. Depuis 2020, l’auteure a créé sa maison d’édition: www.accrosens-editions.com

Rachel Monnat
Accrosens Editions
Par Didier Dana publié le 5 mai 2021 - 08:37