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L'édito

Salaires: le dernier tabou

Si parler de son salaire a toujours été un sujet tabou en Suisse, dix-sept Romandes et Romands ont accepté de jouer la transparence en révélant leurs revenus. Et vous, votre salaire se situe-t-il dans la moyenne suisse? Réponse et éclairage à retrouver dans notre dossier spécial disponible dès ce vendredi 15 septembre en kiosque.

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Si parler de son salaire a toujours été un sujet tabou en Suisse, dix-sept Romandes et Romands ont accepté de jouer la transparence en révélant leur revenu.

Si parler de son salaire a toujours été un sujet tabou en Suisse, dix-sept Romandes et Romands ont accepté de jouer la transparence en révélant leur revenu. Retrouvez leurs portraits dans le magazine actuellement disponible en kiosque.

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Aujourd’hui, on parle plus facilement de suicide assisté, par exemple, que d’argent. Afficher son revenu, c’est comme se retrouver nu comme un ver face à une foule d’inconnus. Heureusement pour notre dossier sur les salaires, après des centaines de sollicitations, 17 Romandes et Romands ont accepté de jouer la transparence. Merci pour leur aide.

Mais soyons francs: notre travail a des limites, malgré ces précieux témoignages et malgré les données récentes que nous avons pu extraire du nouveau Lohnbuch (la «bible» suisse des salaires). Il est en effet impossible de lister les gains les plus stratosphériques. Par exemple ceux de la frange de médecins gagnant plus de 50'000 francs par mois. Ou ceux de ces propriétaires immobiliers, héritiers d’immeubles, qui profitent sans état d’âme des tensions sur le marché du logement. Ou ceux encore de ces improductifs acrobates de la finance, mieux informés et plus rusés que les petits actionnaires. Sans parler, enfin, des top (?) managers qui s’attribuent en douce des salaires à huit chiffres tout en menant une vieille et grande banque à la faillite.

Aux antipodes de ces discrets ultra-privilégiés flottant bien au-dessus des radars, les tableaux de salaires suisses raisonnables et connus confirment la déprimante réalité des métiers aussi indispensables que mal rétribués. L’employé de boulangerie qui nous tend notre pain aux noix, l’aide-soignante qui fait la toilette d’un vieux parent sénile, le paysan à la merci du marché du lait, le nettoyeur qui vient chaque soir faire des miracles dans notre rédaction... Les centaines de milliers de petits salaires – et de petits rentiers – dans une Suisse qui en est à sa troisième année d’inflation ont désormais besoin de mesures politiques efficaces et rapides pour ne pas dégringoler. C’est une question de solidarité et c’est crucial aussi pour maintenir notre foi en la démocratie.

Cela dit – et c’est embêtant pour l’exercice de l’éditorial qui devrait idéalement éviter les nuances –, une étude fouillée de l’Institut de politique économique suisse (IWP) de l’Université de Lucerne avait démontré l’année passée que notre petit pays, malgré ses égoïsmes, demeure une nation qui résiste à la tendance planétaire des inégalités croissantes des revenus. Le constat était certes moins rassurant sur le plan du patrimoine, mais la différence entre les rémunérations en Suisse est stable depuis près d’un siècle. Dans un mois, les électrices et les électeurs choisiront leur nouveau parlement et donc aussi le degré de solidarité salariale qu’ils souhaitent pour les années à venir.

La couverture de L'illustré n°37
Julie de Tribolet, Niels Ackermann/Lundi13
Par Philippe Clot publié le 15 septembre 2023 - 09:16