Quand nous les avions rencontrés, Tina (59 ans), l’épouse de Sergio Ermotti, décrivait son mari comme quelqu’un d’honnête et de direct. «Avec lui, on sait toujours à quoi s’en tenir. Il est authentique.» Elle est bien placée pour le savoir. Les deux Tessinois se sont rencontrés il y a plus de trente ans sur une place de Lugano et ne se sont plus quittés depuis.
Lors de la conférence de presse du mercredi 29 mars à Zurich, l’annonce faite par Sergio Ermotti (62 ans) de sa désignation en tant que CEO de la nouvelle UBS était du même style, honnête et directe. «Je promets de me consacrer entièrement à l’optimisation des résultats pour les clients, les collaborateurs, les actionnaires et le gouvernement suisse, a déclaré le nouveau superchef. Et je travaillerai dur pour éviter tout impact sur les contribuables suisses.»
Désormais, dans la nouvelle superbanque issue d’UBS et de Credit Suisse, chacun connaît son rôle. Après la tourmente, place à l’ordre. Cette intention s’exprime symboliquement juste avant le début de la conférence de presse. Ralph Hamers, encore patron d’UBS, s’approche du nouveau CEO, Sergio Ermotti, lui réajuste le col de sa veste et retourne à sa place.
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Le superbanquier est désormais au sommet. Mais bien qu’il soit chez lui dans le secteur bancaire mondial, sur les places financières de Singapour, de New York et de Londres, sa patrie reste le Tessin.
Apprentissage bancaire
Ses amis sont toujours ses coéquipiers du FC Collina d’Oro à Lugano. C’est là qu’il est enraciné. Et c’est de là qu’il tire son goût pour le style de vie méridional. Adolescent, il veut devenir footballeur professionnel. Il est ramasseur de ballon au FC Lugano et joue une saison en réserve du FC Chiasso. Jusqu’à l’âge de 15 ans, tout tourne autour du football et du sport. A l’école, il est moyen. Il se contente d’une note de 4 sur 6. «J’ai vite dû me rendre à l’évidence: les chances de pouvoir vivre du football étaient très minces pour moi», racontait-il en 2020.
Le Tessinois poursuit néanmoins sur cette voie. Passionné de sport, il est attiré par Macolin. «Je voulais suivre une formation de maître de sport», se souvient-il. Pour cela, il a besoin d’un diplôme. Comme solution intermédiaire, il choisit un apprentissage dans une banque. «Après quelques semaines, j’ai remarqué que travailler dans une banque était en fait très intéressant.» Il réalise vite qu’on peut gagner encore plus d’argent qu’un footballeur professionnel. Il est resté à la banque et ne le regrette pas aujourd’hui. De 2011 à 2020, Sergio Ermotti a empoché plus de 100 millions de francs en tant que CEO d’UBS. Pour gagner autant en tant que footballeur, il aurait déjà dû faire une carrière de haut niveau dans une équipe internationale de premier plan.
Il débute comme employé de commerce à la Cornèr Bank de Lugano avec un modeste salaire mensuel de 350 francs. «Je viens d’une famille de cinq personnes. Mon père était un simple employé de banque. On réfléchissait bien avant chaque dépense.» A l’époque, ce qu’il désirait le plus, c’était un t-shirt du FC Lugano. «C’était difficile à obtenir et donc, c’était cher. Ce n’était tout simplement pas possible.»
Aujourd’hui, Sergio Ermotti peut tout s’offrir. «Mais cela ne signifie pas que je gaspille mon argent sans réfléchir.» On lui dit même parfois qu’il est très économe. «Pourtant, je suis un homme généreux. Mais je ne supporte pas que les gens jettent leur argent par les fenêtres. C’est contraire à mes principes.» A la maison, chez les Ermotti, c’est Tina qui gère les finances. «Elle adore dépenser», dit-il en riant.
Le Clooney de la finance
Une chose l’agace toutefois: les envieux qui critiquent sans cesse les salaires élevés dans les banques. «Le sentiment d’envie est humain. Malheureusement, on fustige avant tout les banques, soulignait-il alors. Dans d’autres secteurs économiques ou dans le sport, les rémunérations élevées ne font pas l’objet de polémiques.» Ce qu’il estime décisif, c’est que «ceux qui paient les salaires, c’est-à-dire les actionnaires, bénéficient aujourd’hui d’une bien plus grande transparence sur les pratiques de rémunération et peuvent voter chaque année à ce sujet». Mais pour lui aussi, il est clair que «l’argent ne rend certainement pas les gens meilleurs. Si quelqu’un n’est pas une bonne personne, l’argent n’aide pas.»
Lors de la conférence de presse de fin mars, une chose est claire. Lorsque Sergio Ermotti entre en scène, son aura s’impose immédiatement. Physiquement, il est grand, large d’épaules, sportif, toujours bronzé, les cheveux argentés. Pas étonnant qu’il soit souvent comparé à George Clooney, le beau gosse de Hollywood. Selon un sondage réalisé par un portail de rencontres extraconjugales, une femme suisse sur quatre rêverait d’avoir une liaison avec le CEO d’UBS. Ce sondage a quelques années de retard, s’amusait-il dans une interview réalisée il y a trois ans. Il semblerait qu’il ne soit pas conscient de son sex-appeal. «Mais moi si! s’exclame Tina. Les femmes le regardent.» Pour elle, cela n’a pas toujours été facile. «J’ai le tempérament d’une Italienne du Sud.»
«Je ne supporte pas que les gens jettent leur argent par les fenêtres.»
Sergio Ermotti
Père de deux enfants, il tient les problèmes de la banque à l’écart de la vie familiale. «Il peut être très silencieux et replié sur lui-même», témoigne Tina. Il lui faut parfois des jours pour se sortir des préoccupations et vraiment déconnecter. Je dois alors lui laisser du temps.» Pour lui, cette attitude va de soi. «C’est ma façon de protéger ma famille. Pourquoi devrais-je parler de tous ces problèmes le week-end?» Il a également toujours essayé de confronter le moins possible ses deux fils à son succès. Selon Tina, ceux-ci sont toutefois très fiers de la carrière de leur père. «Son jugement est extrêmement important pour eux.» Autrefois, en tant que mère, elle était la principale personne de référence. «Mais cela s’est déplacé. Aujourd’hui, c’est clairement l’avis de Sergio qui est devenu prioritaire.» Un père qui a autant de succès peut aussi être un fardeau pour les enfants. «C’est pourquoi je suis honnêtement heureux qu’aucun des deux n’ait décidé de devenir banquier», déclare le père de famille.
L’intuition de Tina
Tina et Sergio Ermotti se réjouissaient de passer plus de temps ensemble au terme du mandat d’UBS. «J’espère voyager davantage avec Tina et faire beaucoup de ski», révélait-il en 2020. Tina se montrait alors sceptique quant au fait qu’il tienne vraiment ses promesses et quitte le monde de la finance pour de bon. Elle connaît son mari par cœur. Et elle avait bien raison.