Quatre ans et demi que la question taraude l’esprit des fans et des médias du monde entier, et même des amis les plus proches du septuple champion du monde. Dans quel état de santé se trouve Michael Schumacher?
Depuis son dramatique accident de ski, le 29 décembre 2013, à Méribel, sa famille et sa femme Corinna, que le champion a épousée en 1995, distillent des informations au compte-goutte, pour ne pas dire imposent un véritable black-out sur cette interrogation devenue taboue. Le 19 septembre 2016, l’avocat allemand du clan, Felix Damm, a confié que «Schumi» ne pouvait pas marcher ni se tenir debout tout seul. «Pas même avec l’aide des médecins», avait-il précisé. Puis plus rien, jusqu’au 26 mars dernier. Ce jour-là, Sabine Kehm, la fidèle chargée de communication du pilote et des siens, a brièvement rompu le silence, surtout pour dire qu’elle n’avait… rien à dire. «Ce que je peux dire, c’est que la famille de Michael apprécie énormément l’empathie de ses fans. Les gens voient et comprennent réellement que sa santé n’a pas à être évoquée publiquement», a-t-elle lâché.
En clair, vous pouvez toujours questionner, on ne vous répondra pas. Coéquipier du «Baron rouge» durant plusieurs saisons au sein de l’écurie Ferrari, le Brésilien Rubens Barrichello en personne a déclaré début mai n’avoir pas pu rendre visite à son pote de Gland. «J’ai cherché un moyen d’aller le voir mais on m’a répondu que cela ne ferait du bien ni à lui ni à moi. Je n’ai donc aucune nouvelle, mais il faut respecter les vœux de la famille», a commenté «Rubinho» sur la chaîne TV Globo, révélant au passage avoir lui-même été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) à l’automne 2017. «J’ai subi depuis une opération pour extraire une tumeur bénigne dans mon cerveau», a précisé l’éternel coéquipier de Schumi. A ce jour, seuls quelques très proches, le Français Jean Todt, président de la Fédération internationale de l’automobile (FIA), ou encore Ross Brawn, le directeur technique et sportif de la F1, ont été autorisés à se rendre au chevet de l’Allemand et sont restés en contact avec sa famille.
Une raison d'espérer
Cette omerta fait évidemment le lit de toutes sortes d’hypothèses et de rumeurs. Parmi les plus insistantes du moment, il se dit que Corinna préparerait dans le plus grand secret le transfert de son mari vers un hôpital américain spécialisé dans le traitement des traumatismes crâniens. Le magazine allemand Bravo, qui qualifie le champion de «très faible», a même quêté l’avis du directeur de l’établissement de Dallas, Mark Weeks. «Nous avons une grande expérience des patients qui souffrent de ce genre de traumatisme. Il n’y a probablement aucune clinique en Europe qui traite autant de cas que nous», a déclaré celui-ci. Des mots qui ont semble-t-il ravivé l’espoir de Corinna et de ses deux enfants, Mick, 19 ans, et Gina Maria, 21 ans. Le 3 janvier dernier, à l’occasion du 49e anniversaire du plus titré des pilotes, sa fille a d’ailleurs envoyé un message très émouvant à son père via son compte Instagram. «Bon anniversaire au meilleur de tous les papas. Nous t’aimons.» Quelques mots tendres assortis d’un #Continueàtebattre. A Gland, pas moins de quinze personnes procurent des soins quotidiens à Michael Schumacher. Des prestations dont le coût s’élève, dit-on, à 150 000 francs par semaine, soit près de 8 millions par année. Sans compter les 15 millions de francs qu’ont coûté les travaux pour rendre la maison accessible et la médicaliser.
Mais la santé du champion n’est pas la seule préoccupation de la famille. Après Navyboot et Jet Set, deux nouveaux sponsors historiques du pilote ont tour à tour cessé leur engagement en 2017 (la marque de montres de luxe Audemars Piguet et le fabricant de portes Hörmann). Bien qu’elle ait retiré le hashtag #KeepFightingMichael («Continue de te battre Michael») qu’arboraient les monoplaces de Lewis Hamilton et de Nico Rosberg, l’écurie Mer- cedes demeure donc l’un des derniers partenaires fidèles à leur ancien cador.
Autre inquiétude pour le clan, il y a un mois, les médias germaniques révélaient l’existence, document à l’appui (voir en page 13), d’une procuration générale que Michael a donnée à son père, le 27 août 1992. Un acte d’une trentaine de lignes signé devant notaire trois jours seulement avant la première des 91 victoires en Grand Prix de l’Allemand, à Spa-Francorchamps, qui donnerait les pleins pouvoirs à Rolf Schumacher (72 ans) de gérer les biens et la fortune de son fils «de son vivant et au-delà de sa mort». Un mandat doublé du statut d’exécuteur testamentaire que le grand hebdomadaire populaire Bunte assimile carrément à un testament secret. Questionné par le journal, un juriste munichois va jusqu’à suggérer que le père du pilote pourrait demander à la justice de geler voire de transférer les avoirs de son fils, près de 800 millions d’euros (lire encadré), s’il le jugeait nécessaire. Rolf Schumacher, qui réside dans une petite bourgade proche de Bonn mais passe le plus clair de son temps dans une aile de la somptueuse propriété vaudoise de la famille spécialement aménagée pour lui, ne dispose pas, en revanche, de la possibilité «de demander que son fils soit maintenu en vie artificiellement, par exemple», estime bon de préciser l’homme de loi.
Corinna curatrice
Spécialiste du droit des affaires à Lausanne, Me Christophe Piguet ne fait pas du tout la même lecture du document que son confrère d’outre-Rhin. S’appuyant sur un principe fondamental du droit suisse, l’ancien bâtonnier du canton de Vaud rappelle que l’incapacité de discernement dans laquelle s’est trouvé le pilote depuis son accident a mis fin de plein droit à la procuration générale dont disposait son père. «Pour que M. Schumacher senior puisse continuer à s’occuper des affaires de son fils, il aurait fallu qu’il soit en possession d’un «mandat pour cause d’inaptitude», et non d’une procuration ordinaire. Sans un tel mandat, ce qui semble être le cas, la procuration en question s’est éteinte», affirme l’avocat vaudois. L’hypothèse paraît d’autant plus vraisemblable que, selon la presse allemande, la justice de paix du district de Nyon aurait nommé Corinna Schumacher curatrice de la fortune familiale. Une information que l’institution n’est pas tenue de rendre publique et que la juge Marion Zuber, citée par Bunte, n’a pas voulu confirmer. «Mais si elle était avérée, ce serait la preuve que tout le clan Schumacher vit en bonne harmonie. Car il suffirait de l’opposition motivée d’un membre proche de la famille pour que la justice de paix confie la curatelle à une personne ou une institution extérieure», note Christophe Piguet.
Unis pour le meilleur et pour le pire depuis vingt-trois ans, Corinna et Michael ont toujours suscité l’admiration dans un univers pourtant jonché d’embûches. A travers cette terrible épreuve, le couple démontre, s’il en est encore besoin, sa solidité, sa solidarité et son immense amour…