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Art insolite

Simon Berger, l'artiste qui crée la beauté par la destruction

Simon Berger, 45 ans, est un artiste contemporain suisse qui brise du verre pour réaliser des portraits figuratifs, mais aussi des sculptures et des installations architecturales. De son atelier niché dans une petite commune bernoise, il provoque la curiosité des collectionneurs du monde entier, de Paris à São Paulo en passant par Washington.

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RENCONTRE AVEC SIMON BERGER

Simon Berger travaille le verre depuis environ cinq ans dans son atelier à Niederönz (BE), où il s’entraîne sur tous types de supports, comme des pare-brise de voitures ou de grandes vitres. 

Darrin Vanselow

C’est à Niederönz, petit village de la campagne bernoise, que se niche l’atelier sans prétention, dans le garage de sa maison, du discret Simon Berger, «l’artiste qui casse du verre». C’est pourtant ici qu’il réalise des portraits et des sculptures qu’il vend aux quatre coins de la planète à des acheteurs avertis.

Il y a quelques mois encore, il était presque inconnu du monde de l’art contemporain. Ce menuisier de formation de 45 ans a vu sa carrière d’artiste autodidacte prendre un tournant exceptionnel à l’automne dernier, à la suite d’une succession de rencontres, mais aussi grâce aux réseaux sociaux. C’est par ce biais que le Bernois a reçu, en octobre 2020, une demande par Instagram du Musée de l’histoire des femmes à Washington pour réaliser le portrait en verre brisé de la nouvelle vice-présidente américaine, Kamala Harris. Et de fait, il est le seul (à sa connaissance) à utiliser un marteau pour créer des visages qui apparaissent par magie dans les craquements du verre, qui nécessitent, par œuvre, jusqu’à 4000 tapes au marteau pour réaliser un portrait figuratif.

Kamala Harris par Simon Berger

Le portrait de Kamala Harris, première femme vice-présidente des Etats-Unis, a été réalisé pour le Musée de l’histoire des femmes et exposé en février 2021 sur la place du National Mall à Washington.

Instagram/David Dixon

Simon Berger a commencé à travailler le verre il y a environ cinq ans, alors qu’il était à la recherche d’une technique artistique unique pour se démarquer des autres artistes amateurs. Plein d’ambition et avide de reconnaissance, lui qui n’en obtenait pas assez dans son activité d’artisan, il décide de se jeter à corps perdu dans la création. «J’ai toujours fait beaucoup d’expérimentations, mais je ne trouvais pas de médium qui me satisfaisait vraiment», explique celui qui a commencé par le spray il y a une douzaine d’années, puis a tenté de travailler le bois en relief.

Simon Berger

A l’aide de son marteau, l’artiste bernois peut aller jusqu’à 4000 martèlements pour parvenir à réaliser un portrait figuratif. Il s’inspire le plus souvent de visages inconnus qui l’intriguent par leur force.

Darrin Vanselow

A force de persévérance, l’artiste finira par trouver «une jouissance» dans le fait de détruire pour créer quelque chose de beau. «Si j’ai choisi le verre, ce n’est pas qu’une question de technique, c’est bien plus profond. Par la destruction, on trouve la beauté et on trouve des ouvertures à la lumière», explique le passionné qui confesse une fascination pour le portrait, le plus souvent d’inconnus. «Pour moi, les visages parlent, j’aime la force qui s’en dégage», déclare celui qui joue sur les traits marqués, comme de grands yeux expressifs ou une bouche proéminente. Ce que l’artiste souhaite, c’est avant tout susciter des émotions fortes chez le spectateur.

Mais c’est aussi l’éclairage de ses œuvres qui joue un rôle clé dans l’appréciation de son art, car les portraits prennent vie en fonction de la lumière qui passe à travers le verre brisé. «Elles se transforment une fois qu’elles sont éclairées, elles deviennent profondes et tridimensionnelles», poursuit l’artiste, qui ne laisse aucun détail au hasard et se dit plus cérébral que philosophe dans son approche artistique. Simon compare l’art à un sport, dans lequel il s’est fixé le défi d’aller toujours plus loin. Pas de place pour la contemplation, ici on travaille chaque jour, même le week-end, et parfois de 7 h du matin à 22 h en enchaînant 10 ou 20 portraits dans la même journée, tous singuliers.

Simon Berger

En 2020, Simon Berger a participé à un projet artistique sur les abribus des Transports publics genevois. Son travail a été confondu avec du vandalisme.

Martial Trezzini/Keystone

Simon Berger et sa vision stakhanoviste de l’art, qui contraste avec son tempérament calme et sa sobriété, ont tapé dans l’œil des artistes qui ont exposé avec lui à Zurich, à Bâle ou à Grenoble, mais a aussi séduit des professionnels du monde de l’art, comme le galeriste Laurent Marthaler. Ce dernier a repéré un potentiel artistique et financier dans le travail du casseur de verre et œuvre au développement de la carrière de l’artiste à l’international. Pour ce faire, il vend des œuvres au Brésil, au Mexique, en France ou en Belgique avec des tableaux qui varient entre 2700 et 5400 francs pièce.

«Il a réellement une patte à lui, le verre est sa marque distinctive», explique le galeriste, qui prépare son artiste pour un festival parisien en juin, un projet en collaboration avec un architecte à São Paulo à la fin de l’été, et surtout au salon d’hiver à Miami «afin de l’ouvrir au marché des collectionneurs américains». En moins d’une année, Simon Berger, qui se consacre désormais à plein temps à sa création, aura alors récolté les fruits de son travail. Et même s’il n’est qu’au début de sa carrière, le Bernois, éternel insatisfait, pense déjà grand pour la suite et s’est récemment mis à la sculpture de formes géométriques en collant des plaques de verre ensemble, ou en imaginant des projets architecturaux d’une envergure plus importante. Tout en espérant qu’il aura le temps de s’y consacrer pleinement, alors qu’il va devenir papa cet été.

Par Meryl Brucker publié le 9 juin 2021 - 08:25