«Lorsqu’il n’est plus soumis à l’effort, le cœur devient de plus en plus petit. Il arrive un moment où il ne parvient plus à irriguer tout le corps. Avec le temps, le risque d’infections, notamment pulmonaires, augmente aussi de manière importante.» Ainsi s’exprimait en décembre dernier, dans nos colonnes, le grand neurologue zurichois Erich Riederer, à propos de l’état de santé de Michael Schumacher, dont personne, hormis la famille, ne sait dans quelle mesure il a récupéré du traumatisme crânien qui l’a laissé dans un état qualifié de végétatif.
Il y a neuf mois, le médecin des bords de la Limmat se prononçait en écho aux nouvelles rassurantes données par Jean Todt, directeur de la Fédération internationale de l’automobile et ami proche du champion, l’un des seuls à bénéficier d’un droit de visite. Alors, lorsque le journal Le Parisien a révélé le 10 septembre que la légende du sport automobile avait été transférée en grand secret au sein du service de chirurgie cardiovasculaire de l’Hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris, les déclarations du docteur Riederer nous sont forcément revenues à l’esprit. D’autant plus que le quotidien de la capitale, apparemment bien informé, assurait que le célèbre patient était pris en charge par le professeur Philippe Menasché, éminent chirurgien cardiaque de 69 ans, pionnier de la thérapie cellulaire pour soigner l’insuffisance cardiaque.
Faux nom et escorte
Nous avons bien sûr contacté le professeur Menasché, qui nous a gentiment répondu ne pas vouloir communiquer pour le moment. Un silence qui n’étonne personne puisque, excepté quelques petites phrases toutes plus énigmatiques les unes que les autres, rien n’a jamais filtré du centre médical hyper-sophistiqué installé dans la propriété familiale de Gland (VD), où le «Baron rouge» est surveillé et traité 24 heures sur 24 par une armada de médecins et d’infirmières.
Toujours selon le journal, l’ancien champion, transféré le lundi d’avant par ambulance depuis la Suisse, aurait déjà effectué deux passages à l’hôpital parisien au printemps dernier. Des transferts par hélicoptère, avec entrée dans le centre sous un faux nom et sous escorte, indique le quotidien.
Les raisons de ces visites, qui semblent ne pas excéder deux à trois jours, restent mystérieuses. On imagine que le champion allemand pourrait recevoir des perfusions de cellules souches censées traiter l’insuffisance cardiaque. Greffer ces cellules dans un organe a pour but de tenter d’en restaurer la fonction, comme l’expliquait le professeur Menasché au magazine Le Point en 2018.
«Technique prometteuse, mais...»
Erich Riederer n’y croit pas. «Il y a des maladies qu’on traite avec des cellules souches, la sclérose multiple et la maladie de Parkinson, par exemple. Mais ce sont les seules, pour l’instant. La technique de mon confrère est sans doute prometteuse, mais nous n’en sommes qu’au début. Il faudrait l’éprouver sur des centaines de patients avec un recul d’au moins une décennie pour la valider.»
A ce sujet, le professeur français explique dans la même interview que seules six personnes ont bénéficié de ce traitement à ce jour. «Et toujours en complément d’un pontage coronarien», précise-t-il. «Cela dit, si ces injections permettent de soulager et d’aider même ponctuellement M. Schumacher, c’est très positif, estime Erich Riederer. Quand le cœur est boosté, l’état général en profite. Ce qui est sûr, c’est que ce traitement aux effets encore aléatoires n’a aucune influence sur le système nerveux du patient. En l’occurrence, il peut donc aider M. Schumacher à mieux survivre, mais pas à guérir, malheureusement. Une transplantation? Un nouveau cœur n’aurait pas non plus d’impact.»
Jusqu’à huit ans de survie
Au cours de ses quarante ans d’expérience, le thérapeute alémanique a traité des dizaines de personnes atteintes dans leur système nerveux et en état végétatif. «Leur espérance de vie varie considérablement selon la qualité des soins qu’elles reçoivent. Cela peut aller jusqu’à huit ans. Dans le cas de Michael Schumacher, on peut considérer qu’il bénéficie des meilleurs soins possible.»
Film-vérité?
Le film à venir, présentant la vie et l’œuvre de celui qui reste à ce jour le pilote le plus titré de la Formule 1, lèvera-t-il enfin le mystère sur son état de santé? Annoncé en mai dernier, ce biopic sobrement intitulé «Schumacher» sortira au cinéma le 5 décembre, en Allemagne d’abord. Actuellement en post-production, il a obtenu le soutien total des proches du champion. C’est du moins ce qu’a fait savoir en mai dernier Sabine Kehm, la porte-parole de la famille, lors de l’annonce de sa mise en route. Selon elle, le long métrage, confié aux deux cinéastes allemands Michael Welch et Hans-Bruno Kammertöns, offrira des archives inédites et des témoignages de Corinna, l’épouse de Schumi, de Rolf, son père, ainsi que de Gina et Mike, ses deux enfants.
Officiellement, ce trailer est censé fêter un double anniversaire: le demi-siècle du «Baron rouge» et les 25 ans de son premier titre mondial. Mais les nombreux supporters du champion du monde espèrent qu’il permettra surtout de lever le voile sur son état de santé. Pas gagné. Diffusée à un public de professionnels lors du dernier Festival de Cannes, la bande-annonce laisse en effet planer le doute. Selon le récit de ceux qui l’ont vue, une petite phrase de Bernie Ecclestone, ancien patron de la F1, renforce même l’énigme. «Michael n’est pas encore avec nous pour le moment. Mais quand il ira mieux, il répondra à toutes vos questions», dit l’octogénaire britannique. Une déclaration qui, une fois de plus, laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Après bientôt six ans d’un long et inquiétant silence, saura-t-on enfin la vérité?