Après quelques échanges, on comprend que Marie Griesmar a le don de transfiguration. Sculptrice, la jeune femme est aussi scénographe, passionnée de biologie marine, militante écolo et un peu architecte. «Mais je fabrique des maisons pour des coraux», sourit-elle. La Romande de 28 ans a une obsession: l’eau. Fille d’une Bretonne et d’un Vaudois, elle a été initiée, par son père, à la plongée dans le Léman dès ses 8 ans. Elle ne quittera plus cet environnement où les formes, les couleurs et les compositions l’inspirent. En 2012, aux Seychelles, elle constate la menace du réchauffement climatique pour les écosystèmes.
Alors, pendant ses études (elle a réalisé un bachelor en arts visuels à la HEAD-Genève puis un master à la Haute Ecole d’art de Zurich) naît l’idée de sculptures pour revivifier le milieu aquatique. «Je voulais créer des formes organiques pour que les différentes espèces s’y logent.» En 2016, elle immerge ses premiers récifs artificiels en argile dans les lacs suisses. Deux résidences à la croisée de l’art et de la science plus tard, elle rejoint un centre de recherche à Zurich pour développer ses installations avec l’impression 3D. Elle abandonne alors les grands formats de ses créations pour construire des sculptures modulables à partir de briques. Les avantages? Elles s’adaptent aux courants marins et sont plus facilement transportables. «J’ai eu plusieurs hernies discales avec les anciens modèles.»
En 2019, inspirée par sa nouvelle collègue, l’océanographe Ulrike Pfreundt, elle améliore les parois de ses pièces. «Il faut de la rugosité, des motifs pour que les larves s’accrochent et survivent.» Inarrêtable, elle dépose 100 prototypes dans les eaux des Maldives pour tester la géométrie la plus adaptée. «Merci le covid, depuis un an, aucun chercheur ne peut accéder à l’île», soupire-t-elle. Entre-temps, elle a cocréé Rrreefs, qui, au début de cette année, a engrangé plus de 70 000 francs grâce à un crowdfunding pour un projet pilote en Colombie. Rendez-vous en septembre sur l’île de San Andrés.