Tous les spécialistes de la vie à deux s’accordent à dire ceci aujourd’hui: il n’y a plus de modèles dans les manières d’être ensemble. «A chacun et chacune d’inventer le sien», affirme Nicole Bonnet, coprésidente de l’Association des conseillères et conseillers conjugaux thérapeutes de couple en Suisse (ACTC). Entrer en relation est un choix. C’est un «savoir-faire à cultiver», lit-on sur le site internet de l’association. «Ce n’est pas toujours évident de créer son duo, car il faut partager les mêmes références que sa ou son partenaire», nous éclaire la thérapeute, également sexologue.
Et même si de l’extérieur certains couples ont l’air très fonctionnels, trouver l’âme sœur avec laquelle partager sa vie sans obstacles est un leurre. Cécilia Commo, psychanalyste française, fait du bruit avec la sortie de son livre sur l’éloge de l’imperfection amoureuse, «Le couple parfait n’existe pas». Le titre résume son propos. Esther Perel, psychothérapeute vedette qui chronique dans le «New York Times» – et dont les TED Talks sont dévorées par des millions de personnes – insiste sur la réalité des phases cycliques entre connexion, déconnexion et reconnexion chez toutes les paires. Elle met également en garde devant la pression du paraître imposée dans notre société. Parler de son couple est encore trop souvent implicite. En extérieur mais aussi à l’intérieur de sa propre relation.
Heureusement, les langues se délient. Les gens échangent publiquement sur les difficultés de faire en fonction de l’autre. Les thérapies de couple se démocratisent, y compris chez les jeunes. Comprendre la dynamique des deux parties est une étape indispensable pour solidifier son duo. Le sociologue Eric Widmer et son équipe ont réalisé une étude de longue haleine qui met en lumière les modes de mise en couple en Suisse (en se basant sur 1534 duos de 1998 à 2017). Fusion ou autonomie, ouverture ou fermeture, égalité ou inégalité des genres, il en sort cinq styles parmi lesquels la population navigue: bastion, cocon, compagnonnage, association et parallèle. «C’est un référentiel de l’instant T d’un couple, mais rien n’est figé. Les styles fluctuent, les couples évoluent constamment. C’est infini», souligne Nicole Bonnet. Dans cet article, on les revisite avec en emblème un couple de personnalités. On y ajoute aussi des sous-tendances. Et vous, à quoi ressemble votre couple? Notre quiz à la fin du dossier vous donnera quelques éléments de réponse.
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1. Couple Bastion
Le duo rétro
Profil: Consensus et stabilité, ce sont les mots d’ordre d’un couple perçu comme très classique, avec des rôles définis. La charge mentale de la relation est bien souvent inégale. L’un des deux s’occupe principalement des tâches domestiques, l’autre des besoins économiques. Les désaccords ne font pas partie de leur vocabulaire. Ils visent à conserver une forme d’harmonie… dans les bons comme dans les mauvais moments.
Population suisse concernée *: 16%
Entre bastion et cocon
Les cycliques
«Je t’aime moi non plus»
Un jour ils sont inséparables, le lendemain ils se quittent. Ce couple fusionnel, comme Elizabeth Taylor et Richard Burton, exprime son attachement avec des ruptures à répétition.
2. Couple cocon
A deux, c’est mieux
Profil: Ici, on fait son nid dans un quotidien rythmé comme du papier à musique. Ensemble, ils ont mis en place des repères sécurisants. Vive leurs soirées Netflix, car ce duo a souvent les mêmes goûts et des idées similaires! Ce sont les rois et reines du repli sur soi. Alors, s’ils décident exceptionnellement de ne plus être casaniers, c’est à deux que vous les verrez en soirée!
Population suisse concernée *: 15% (en augmentation depuis quelques années)
Sous-groupe cocon
Les tout puissants
«A deux, on est plus forts!»
Côte à côte, ils ont bâti une start-up, un concept ou même un empire. Ils sont rarement l’un sans l’autre, comme Beyoncé et Jay-Z.
3. Couple compagnonnage
«Toi + moi = le monde»
Chez ces amoureux et amoureuses, le bien commun passe avant leur épanouissement personnel. Ils font alliance. Et sillonnent la route de la vie ensemble en direction d’une communauté ou d’un projet qui vont les épanouir. Le partage est essentiel. Il paraît que c’est le modèle de couple qui dure le plus!
Population suisse concernée *: 24%
Sous-groupe compagnonnage
Les paradoxaux
«Ensemble malgré tout»
Tout semble séparer ces duos (âge, culture, etc.) mais ils avancent dans la même direction, comme l’acteur américain George Clooney et Amal, sa femme, avocate d’origine libanaise. Rappelons-nous que les contraires s’attirent.
4. Couple association
«Parlons de nous»
Profil: Rester autonome! Il faut être heureux seul avant d’être épanoui à deux, dirait ce couple. Chacun a ses projets mais ils se soutiennent devant les aléas de la vie. Dans leur dynamique, la communication est une seconde nature. Tout comme la curiosité de se mêler au monde extérieur. La routine, très peu pour ce duo! C’est une formule win-win mais, par contre, devant des envies personnelles parfois inconciliables, c’est le type de couple qui se sépare le plus.
Population suisse concernée *: 29%
(très représenté dans les couples sans enfants)
Trois sous-groupes association
les fissionnels
«Chez toi ou chez moi?»
L’indépendance ultime, ça plaît aux jeunes générations mais pas que! Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir vivaient dans des appartements séparés, Une relation associative poussée à l’extrême.
Les instagram
«On like nos stories»
Chacun son compte mais ils augmentent leur popularité à deux! Comme des vases communicants, ils construisent leur communauté en se soutenant par des clics.
Les ouverts
«Soyons libres»
La réalisation de soi prévaut, si bien que, dans ce format, le couple ouvert peut exister grâce à beaucoup de négociations et de discussions.
5. Couple parallèle
«Par défaut je t’aime»
Profil: De prime abord, ce couple est cryptique, car peu romantique, mais il y trouve son compte. Pas besoin de partager ses états d’âme dans ce style de relation, qui se base sur une sorte de partenariat. Le sentimental est mis de côté. Ce couple peut durer pour celles et ceux qui privilégient le prévisible.
Population suisse concernée *: 17%
* Pourcentages tirés de l'étude du sociologue Eric Widmer
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